[PHOTOS] Les «bizouneux» contre-attaquent: voici pourquoi les Québécois veulent réparer leurs produits

«Un gros merci, Nico!» On entend cette phrase souvent quand on passe quelques minutes avec le bizouneux-en-chef de la Shop Techno, à Montréal. 

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À 5 ans, Nicolas Gervais ramassait des télés et des radios brisées. Dans sa chambre, il les démontait, il trouvait la faille, il les réparait puis les remettait au même endroit au bord du chemin, le mot «réparé» apparu sur une pancarte.

Ce gamin serait fier du Nicolas de 38 ans. L’homme répare toujours les objets, il en a fait un métier puis la société qui consomme a fait le reste, il ne manquera jamais de boulot.

Cet après-midi de juillet, le client lui dit merci puis repart, tout content, sa machine à café sous le bras. Nicolas a posé un diagnostic, il a ouvert la machine au complet, ça fera 63,24$, svp.

«Il faut de la volonté pour recycler. Réutiliser, c’est juste de la volonté», prêche le maître des lieux.

Le plus souvent, les gens viennent pour leur cellulaire, leur ordinateur portable ou leur tour de gamer. Mais la boutique-atelier regorge de cadrans, de synthétiseurs et d’autres traces du passé, ces objets forment un bordel au je-ne-sais-quoi de mélancolique, de charmant aussi.

Une autre cliente, Denise, 70 ans bien tassés, est ici pour le clavier de son amoureux. La touche «shift», la petite, vient de connaître une fin atroce, difficile à expliquer.

Nicolas fouille dans son bac de touches, ne trouve pas la bonne. Le «petit shift» est la seule touche qui manque.

«Je vais regarder chez moi, j’en ai plein d’autres, je vous appelle demain si je la trouve.» Denise repart avec son clavier, son sauvetage en suspens, son destin entre les mains de ce diplômé en informatique au DEP.

Une famille, le père, les deux enfants et le chien, entre dans la boutique. Le plus vieux a besoin d’un nouvel ordi pour jouer à Minecraft, le sien, que son père porte, se fait lent et vieux.

«J’ai déjà deux trois idées», confie Nicolas à son client, avant de flatter Ficelle, le chien.

Le bizouneux rachète les boîtes ouvertes d’Amazon, en fait profiter sa clientèle, qui de toute évidence lui fait confiance les yeux fermés. C’est dans le lot livré ce matin qu’il va dénicher exactement l’ordi dont le jeune a besoin, pas plus, pas moins.

C’est aussi ici qu’un Chromebook de 279$ coûte aussi peu que 125$. Nicolas le trouve, le reconditionne, le vend à un prix raisonnable à des gens raisonnables.

«Les gens ne veulent pas bin bin apprendre à réparer, mais ils sont conscients du désastre, ils m’apportent plein de vieux stock», raconte le patenteux de Rosemont.

Devenir bizouneux 

Ses clients lui apportent aussi beaucoup d’appareils de cuisine à réparer. Mais sa limite est là, il ne sait que faire d’un robot culinaire fatigué.

Pour ceux-là, il y a Gilles Parent et l’équipe du Repair Café à Montréal. On s’inscrit, on attend la date mensuelle de l’événement, on se présente à l’heure avec notre objet, on nous affecte un réparateur et on y va.

«Les gens viennent pour faire réparer leur objet, mais pour apprendre aussi», indique ce retraité-pédagogue.

En deux trois ans, les réparateurs bénévoles sont passés de 2 à 20, les curieux qui se présentent chaque fois de 12 à 50.

Les micro-ondes et les cellulaires ne sont pas invités, on se présente souvent avec son grille-pain ou sa machine à café.

«Après une première réparation, les gens gagnent en confiance, ils se mettent à chercher avec la marque et le numéro de série sur YouTube», se réjouit le papa du Repair Café de Montréal.

Le concept vient d’Amsterdam et fait des petits partout, dont un autre à Montréal, à Pierrefonds, qui roule aussi beaucoup.

Le taux de succès de Gilles et de son équipe est de 55%, ce qui est aussi la moyenne du Repair Monitor, l’ensemble des objets réparés par les 3000 Repair Café de la planète.

En veux-tu, en v’là 

Les bizouneux qui aiment travailler de leurs mains ne sont pas en reste. Il existe une foule d’autres options pour apprendre à faire les trucs soi-même.

Pierre-Alain Lorion est en train de rénover – «heille, pis moi?» rigolerait son architecte d'amoureuse – le rez-de-chaussée qu’il habite à Montréal. L’ingénieur de 40 ans est habile de ses mains, mais le stress l'a gagné, récemment, quand il devait poser la céramique de la salle de bain.

«J’ai fait un cours de trois heures chez Les Affûtés. C’est concret, on peut poser toutes nos questions», raconte-t-il, plein d’enthousiasme.

Pour 80$, le bizouneux-expert en a eu pour son argent. Il a même appris deux trois trucs au sujet des outils à utiliser.

«J’y retournerai demain matin», lâche-t-il sans ambiguïté.

Outre Les Affûtés, on peut aussi se rendre à La Remise, une bibliothèque d’outils, ou au Fab Lab, où se trouvent des instruments plus technos.

Tout ce qu’il faut pour s'activer, rappelle Nicolas Gervais, c’est un peu de volonté. «Pour donner une deuxième vie aux objets, faut d'abord vouloir», souffle le bizouneux.

Liste d'endroits où apprendre à réparer 

Repair Café
Initiative de réparation bénévole
Repair Café Montréal (repaircafemtl.com)

La Remise
Bibliothèque d'outils et ateliers de couture et pour petits travaux
https://laremise.ca/

La Remise (Atelier vélo)
Bibliothèque d'outils et atelier de vélo
https://laremise.ca/

Les Affûtés
Atelier offrant l’accès à des outils et à de l’expertise
https://www.les-affutes.ca/

Le Studio – Espace numérique
Impression de pièces 3D
Ville de Laval - Le Studio

Atelier La Patente, coopérative de solidarité (Québec)
Atelier offrant l’accès à des outils et à de l’expertise
https://atelierlapatente.org/

Fab Lab du Musée de l’Ingéniosité J. Armand Bombardier (Valcourt)
Atelier offrant l’accès à des outils et à de l’expertise
Musée de l’ingéniosité J. Armand Bombardier - Le Fab Lab (museebombardier.com)

Fab Lab Matane
Atelier offrant l’accès à des outils numériques, imprimante 3D, découpeuse laser
Fablab Matane (google.com)

Coopérative de Solidarité Horizons Gaspésiens (Café réparation et bibliothèque d'outils)
Atelier offrant l’accès à des outils et à de l’expertise : outils, cuisine, menuiserie, artisanat, mécanique, jardinage, électricité
Loco Local | Horizons Gaspésiens (horizonsgaspesiens.net)