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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Survivre à l’invasion barbare

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Photo portrait de Jacques Lanctôt

Jacques Lanctôt

2022-02-26T05:00:00Z
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La révolution numérique est bel et bien en cours et nous n’avons pas vraiment le choix. Ou on y embarque ou on demeure hors combat. Soit on tente d’être différent, soit on accepte d’être interchangeable.

Alain Saulnier, qui dirigea le réseau de l’information de Radio-Canada, lance un cri d’alarme. Il faut contrer l’invasion des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et de certaines autres plateformes. Ces superpuissances numériques ont pris le contrôle de l’information (contenant et contenu), menaçant notre culture, notre langue et notre souveraineté, et imposant « en priorité la culture et la vision américaines dans les domaines de la musique, de la vidéo et de la recherche ». Ces entreprises ont réussi à créer une dépendance puissante, devenant aussi indispensables que l’eau et l’électricité, surtout chez les moins de 35 ans. La pandémie n’a fait qu’accentuer cette dépendance aux GAFAM et au wi-fi.

Pour Alain Saulnier, les autorités, tant canadiennes que québécoises, ont capitulé devant cette invasion, et l’organisme suprême en la matière, le CRTC, n’a pas joué son rôle de contrôleur et d’arbitre, laissant « les modèles numériques émergents devenir dominants, sans faire d’effort pour maintenir un minimum d’équité au sein du système canadien de radiodiffusion », comme l’affirme le juriste et professeur Pierre Trudel en préface. 

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Mais comment ces superpuissances numériques, cotées en bourse et toutes étatsuniennes, en sont-elles venues à conquérir notre univers médiatique, culturel et social ? se demande Saulnier. En jouant la carte du plus fort, en défiant nos lois, en refusant « de reconnaître nos frontières et de respecter nos règles du jeu », répond-il. Et dans la foulée de cette invasion barbare, des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter laissent circuler toutes sortes de fausses nouvelles, refusant de s’imposer un code d’éthique qui interdirait de telles pratiques et tout propos extrémiste. 

Le français menacé

Le constat est grave. Il s’agit d’une véritable menace à notre souveraineté, accentuée par notre statut de minorité francophone en Amérique, prévient Saulnier. « Il faut être conscients que vivre en français à l’ère numérique comporte des obstacles plus sérieux que jamais. On le constate par la désaffection des moins de 35 ans à l’égard de la culture et de la langue françaises au Québec [...]. C’est à mon avis la menace la plus sournoise à la langue et à la culture françaises en ce moment. »

Par ailleurs, ces superpuissances numériques fouillent sans scrupules dans nos données privées et vendent à des compagnies publicitaires nos informations personnelles, entre autres en ce qui a trait à nos habitudes de consommation. 

L’auteur pointe du doigt Mélanie Joly, qui, en 2017, alors qu’elle était ministre du Patrimoine canadien, n’a pas su répondre adéquatement à Netflix, s’extasiant plutôt « devant les offres ridicules d’investissement de Netflix ». Cinq ans plus tard, on attend toujours les mesures législatives qui aideraient les entreprises culturelles et les créateurs d’ici et qui feraient en sorte que « les géants du web paient leur juste part pour la création et la promotion de contenu canadien ». Naïveté, complaisance ou connivence ? se demande l’auteur.

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Saulnier retrace, dans son ouvrage écrit à un train d’enfer, les failles et les erreurs qui ont permis aux GAFAM de prendre le contrôle de nos ondes. « Depuis 1999, les présidents successifs du CRTC ont regardé le train défiler sous leurs yeux. » Constat tout aussi lamentable en ce qui concerne les droits d’auteur. 

En terminant, Saulnier nous invite « à mettre fin à notre passivité à l’égard de ces nouveaux conquérants », en exigeant l’adoption de législations appropriées. Il en va de notre survie, insiste-t-il avec raison.

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Malraux au Québec

Propos et discours 1963

Photo courtoisie
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Pour les gens de ma génération, le nom d’André Malraux nous est familier. Écrivain engagé, il a écrit des romans célèbres, comme La condition humaine, inspiré de la Révolution chinoise, et L’espoir, basé sur son combat aux côtés des républicains espagnols contre les fascistes de Franco. Il a ensuite joint les rangs de la Résistance, sous les ordres du général de Gaulle, dont il a été par la suite le ministre de la Culture. C’est à ce titre qu’il visite le Québec, à l’automne 1963, invité par son homologue québécois, Georges-Émile Lapalme, qui a fondé, deux ans auparavant, le ministère des Affaires culturelles. Celui-ci est un ardent défenseur de la francophonie et du nécessaire rapprochement entre la France et le Québec, ce que souhaite également le patron de Malraux, le général de Gaulle. On pourra suivre à la trace, dans cet ouvrage minutieusement préparé par l’ancien recteur de l’UQAM, les faits, gestes et propos du ministre Malraux lors de sa visite mémorable au Québec ainsi que le ballet protocolaire que suppose une telle visite entre Québec et Ottawa. 


Les rêves du ookpik

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