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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Un Che Guevara de cœur et d’esprit

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Photo portrait de Jacques Lanctôt

Jacques Lanctôt

2022-02-13T05:00:00Z
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Le titre est éloquent : nous allons découvrir un être à la fois profondément aimant et révolutionnaire jusqu’au bout. Car, comme l’affirmait lui-même le guérillero heroïco, « au risque de paraître ridicule, le vrai révolutionnaire est guidé par l’amour ». 

Cette correspondance d’une icône contemporaine, vénérée par les uns et honnie par d’autres, s’échelonne sur 20 ans de vie active. Elle comprend quatre grandes parties : les Lettres de jeunesse (1947-1956), à l’époque de son voyage en motocyclette à travers l’Amérique latine, alors qu’il est étudiant en médecine, jusqu’à son engagement aux côtés des expéditionnaires du Granma ; les Lettres de combat (1956-1959), jusqu’au jour où les révolutionnaires font leur entrée triomphale dans La Havane en liesse ; les Lettres du dirigeant politique (1959-1965) où le Che fait le dur apprentissage de la gouvernance à la tête de différents ministères ; et finalement les Lettres de solidarité internationale (1965-1967), alors que le Che vit dans la clandestinité, entre le Congo et la Bolivie. Une cinquième section comprend quelques lettres écrites à Che Guevara.

Ces lettres – 80 % sont inédites –, nous dit en préface Aleida Guevara, la fille du Che qui vit toujours à La Havane, permettent de découvrir d’autres facettes du révolutionnaire légendaire. Si ses discours politiques étaient minutieusement préparés, dans sa correspondance avec ses amis et sa famille, on le découvre plus spontané, faisant souvent preuve d’un humour tranchant et subtil. C’est ainsi qu’il écrit, à propos de sa première fille, Hilda, qui vient de naître en février 1956 : « La gosse est assez laide, mais il suffit de la regarder pour constater qu’elle est différente de tous les enfants de son âge. [...] Son papa s’appelle Ernesto Guevara. »

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Sa conscience politique se révèle avec le renversement du gouvernement démocratique de Jacobo Arbenz au Guatemala en 1954, orchestré par le gouvernement étatsunien. Dans une de ses lettres, il écrit à sa mère : « La façon dont les Gringos traitent l’Amérique [souviens-toi que les Gringos sont les Yanquis] provoquait en moi une indignation croissante. » Cette indignation ne le quittera plus et le mènera jusqu’au cœur de l’Amérique, en Bolivie, pour y créer « deux, trois, de nombreux Vietnam » et défendre « la cause sacrée de la libération de l’humanité ».

Fidel, le meneur

Dans une lettre à l’écrivain argentin Ernesto Sabato, un compatriote qui lui fait part de ses doutes et réticences, il vante les mérites de Fidel, son honnêteté entre autre, ce qui a confondu le gouvernement des États-Unis, trop habitué à faire affaire avec des dirigeants roublards et machiavéliques. « Quand Eisenhower dit que nous avons trahi nos principes, c’est une part de sa vérité, lui écrit-il. Nous avons trahi l’image qu’ils se sont faite de nous. » Puis il ajoute : « Fidel s’est révélé comme l’extraordinaire meneur d’hommes qu’il est devenu aujourd’hui et comme le possesseur d’un gigantesque pouvoir agglutinant pour notre peuple. Car Fidel est, par-dessus tout, l’agglutinant par excellence, le meneur indiscutable qui gomme toutes les divergences et détruit par sa désapprobation. » Dans cette même lettre, il avoue modestement que cette lutte de guérilla contre l’armée du dictateur Batista a laissé peu de place à la théorie, car il fallait « répondre aux circonstances avec l’agilité que la vie de guérilleros nous a donnée ». Et il termine par une pirouette : cette lettre à l’intellectuel argentin Sabato est aussi l’occasion « de prouver à un penseur que nous sommes aussi ce que nous ne sommes pas : des penseurs ». 

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Un des moments les plus émouvants de cette correspondance est très certainement la « Lettre d’adieux à Fidel », écrite au début de 1965 dans la clandestinité, alors que toutes sortes de rumeurs circulaient sur la disparition du Che de la scène publique. Tout comme son émouvante « Lettre d’adieux à ses enfants », sachant fort bien que dans ce combat de David contre Goliath, il y avait de fortes chances qu’il ne les reverrait plus.

En seulement 39 ans d’existence, le Che a eu un impact sur nos vies et nos rêves comme peu d’autres dans l’histoire de l’humanité, concluent les responsables de cette édition fort bienvenue.

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Voyage à motocyclette

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Ces carnets de voyage à travers une Amérique dont les territoires ont été découpés au hasard d’une colonisation ancrée dans la violence et l’esclavage sont à la fois une initiation à une géographie physique et humaine unique et originale, et le dévoilement d’une réalité jusqu’alors inconnue par le jeune étudiant en médecine de 23 ans, Ernesto Guevara, et son coéquipier, le biochimiste Alberto Granado. « On en savait plus sur les Grecs et les Phéniciens que sur les Incas », avouera ce dernier. Petit à petit, ce voyage initiatique de neuf mois se transforme en une prise de conscience des injustices et des inégalités sociales partout où la vieille moto Norton 500 les conduit, soit jusqu’à la pointe nord du continent, au Venezuela. À leur retour dans leur Argentine natale, les deux voyageurs ne seront plus les mêmes. On comprend ainsi mieux la détermination du Che de contribuer à la libération de cette grande humanité. « Voyage à motocyclette permet de s’immerger dans le territoire comme si on le voyait de ses propres yeux. [...] Presque soixante-dix ans après avoir été écrits, les journaux de Ernesto Guevara continuent de présenter une réflexion fascinante et urgente sur ce qui est toujours perçu comme une ultime frontière », conclut le réalisateur Walter Salles.

Petit éloge du mouton

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On les a vus, ces moutons blancs, dociles et doux, paître et brouter l’herbe du parc Maisonneuve, à Montréal, pour la plus grande joie des enfants. Il s’agissait d’une expérience d’écopâturage menée « dans le cadre d’un projet agropastoral à vocation écologique, sociale et humaniste mené par l’organisme Biquette ». L’auteur de cet ouvrage à mi-chemin entre le récit et l’essai fut le berger bénévole pendant trois étés. Il nous livre ici ses réflexions et nous invite à repenser nos relations avec les animaux en général, mais aussi avec les moutons en particulier. Ceux qui ne connaissent pas le mouton, affirme l’auteur-pasteur, « le traitent de suiveur idiot, d’animal sans caractère, sans conscience de son pouvoir de rébellion. Mais le mouton s’en moque en silence, paisiblement, à sa manière. Il mène sa révolution ovine, le museau dans le trèfle, la toison étanche à la critique. Le mouton a le broutage libertaire, il poursuit nonchalamment sa vie familiale, clanique, d’obédience anarchocommuniste ». Vivement plus de moutons dans nos vies !

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