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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

La femme au temps des cavernes

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Photo portrait de Jacques Lanctôt

Jacques Lanctôt

2022-01-30T05:00:00Z
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Quel merveilleux sujet d’étude : la femme au temps de la Préhistoire. Elle aurait pu s’appeler Wilma Pierreafeu ou Délima Caillou, mais on lui a donné un nom plus respectable et plus coquet également, Lady Sapiens, pour dissiper toute idée caricaturale, entre la femme faible et dominée et la femme Tarzan. Et pour dresser ce premier portrait de cette femme méconnue qui couvre la période appelée le Paléolithique supérieur (entre -40 000 et -10 000 ans), les auteurs ont fait appel à plusieurs spécialistes, préhistoriens, paléogénéticiens, paléoanthropologues, historiens de l’art et ethnologues, entre autres. « Tout discours un tant soit peu militant a été banni afin d’atteindre la plus grande objectivité possible », précisent les auteurs de cette recherche digne d’une enquête policière.

L’enquête débute en 2014 à Amiens, en France, zone tampon entre la préhistoire et l’époque moderne, et plus précisément sur le site de Renancourt appelé « petit Pompéi paléolithique ». 

Le 11 juillet 2019, après cinq années de fouilles archéologiques, une statuette haute de 6 cm, vieille de 27 000 ans et représentant la silhouette d’une femme est découverte. Celle-ci va changer la perception qu’on se faisait jusqu’alors de la femme préhistorique, juste bonne à la reproduction et à s’occuper du foyer, telle que véhiculée dans les peintures et au cinéma. 

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« La réalité de la femme de la Préhistoire est forcément très loin du cliché qu’on avait d’elle au XIXe siècle ! affirme la chercheuse Michèle Julien. Les recherches en anthropologie ont montré que, chez tous les chasseurs-cueilleurs actuels, les femmes ont de très nombreuses activités, qu’elles ne sont pas assises à côté du foyer à allaiter le bébé toute la journée, à attendre qu’on leur apporte de la nourriture ! » 

Les auteurs décrivent en détail les différentes méthodes de recherche pour parvenir à déterminer le sexe d’un squelette vieux de plusieurs milliers d’années. C’est ainsi qu’on a fait une découverte majeure : la cochlée, « un organe de l’oreille interne mesurant à peine plus de 1 cm, permet de connaître le sexe d’un individu par analyse morphologique » (qui vient compléter la bonne vieille analyse de l’ADN). Cela explique pourquoi les femmes ont une meilleure sensibilité, un meilleur pouvoir de discriminer les sons que les hommes, affirment-ils.

Ces différentes méthodes d’analyse permettent de dresser un portrait assez complet des consœurs de Lady Sapiens : morphologie, physionomie, couleur de leur peau, de leurs cheveux et même de leurs yeux, tout en tenant compte des différentes facettes de la vie d’une femme à cette époque. Ce que les chercheurs peuvent conclure, c’est que Lady Sapiens, membre à part entière des populations de chasseurs-cueilleurs, était une femme forte, une sportive aguerrie, une métisse à la peau foncée. Rien à voir, donc, avec les représentations qu’offrent les figurines d’une femme rondelette et opulente, qui seraient de l’ordre du fantasme.

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Des êtres ultra sociaux

Autre découverte : les femmes — et les hommes également — aimaient se couvrir de parures, de peintures corporelles à base d’ocre et de bijoux confectionnés à partir d’objets provenant de leur environnement : pierres, bois, dents d’animaux sauvages, coquillages, plumes, etc. On est loin de l’image stéréotypée de la brute aux cheveux hirsutes.

On apprend que nos ancêtres ont commencé à se couvrir le corps, à l’aide de peau d’animal et de parures végétales il y a environ 120 000 ans, alors que l’invention de l’aiguille à chas, qui « constitue une étape importante dans l’amélioration du confort de vie des préhistoriques », date de 40 000 ans. Aussi que la sexualité a joué un rôle important dans leur vie. Dans la majorité des abris découverts, on note une « profusion de représentations sexuelles féminines », ainsi que, en moins grande quantité, des phallus en érection. 

« Sommes-nous face à des symboles de fertilité ? S’agit-il des supports d’une magie de la reproduction ? Ou, plus trivialement, s’agit-il de l’évocation de pratiques sexuelles ? » se demandent les auteurs.

Nos ancêtres étaient des êtres ultra sociaux « capables d’élaborer des symboles, des concepts, d’avoir des pensées abstraites, de fabriquer des outils et des machines, de tisser des liens et des réseaux d’échanges avec leurs semblables », concluent les auteurs, avant d’ajouter : « Grâce aux connaissances croisées de l’archéologie, de l’anthropologie et de l’ethnographie [nous savons que] Lady Sapiens était mère nourricière, chasseresse, collectrice, artisane, artiste et peut-être plus encore... » Féministe avant la lettre ?

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