Stéphanie Parent raconte le parcours d'une femme artiste qui porte la beauté comme une malédiction dans son nouveau roman
«L'amour plein les yeux»


Marie-France Bornais
Pour son deuxième roman, L’amour plein les yeux, la romancière Stéphanie Parent propose une histoire d’amour qui se fait et se défait, un récit de vengeances familiales et de grande beauté qui est une sorte de malédiction. Elle raconte habilement, au travers de tout cela, le drame d’une mère à la grande beauté, sculptrice reconnue, qui n’aspire qu’à l’amour, sous quelque forme que soit. Pour Anne Bianchi, être très belle n’attirera pas nécessairement le bonheur.

Après un commentaire acerbe de trop lancé par sa mère, Anne Bianchi claque la porte de la maison familiale à la veille de ses 18 ans. Elle part avec une montagne d’émotions désagréables et un bloc d’argile dans son sac à dos, en quête de son destin de femme et d’artiste.
Quelques mois plus tard, souhaitant échapper à une insécurité qui lui pèse, elle épouse Robert Murdoch, un homme qui lui offrira une relation malsaine. Lorsque naît la petite Erin, rien ne va plus et Anne a encore plus de mal à trouver sa place.
Lorsqu’elle rencontre le peintre français Philippe Roussel, elle a le sentiment de renaître. Portée par un élan impossible à nier, elle agit encore une fois de manière radicale, quitte son mari, sa fille et son pays pour refaire sa vie en France. Le choix sera-t-il si bon que ça?
Les conflits intérieurs
Stéphanie Parent, qui s’est fait connaître avec son premier roman Flora en éclats, présente, dans L’amour plein les yeux, une mère qui fuit et qui tente ensuite de recoller les pots cassés.
«À travers mes romans, ce qui m’intéresse, c’est beaucoup la vie intime des femmes, leurs conflits intérieurs et leurs quêtes personnelles. Dans L’amour plein les yeux, Anne, qui est un personnage assez haut en couleur, a une relation conflictuelle mère-fille. Elle ne voulait pas devenir mère. Elle l’est devenue. Comment être soi-même quand on est une femme et comment renoncer à certaines choses qui sont attendues de nous?»
Beauté maudite
Anne Bianchi est une femme très belle. Mais cette qualité est pour elle une sorte de malédiction. «Elle s’est jurée qu’elle serait artiste avant tout, donc le thème de l’art est très présent. Dans sa vie, elle n’arrive pas à conjuguer les deux et doit faire un choix... ce qui l’amène à abandonner sa famille.»
Stéphanie Parent ajoute qu’il y a moyen de se libérer d’une vie dans laquelle on a pu s’emprisonner soi-même, par nos propres choix.
Chez les Bianchi, la beauté légendaire des femmes semble avoir sauté une génération: sa grand-mère était magnifique mais sa mère n’a pas hérité de cette caractéristique. «Anne vient d’une famille italienne très traditionnelle et sa mère, dès le jeune âge d’Anne, réprime sa beauté. Physiquement, elle l’empêche d’exprimer sa féminité dans la façon dont elle s’habille et se coiffe.»
Anne, la rebelle
Cette volonté d’étouffer la beauté d’Anne vient de tragédies qui ont frappé les belles femmes de la famille. «Anne a voulu se montrer rebelle et rapidement dans le livre, elle se jure, à 18 ans, d’être belle, artiste et qu’on l’aime. Donc tout ce que sa mère n’a pas voulu qu’elle soit.»
Au courant de sa vie, sa beauté lui attirera l’amour de Robert, qui va l’étouffer lui aussi. «C’est un personnage narcissique qui va la manipuler, qui va marchander son amour, qui devient dépendant d’elle mais veut la détruire pour être sûr de la posséder.»
Stéphanie Parent ajoute que la beauté d’Anne va expliquer plusieurs dénouements de l’histoire. «Cette malédiction de beauté passe surtout par le regard et les agissements des hommes. Anne va tenter de se défaire de ça.»
L’amour plein les yeux
Stéphanie Parent
Saint-Jean Éditeur
Environ 400 pages
- Stéphanie Parent est maman et écrivaine.
- Elle a travaillé en consultation et en gestion des ressources humaines pendant plus de 15 ans avant de renouer avec son rêve de se consacrer entièrement à l’écriture et de poursuivre des études supérieures en traduction.
- Elle a aussi publié Flora en éclats.
- Elle vit à Saint-Lambert.
«Elle n’adresse plus la parole à Robert. Les seuls mots échangés concernent la logistique du déménagement vers l’appartement en tous points identique à celui qu’ils ont occupé jadis. Elle est incapable de lui pardonner. Il devait prendre soin d’elle, s’assurer qu’ils ne manquent de rien, c’était sa promesse. Il a mis en péril son lieu de création, son atelier, son havre, et par sa faute, elle troquera l’argile pour les stylos bille, les cahiers de sténographie et les bas de nylon.»
– Stéphanie Parent, L’amour plein les yeux, Saint-Jean Éditeur
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