Santé: une proposition du PCQ risque d’entraîner une dérive des coûts, selon une experte

Gabriel Côté
Les conservateurs veulent permettre à tout le monde de souscrire une assurance complémentaire privée, ce qui devrait selon eux raccourcir les listes d’attente dans le système public. Mais cette mesure pourrait également entraîner une forte pression sur le budget en santé, prévient une économiste.
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Lors de la présentation des engagements du Parti conservateur du Québec (PCQ) en matière de santé vendredi dernier, le candidat du parti dans Argenteuil, le Dr Karim Elayoubi, a affirmé que l’instauration d’un double régime d’assurance aurait de nombreux avantages.
La possibilité de souscrire une assurance complémentaire privée donnerait plus de «flexibilité» aux citoyens que la couverture publique et permettrait ainsi de mieux répondre à leurs besoins, étant donné que ceux-ci sont «hétérogènes».
Un double régime d’assurance permettrait également d’attirer plus d’investissements en santé, car il serait «difficile» d’attirer des investisseurs privés «avec un assureur qui est monopolistique», a ajouté le Dr Elayoubi.
Et non seulement cette mesure ne porterait pas atteinte à «l’universalité du système de santé», mais le PCQ estime qu’elle l’améliorerait en réduisant les délais d’attente pour accéder à des soins.
Le fonctionnement du système que propose Éric Duhaime est expliqué sommairement dans le document constituant la plateforme électorale de son parti.
«Tout citoyen pourra, à son choix, se prévaloir de la couverture offerte par son régime d’assurance privé, y compris pour les soins déjà couverts par la RAMQ. Pour tout soin non couvert par de tels régimes privés, ou encore pour les citoyens qui ne voudraient ou ne pourraient pas se prévaloir d’un régime privé, l’État québécois continuera d’offrir la couverture qui existe déjà», peut-on lire à la page 29 du document.
Trop beau pour être vrai?
«En soi, l’universalité n’est pas remise en cause, car tout le monde peut toujours avoir recours au service minimum public», convient Marie-Louise Leroux, spécialiste en économie de la santé et professeure à l’Université du Québec à Montréal.
Mais l’instauration d’un double régime d’assurance risque de complexifier les démarches et de mettre plus de pression encore sur le budget en santé, ajoute-t-elle aussitôt.
«Le problème avec le financement des coûts des prestations dans le privé par la Régie de l’assurance maladie du Québec [RAMQ] est une dérive des coûts: des services privés plus chers et qui chargent d’autant plus qu’ils savent que la RAMQ va en rembourser en tout ou en partie», explique-t-elle.
Des mesures supplémentaires devraient donc être prévues pour éviter cet écueil. Or, cela demanderait nécessairement du temps et des ressources. «Il faudrait mettre en place un contrôle très strict des tarifs pratiqués par le privé, ce qui n’est pas facile», remarque la professeure.
Loi du marché
Samedi, le Dr Karim Elayoubi a signifié lors d’un point de presse qu’il «respecte tout à fait le point de vue de cette économiste», mais que «beaucoup d’économistes ne sont pas d’accord» avec son interprétation.
Le candidat conservateur fait valoir que «ce n’est pas comme ça que ça se passe dans plusieurs pays» où des modèles similaires à celui qu’envisage son parti sont implantés.
Il reconnaît que «le gouvernement se doit de mettre en place des balises pour éviter que les coûts augmentent», mais il demeure imprécis sur ce que seraient ces balises. Il a évoqué le modèle suisse comme un «bon exemple» et le modèle américain comme un «mauvais exemple», sans expliquer pourquoi.
Le médecin a aussi dit qu’il estime que le marché se régulera par lui-même et fonctionnera comme un rempart contre une hausse des coûts, car il ne serait pas dans l’intérêt des établissements privés de fixer des tarifs trop élevés s’ils veulent attirer des patients.
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