Russie: lourdes peines pour quatre journalistes accusés d’avoir collaboré avec l’organisation de Navalny

AFP
Un tribunal de Moscou a condamné mardi à cinq ans et demi de prison quatre journalistes accusés d’avoir collaboré avec l’organisation classée «extrémiste» de l’opposant mort en prison Alexeï Navalny, un nouvel exemple de la répression qui touche toutes les voix critiques du Kremlin.
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Le mouvement de M. Navalny, l’opposant numéro un au président Vladimir Poutine jusqu’à ce qu’il meure en détention dans des conditions mystérieuses en février 2024, a été méthodiquement éradiqué ces dernières années.
Ses alliés et ses partisans ont été poussés à l’exil ou incarcérés, et la justice russe ne se limite désormais plus seulement à ses collaborateurs directs.
Les journalistes Antonina Kravtsova, Sergueï Kareline, Konstantin Gabov et Artiom Krieger ont ainsi été reconnus coupables de «participation à une organisation extrémiste», selon une journaliste de l’AFP présente dans la salle d’audience au tribunal Nagatinski.
Ils sont «condamnés» chacun «à cinq ans et six mois» de prison, a déclaré la juge, Natalia Borissenkova, soit un peu moins que la peine de cinq ans et 11 mois requise par la procureure.
«Tout le monde fera appel», a rapidement affirmé à la presse présente Ivan Novikov, l’avocat d’Artiom Krieger.
«Illégal et injuste»
Elena Cheremetieva, l’autre avocate du journaliste, a pour sa part dénoncé un verdict «illégal et injuste», tandis qu’Irina Birioukova, qui défend Konstantin Gabov, a assuré qu’«il n’y a aucune preuve qu’ils ont commis un quelconque délit».
Tous les accusés avaient rejeté face au tribunal les accusations de la justice russe.
Après la lecture du verdict, Artiom Krieger a crié : «Tout ira bien, tout changera ! Ceux qui m’ont condamné seront assis ici à ma place».
«Vous faites la fierté de la Russie», lui a répondu un soutien présent dans la salle. «Vous êtes les meilleurs !», ont crié d’autres personnes, en les applaudissant.
Des diplomates européens étaient également venus mardi au tribunal, a constaté la journaliste de l’AFP.
«Antonina, Artiom, Sergueï et Konstantin sont de vrais journalistes et des gens honnêtes et courageux», a réagi sur X Kira Iarmych, la porte-parole de la veuve d’Alexeï Navalny, Ioulia Navalnaïa, appelant à leur libération «immédiate».
La diplomatie allemande y a vu la preuve que la liberté de la presse «ne vaut rien» en Russie, où «les journalistes sont jetés en prison».
«Faire du journalisme»
Les quatre journalistes avaient été arrêtés au printemps et à l’été derniers, avant d’être jugés à huis clos.
Antonina Kravtsova, qui travaillait sous le nom d’Antonina Favorskaïa, couvrait très régulièrement les procès d’Alexeï Navalny pour SOTAvision.
Elle avait réalisé, le 15 février 2024, la dernière vidéo montrant Alexeï Navalny encore en vie, au cours d’une audience, la veille de sa mort. Il comparaissait alors par lien vidéo à partir de sa prison de l’Arctique.
S’exprimant devant la presse avant le début du procès, Antonina Kravtsova avait lancé : «Souvenez-vous, les ténèbres qui nous entourent ne dureront pas toujours. Il y a toujours de l’espoir».
Les reporters Sergueï Kareline et Konstantin Gabov étaient, quant à eux, accusés d’avoir participé à la production de vidéos pour l’équipe d’Alexeï Navalny. Le premier a collaboré par le passé avec l’agence de presse Reuters et le second, avec Associated Press.
Artiom Krieger, un journaliste de SOTAvision, est également accusé d’avoir collaboré avec l’organisation anticorruption de l’opposant.
Face au tribunal, il avait dit lors d’une audience, selon le site Meduza : «Je ne voulais pas fuir et avoir peur, je voulais insister sur le fait qu’il était possible et nécessaire de faire du journalisme en Russie».
«Si je dois payer cette conviction de ma liberté ou de ma vie, je suis prêt à le faire», avait-il appuyé.
Les autorités russes ont largement accru ces derniers mois la pression sur les derniers médias indépendants et étrangers en Russie, sur fond de forte répression généralisée des voix critiques de l’offensive en Ukraine déclenchée en février 2022.
Plusieurs journalistes russes ont été condamnés à de lourdes peines ces dernières années sous diverses accusations.