Réfugié au Québec, un Ukrainien est passé de médecin à rouleur de joints
L’homme de 67 ans a quitté son pays pour venir retrouver sa fille loin des bombes

Jonathan Tremblay
Un Ukrainien qui a fui la guerre a troqué son sarrau blanc de médecin pour celui de rouleur de joints de cannabis.
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«C’est légal, ici, alors je n’ai aucun problème avec ça. Il faut travailler pour gagner sa vie», s’esclaffe Volodymyr Pokhvalii, lorsqu’on lui expose l’ironie relevant de son nouvel uniforme.
L’homme de 67 ans est arrivé au Québec avec son épouse l’hiver dernier, après avoir quitté Kramatorsk, en Ukraine, au tout début de l’invasion de la Russie.

«J’ai vu un missile être détruit par notre défense aérienne par ma fenêtre, dans la nuit où la guerre a commencé», se remémore celui qui a presque tout abandonné.
Dans une petite voiture avec peu d’effets personnels, c’est dans la peur que le couple de médecins s’est faufilé à travers le pays sans GPS pour fuir les bombes.
«Mes parents n’avaient pas le choix de venir ici, raconte Olena Pokhvalii, 38 ans, qui sert d’interprète à son père, lors de son entretien avec Le Journal. J’insistais. Ils me disaient vouloir rester pour travailler, mais je ne voulais rien savoir. J’avais peur pour leur vie».
À l’arrivée de ses parents, celle qui réside à Sorel-Tracy depuis 2012 est tombée sur l’offre d’emploi de la compagnie Nuances marijuana. Elle a rigolé, puis l’a suggérée à son père.

Pourquoi pas?
Le médecin retraité qui avait près de 40 ans de pratique dans le même bureau s’est alors dit: «Pourquoi pas?»
«Avec ce travail, il a recommencé à être actif, à reprendre une vie plus normale, après ce gros changement», explique sa fille, soulagée.
Car pour M. Pokhvalii, il n’a pas été facile de faire ses adieux à sa profession, qui était «toute sa vie».

Il est cependant conscient que sans le français, qui est primordial au Québec pour effectuer son métier, il lui est impossible d’établir une relation avec un patient.
«Ici, je roule les joints. Je refais ceux qui sortent de la machine. Je colle les étiquettes sur les tubes, poursuit le sexagénaire. C’est un travail d’équipe.»

Ce dernier dit s’être bien intégré à son milieu de travail. «La traduction de Google aide beaucoup», lance-t-il à la blague.

«C’est un minutieux. Tout ce qu’il fait est parfait. C’est ce qu’on apprécie chez lui. Il est déterminé», affirme Rolland-Pierre B. Chalifoux, président de Nuances marijuana.

Son usine de transformation est située dans l’ancienne prison provinciale désaffectée de Sorel-Tracy.
Proches en danger
L’humeur s’assombrit toutefois lorsque les Pokhvalii pensent à leurs proches qui continuent de subir les frappes russes au quotidien.
«Tout le monde est en danger. L’hiver approche, et il n’y aura pas de chauffage pour tous. Ce sera vraiment difficile», souligne l’ex-médecin, qui garde contact avec sa famille, là-bas.
Il se dit reconnaissant envers le Canada pour son aide et son employeur pour l’opportunité de travail.
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