Qui succédera au pape François?
L'issue du prochain conclave est très difficile à prédire

Martin Lavoie
Le prochain conclave pour élire le successeur de François devrait s’ouvrir dans un peu moins de trois semaines, et en raison d’importants changements dans sa composition, il est plus hasardeux que jamais de se risquer à des prédictions.
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Il faudra toutefois de un à trois jours pour voir la fumée blanche sortir de la cheminée de la chapelle Sixtine du Vatican – signe qu’au moins les deux tiers des cardinaux se seront entendus sur le nom du prochain pape –, explique Gilles Routhier, professeur à la faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval.
«On dit que celui qui entre pape au conclave sort cardinal. Sous Paul VI (décédé en 1978), ils étaient 50 cardinaux. Aujourd’hui, ils sont 135. C’est très difficile de faire des conjectures», avance M. Routhier.
Qui plus est, la composition du conclave, l’assemblée des cardinaux qui doivent élire un pape parmi eux, a considérablement changé sous François. Les archidiocèses de Paris, Cologne et Milan, par exemple, ne seront pas représentés.
«En Asie, par contre, le nombre de cardinaux qui seront au conclave est passé de 10 à 30. Le poids de l’Église change», fait remarquer M. Routhier.
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Continuité ou changement
Plus à gauche sur le plan social, François a parfois été durement contesté. Doit-on s’attendre à un pape plus conservateur?
«Le balancier vers la droite est très puissant, mais il s’agit de voir s’il va se canaliser dans un candidat, et je suis loin d’être certain. Ce que le pape François a combattu tout le long, c’est le cléricalisme qui est fortement présent dans les mouvements post-libéraux, de ceux qui veulent revenir à la messe en latin. Est-ce que les gens vont vouloir retourner là? Pas certain», pense Alain Pronkin, auteur et spécialiste de l’actualité religieuse.
«Dans le catholicisme, au niveau de la population, il serait faux de prétendre que la tendance ultraconservatrice est dominante. Par contre, il y a certains leaders et certains cardinaux très vocaux et très conservateurs qui ont été agacés et frustrés par François. Ce foyer est aux États-Unis et pourrait être qualifié de trumpisme. Je ne pense pas qu’ils peuvent obtenir une majorité au conclave», opine Stéphane Brügi, docteur en Études du religieux contemporain et chargé de cours à l’Université de Sherbrooke.
Mouvement
Pour ce qui est du développement de l’Église en Asie et en Afrique, si ces régions peuvent être qualifiées de plus conservatrices, il ne faut pas les voir dans l’angle de l’extrême droite populiste.
«Il y a un blocage au niveau de l’acceptabilité de l’homosexualité par exemple, c’est un gros tabou. Mais il y a aussi une ouverture au dialogue interculturel», note M. Brügi.
«Culturellement, la place de la femme est aussi différente dans ces pays [Asie et Afrique]», renchérit Gilles Routhier.
Ce déplacement de l’Église vers le sud du globe pourrait-il se refléter dans le choix du prochain pape?
«Très peu d’Africains et d’Asiatiques sont impliqués dans la gouvernance du Vatican», nuance Alain Pronkin.
Des cardinaux qui attirent l’attention
Pietro Parolin, Italie, 70 ans
Secrétaire d’État (numéro deux du Vatican) pendant la quasi-totalité du pontificat de François, ce diplomate chevronné a été le bras droit du pape et un homme de premier plan sur la scène internationale. Connaît tous les rouages du Saint-Siège. A eu un rôle clé dans la signature en 2018 d’un accord historique entre le Saint-Siège et la Chine sur les nominations d’évêques.
«Il a toujours été très prudent et il s'exprime bien. Ça reste le premier ministre du Vatican», souligne Alain Pronkin.
«Sur le plan de la diplomatie, il serait un excellent candidat. Mais a-t-il la capacité d’interpeller des gens plus loin de l’Église?», se questionne Stéphane Brügi

Antonio Tagle, Philippines, 67 ans
L’ancien archevêque de Manille, Antonio, est une figure modérée n’ayant pas hésité à critiquer l’Église catholique pour ses manquements, notamment dans les affaires de pédocriminalité. Comme le pape François, il prend la défense des pauvres, des migrants et des personnes marginalisées.
«Il est bien placé et charismatique, mais il est aussi jeune. Il ne faut jamais oublier la notion de l’âge», estime Alain Pronkin.
«Ce n’est pas pour rien qu’on le surnomme le François asiatique. Il ne ferait pas de remises en question doctrinales, mais peut amener un nouveau regard sur les questions morales et d’inclusion. Il pense davantage au bien commun qu’aux interdits moraux», ajoute Stéphane Brügi.
Timothy Dolan, États-Unis, 75 ans
Le chef conservateur du puissant archevêché de New York est un extraverti jovial qui apprécie le sport, la bière et qui s’efforce d’apporter plus d’optimisme à l’Église. Bien que conservateur sur le plan théologique, farouche opposant à l’avortement, ce cardinal costaud au visage rougeaud à l'humour plein d’autodérision est très présent sur les réseaux sociaux.
«Tous ceux qui n’ont pas été assez critiques du trumpisme sont probablement en train de se disqualifier à l’extérieur des États-Unis», observe Stéphane Brügi.

—Avec Nora T. Lamontagne et AFP