Commerce avec les autres provinces: Québec pourra-t-il vraiment faire tomber les barrières?
Les syndicats et les ordres professionnels pourraient être réfractaires aux changements


Louis Deschênes
Québec devra mettre beaucoup d’eau dans son vin pour faire tomber les barrières interprovinciales et ainsi faciliter les échanges commerciaux entre les provinces, préviennent des experts.
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François Legault, comme les autres premiers ministres, s’est engagé mercredi soir à éliminer les barrières au commerce intérieur.

Si certains changements peuvent sembler faciles à réaliser, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) note qu’il pourrait y avoir des accrochages et c’est là que le Québec devra faire des concessions.
À titre d’exemple, permettre aux consommateurs d’acheter de l’alcool directement auprès des microbrasseries à l’extérieur du Québec et vice-versa pourrait passer de travers à la SAQ. Même chose si les distilleries ont finalement le champ libre pour vendre leurs produits sans intermédiaire dans les autres provinces.
Plusieurs syndicats et ordres professionnels pourraient être réfractaires aux changements.

«C’est une des principales raisons pour lesquelles il n’y a pas de mouvement, ils veulent garder leur mainmise sur leurs membres au détriment du bien-être général», martèle Jasmin Guénette, de la FCEI.
Diplômes non reconnus
Cette réticence pourrait aussi se faire sentir pour la mobilité de la main-d’œuvre.
Gabriel Giguère, de l’Institut économique de Montréal, s’indigne des aberrations qui touchent le domaine de l’emploi.
Il rappelle qu’un dentiste de la Colombie-Britannique, de l’Île-du-Prince-Édouard ou de la Nouvelle-Écosse ne peut pratiquer au Québec, puisque sa formation ne sera pas reconnue. Même chose pour les paramédics.
«C’est un exemple concret des barrières qui doivent tomber [...]. Je ne savais pas que les gens de la Colombie-Britannique avaient des bouches différentes que les gens du Québec.»
La langue
Pour révolutionner le libre-échange canadien, M. Legault ne devra pas se cacher derrière l’enjeu de la langue française, disent les économistes.
D’ailleurs, les autres provinces ont déjà reconnu mercredi que le Québec avait cette particularité et ce n’est pas négociable, a indiqué M. Legault. Mais il y a tout le reste.
«Il y a beaucoup [d’exceptions] qui ne sont pas liées à la langue française et c’est là-dessus qu’on doit se concentrer et travailler», affirme Mathieu Lavigne.
Le directeur économique de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) était à Toronto lundi pour faire des recommandations au premier ministre ontarien, Doug Ford.
Mobilité de la main-d’œuvre, reconnaissance mutuelle et achats publics étaient au cœur des discussions.
Concrètement, M. Lavigne donne l’exemple d’une PME déjà inscrite au registre des entreprises de sa province. Selon les recommandations de la FCCQ, celle-ci devrait être automatiquement enregistrée dans les autres provinces.
«Pourquoi il ne pourrait pas y avoir une reconnaissance mutuelle?», demande-t-il.
La FCCQ propose également d’harmoniser les codes du bâtiment des provinces.

Halifax montre la voie
Et les intervenants sont unanimes: un projet de loi de la Nouvelle-Écosse est l’exemple à suivre.
En résumé, le premier ministre Tim Houston va reconnaître les règles et le commerce des autres provinces, si elles font de même avec la Nouvelle-Écosse.
«La Nouvelle-Écosse dit: “Moi, je vais aller danser, venez-vous avec moi?”», illustre M. Guénette.