Le Québec inc. ressemble de plus en plus au 51e État américain
Nos entreprises sont rachetées à coups de milliards

Pierre-Olivier Zappa
Acheter québécois, c’est devenu un vrai défi. On veut encourager l’économie d’ici. On fait des efforts. On paie parfois plus cher. On pense acheter local. Mais souvent, on se fait berner.
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Après la tempête de dimanche, j’ai saisi ma pelle Garant. Une marque bien québécoise... mais de propriété américaine, vendue chez RONA. Et RONA? Passée sous pavillon américain en 2016. Même chose si vous pelletez en manteau Canada Goose: une marque née ici, mais contrôlée par Wall Street. Ironique, non?
Dimanche, en plein blizzard, mes enfants s’amusaient avec leurs Mega Bloks. Un jouet d’ici... mais propriété de l’américaine Mattel depuis 2014. Et mon café du matin? Tim Hortons. Autrefois bien de chez nous. Mais rachetée par Burger King en 2014. Tout cela semblait «local». Mais non.
Les États-Unis achètent
À certains égards, le Québec inc. d’aujourd’hui ressemble de plus en plus au 51e État américain. Nos entreprises sont rachetées à coups de milliards. Nos marques, jadis synonymes de fierté locale, deviennent des filiales de conglomérats étrangers. Nos profits s’envolent vers le sud.
On nous vend du rêve avec des noms d’ici, des logos aux couleurs d’ici, des publicités qui jouent sur notre fibre identitaire. Mais derrière l’étiquette, ce sont des capitaux étrangers qui encaissent les profits.
Les multinationales ont compris la recette. Elles achètent des marques bien établies, conservent leur image québécoise et tirent profit de la confiance des consommateurs. Pendant ce temps, le Québec voit partir ses fleurons un à un. Comme un casse-tête dont on perd les pièces.
Pourquoi? Parce que nos entreprises manquent cruellement de financement. Parce que les géants américains les avalent à coups de milliards. Parce que nous sous-estimons la valeur de nos propres marques. Le pire? Nous laissons faire. Plus personne, ou presque, ne pose de questions.
Notarius, Héroux-Devtek, Fourgons Transit, CAE Santé... Encore cette année, la grande braderie au profit des Américains s’est poursuivie. Nos fleurons disparaissent un à un, souvent dans l’indifférence générale.
Rachats en série
Dès qu’une entreprise québécoise réussit, elle devient une cible potentielle. Rachetée, exploitée, délocalisée. Son essence se dissout dans la machine corporative, et avec elle, notre patrimoine économique s’efface peu à peu.
La faiblesse du dollar canadien rend nos entreprises encore plus vulnérables. Des fonds étrangers et des multinationales flairent l’aubaine: acheter au rabais, rentabiliser, puis décider d’ailleurs. Si la tendance se poursuit, le Québec risque de devenir un simple bassin de main-d’œuvre, sans grands joueurs pour porter son économie.
Attirer des usines comme Northvolt ou assembler des batteries pour GM, c’est bien. Mais sans sièges sociaux ni centres de décision, notre économie perd sa colonne vertébrale. Ce n’est pas une question de nostalgie, mais de souveraineté économique. Si nous laissons filer nos entreprises, nous abandonnons aussi notre pouvoir de décision.
Acheter québécois, ce n’est pas une mode. C’est un enjeu de prospérité. Si nous ne le faisons pas, d’autres s’en chargeront. Et ce jour-là, nos choix ne nous appartiendront plus. Comme si, sans jamais l’avoir voté, nous étions devenus le 51e État.