«Il existe une fascination pour les tueurs en série»: le romancier Bernard Minier plonge dans la mode du «true crime» dans son thriller «H comme... Hirtmann»


Marie-France Bornais
Étonnant, noir, provocant, Bernier Minier offre un thriller qui met l’accent sur l’incroyable popularité du true crime dans H comme... Hirtmann. Son roman, à la cadence rapide, très documenté, raconte l’évasion d’un tueur en série, Julian Hirtmann, et du travail minutieux que doit faire l’enquêteur Martin Servaz pour lui mettre la main au collet. La traque se double de disparitions et la terreur s’installe.

Bernard Minier en met plein la vue dans ce thriller où il est question de true crime et de ces enquêteurs du dimanche, les web sleuthers, qui passent des heures à faire des recherches sur internet.
De nombreuses thématiques sont abordées dans son livre, mais la mode du true crime est au cœur de l’histoire. «On ne peut plus zapper sur les chaînes de télé sans voir des programmes de true crime, des documentaires», fait remarquer Bernard Minier, en entrevue.
«Vous ouvrez les magazines: on trouve la même chose dedans. Vous allez sur YouTube: il y a plein de chaînes qui y sont consacrées. Des podcasts. Etc. C’est ça, le point de départ de H : il est venu de cette fascination pour le crime.»
«Je suis un auteur de fiction criminelle, évidemment, mais ça reste des fictions. Il y a ce contrat entre mes lecteurs et moi, où on sait très bien que c’est une histoire que j’ai imaginée, même si ce sont des romans très réalistes qui se fondent évidemment sur certaines réalités du monde moderne.»
Les crimes réels
«Là, on voit qu’il y a cette fascination pour les crimes réels, les criminels existants ou ayant existé, et ça traverse toutes les générations, toutes les catégories sociales. Tout le monde en regarde, tout le monde en écoute et je me suis demandé finalement ce que ça disait de nous, de nos sociétés occidentales, cette fascination pour le crime.»
«Je ne suis pas sûr que dans des pays en guerre, par exemple, ils aient la même fascination. Mais je m’interroge sur ce que ça veut dire.»
Une inquiétante fascination
Bernard Minier s’inquiète que cette fascination devienne un peu malsaine. «Il y a une expo en ce moment à Paris qui s’appelle Serial Killers, où sont présentés des objets ayant appartenu à des tueurs en série.»
«Ça me paraît du pur voyeurisme et tous les jours, il y a une file d’attente très longue. Il y a un appétit pour ça et une fascination», note l’écrivain, qui observe que le sort des victimes passe au second plan. «Ce sont des vies entières qui sont détruites et pas seulement les victimes elles-mêmes.»
Une société du spectacle
Dans son roman, H comme... Hirtmann, Bernard Minier dit que plusieurs thématiques sont menées de front, l’une des principales étant la société du spectacle, «notre société où tout est devenu spectacle», appuie-t-il. «On le voit avec ce présentateur de talk-show, avec cette fascination pour le true crime en podcast, en documentaire, etc. On sent bien qu’au fond, tout est transformé en spectacle.»
Cette idée lui est venue de la lecture d’un ouvrage d’un sociologue, Neil Postman, qui est cité dans H : Se distraire à en mourir.
«Il montrait qu’à partir du moment où on regarde la télé depuis son plus jeune âge et jusqu’à ses derniers jours, on saisit le monde, on s’empare de la vie, de la société, des phénomènes, à travers ce filtre qu’est la télé.»
«La télé, ça transforme tout en spectacle: la politique, la science, le sport, la religion, les faits divers. Aujourd’hui, internet, c’est un peu la même chose. Au fond, on est en permanence les spectateurs d’un spectacle qui se déploie autour de nous. Et c’est ce qu’on voit dans H.»
H
Bernard Minier
XO Éditions
Environ 540 pages
- Bernard Minier est l’un des auteurs de thrillers les plus lus en Europe.
- Ses romans sont traduits en 28 langues.
- On lui doit Glacé, Lucia, Le Cercle, La Vallée, La Chasse, Un œil dans la nuit, Une putain d’histoire.
- Pour le Sunday Times, son premier roman, Glacé, fait partie des 100 meilleurs polars et thrillers publiés depuis 1945.
- Glacé a été adapté en bande dessinée aux Éditions Philéas.
«- Commandant?
À l’autre bout du fil, la voix était à peine plus qu’un murmure. Elle ne lui était pas familière.
- Qui est à l’appareil?
- Emmanuel Sachs.
Il se raidit.
Il n’aimait pas qu’on lui forçât la main. Il n’aimait pas ceux qui réclament votre attention et ne vous laissent pas en paix tant qu’ils ne l’ont pas obtenue. Il en avait croisé un certain nombre dans sa carrière, de ces individus qui pensent que ce qu’ils ont à dire est plus important que tout le reste.
- Comment avez-vous eu mon numéro?»
- Bernard Minier, H comme... Hirtmann, Éditions XO
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