Profs colériques: peut-on enregistrer un enseignant à son insu?
TVA Nouvelles
Des extraits audios d’enseignantes de première année et de deuxième secondaire sur lesquels on peut les entendre crier sur leurs élèves ont vivement fait réagir cette semaine à la suite de leur médiatisation, mais est-ce légal de les enregistrer à leur insu?
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La réponse est nuancée et dépend en grande partie de l’intérêt public relié à un tel enregistrement.
L’avocate associée au cabinet McCarthy Tétrault, Me Karine Joizil explique qu’une personne peut en enregistrer une autre à son insu seulement si elle fait partie de l’interaction.
«Lorsque vous faites partie d’une communication, donc lorsque je parle avec quelqu’un, je peux l’enregistrer à son insu, parce que j’y prends part, avance-t-elle. Ce que je ne peux pas faire c’est d’enregistrer la conversation de deux personnes alors que moi je ne fais pas partie de cette conversation.»
Cependant, dans le cas de Mme Chantal par exemple, cette enseignante de première année à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, c’est le parent qui a installé un appareil dans le sac de son enfant dans le but de l’enregistrer.
- Écoutez l'entrevue avec Me. François-David Bernier, avocat à l’émission de Yasmine Abdelfadel via QUB radio :
«En principe, il y a une atteinte à la vie privée du professeur, mentionne Me Joizil. [Et cet enregistrement] on l’a communiqué, et ça encore une fois en théorie, on ne peut pas communiquer ou divulguer l’image ou le son, le propos d’un tiers sans son consentement.»
Toutefois, il existe des exceptions, dont l’intérêt public d’une telle démarche.
«Donc est-ce que c’était d’intérêt public dans la mesure où le professeur a une incitative de vie privée, mais qui n’est pas absolue, de le faire, je pense que la question se pose, continue l’avocate. Je ne sais pas si ça va être amené devant la commission d’accès à l’information ou les tribunaux, mais certainement, ce n’est pas déraisonnable de penser que dans un cas comme celui-là, la divulgation qui a été faite des propos, ne sera pas jugé répréhensible parce qu’il était dans l’intérêt public qu’on sache ce qui se passe dans cette classe.»
Advenant une judiciarisation d’un tel enregistrement, deux droits fondamentaux seraient mis en opposition.
«Le droit à la vie privée est un droit fondamental, mais le droit à la dignité et à l’intégrité physique des enfants aussi est un droit, explique-t-elle. Donc les tribunaux doivent sous-peser et sous-balancer ces droits-là qui sont mis en cause. Donc ce n’est pas la fin de la discussion.»
Voyez les explications complètes de Mme Joizil dans la vidéo ci-dessus