La parentification: qu’est-ce que c’est et comment y faire face?
Ingrid Falaise et Équipe Salut Bonjour
La parentification est un phénomène dont on parle peu, mais qui touche de nombreux enfants. Il s’agit d’un processus où l’enfant, au sein de sa famille, endosse le rôle du parent. On lui confie des responsabilités qui ne correspondent ni à son âge ni à sa maturité affective. En d’autres termes, l’enfant devient le parent de son propre parent, une situation qui peut laisser des séquelles profondes.
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Quelles sont les différentes formes de parentification?
Selon Roxane Larocque, psychologue, la parentification peut être pratique ou émotionnelle. Dans le premier cas, l’enfant prend en charge des tâches domestiques comme garder ses frères et sœurs, préparer les repas ou faire le lavage. Dans le second, il devient le soutien psychologique du parent. «Certains enfants vont rassurer leur parent, l’aider à traverser des crises ou même l’accompagner dans des moments de détresse. Ce n’est pas à l’enfant de devenir le thérapeute du parent», insiste la psychologue.
Elle donne des exemples concrets: un parent qui demande à son enfant de l’aider à respirer pendant une crise d’anxiété, ou qui lui impose de rester à la maison pour combler sa solitude. «Dans ces situations, les besoins du parent prennent le dessus sur ceux de l’enfant ou de l’adolescent», souligne-t-elle.
Pourquoi un parent en vient-il à la parentification de son enfant?
Les raisons sont multiples. Un parent peut souffrir d’un trouble de santé mentale, être dépassé par la situation ou avoir un problème de consommation. «L’enfant va alors s’organiser pour que ses frères et sœurs aient ce qu’il faut», explique Ingrid Falaise. Les parents narcissiques, eux, utilisent parfois l’enfant pour se valoriser, le transformant en trophée.
Autre facteur: la reproduction intergénérationnelle. «Un parent qui a été lui-même parentifié peut répéter ce qu’il a vécu», précise Roxane Larocque.
Quels sont les impacts sur l’enfant?
Les conséquences sont importantes. L’enfant parentifié apprend à deviner ce que le parent attend de lui et culpabilise lorsqu’il pense le décevoir. Il sacrifie ses besoins pour ceux du parent, parfois dès un très jeune âge. «Il peut même développer un faux soi», avertit la psychologue.
Ce «faux soi» consiste à projeter une image conforme aux attentes des autres, au détriment de son identité réelle. «L’enfant croit que c’est cette version fabriquée qu’on aime, et non qui il est vraiment. À l’âge adulte, il peut avoir du mal à savoir qui il est lorsqu’il enlève son masque», explique Roxane Larocque. Cette adaptation, qui dépasse la simple recherche d’acceptation sociale, relève d’un mécanisme de survie.
Les conséquences à long terme
Une fois adulte, la personne risque de reproduire ce schéma dans ses relations. Elle cherchera des gens à sauver ou à aider, au point de s’oublier. Les premières relations influencent les suivantes: si l’enfant a appris que sa valeur dépend de sa capacité à sauver l’autre, il adoptera ce rôle dans ses amitiés et ses relations amoureuses.
Les impacts peuvent se traduire par:
- Un manque de confiance en soi et envers les autres;
- Une difficulté à s’accorder du temps ou à reconnaître ses besoins;
- Des problèmes d’identité;
- Une dépendance affective ou, à l’inverse, un évitement relationnel;
- Un besoin de perfection;
- Un sentiment d’échec persistant.
Comment aider un enfant parentifié?
«Le plus beau cadeau, c’est de le ramener à lui-même», affirme Roxane Larocque. Cela passe par des questions simples: qu’a-t-il envie de faire, d’écouter, de porter? Les adultes peuvent aussi refléter ses émotions: «J’ai l’impression que tu en portes beaucoup», ou «Tu sembles coupable quand il se passe telle chose». Ces interventions, même modestes, sèment des graines pour l’aider à se reconnecter à lui-même.
Enfin, il est essentiel de lui apprendre à poser des limites, même avec les personnes qu’il aime. «Dire non est parfois inconfortable, mais nécessaire», conclut la psychologue.