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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Procès pour meurtre de Charles Lassonde: les deux parties plaident leur cause

Photo TVA NOUVELLES
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Guillaume Cotnoir-Lacroix

2025-02-18T02:49:06Z
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Le procès de Charles Lassonde pour le meurtre au premier degré de Serge Boutin, survenu à Val-des-Sources en juillet 2021, entame sa dernière ligne droite. Les deux parties ont livré leurs plaidoiries sur cet événement sordide, lundi, au palais de justice de Sherbrooke.  

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L’avocat de Charles Lassonde, Me Martin Latour, a été le premier à plaider la cause de son client. Il a d’abord remercié le jury pour leur temps et a salué le travail du personnel de la cour.

Pendant de longues minutes, il s’est attardé au témoignage de Lana Dubois, ex-conjointe de Charles Lassonde et témoin repentie de la Couronne dans le dossier. Mme Dubois a décidé de collaborer avec les policiers à quelques jours de son propre procès pour meurtre au premier degré dans le cadre du même événement. Elle avait écopé d’une peine d’un peu plus de quatre années d’emprisonnement après avoir plaidé coupable à un chef réduit d’homicide involontaire.

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Dans son témoignage, Lana Dubois avait estimé que Charles Lassonde l’avait « montée » contre la victime Serge « Bibitte » Boutin. Pour l’avocat de la défense, toutefois, il n’en est rien. Me Latour estime que les récriminations de Dubois à l’endroit de la victime Serge Boutin ont commencé alors que de la drogue qu’elle avait vendue à une personne ont causé la mort d’un autre individu.

« Le gars mort d’une overdose, c’est le cousin de Serge Boutin », a lancé Me Latour, avant de préciser.

« Elle se met à paranoïer que Serge travaille pour la police et veut la faire arrêter. Ça, c’est redondant dans le dossier. C’est la source de sa paranoïa et ça ne vient pas de Charles », croit l’avocat.

« Lana, c’est pas compliqué, elle est paranoïaque. Il n’y a pas d’autre mot. Elle est juste paranoïaque. D’ailleurs, elle va le confirmer à quelques reprises [dans son témoignage]. » - Me Martin Latour, avocat de Charles Lassonde

L’avocat de Charles Lassonde est aussi revenu sur le soir et la nuit du meurtre allégué. Selon Me Latour, Lana Dubois s’est « trahie » en racontant sa version des faits. En interrogatoire principal, Mme Dubois avait expliqué que Serge Boutin avait tenté de fuir à deux reprises dans un champ, après l’enlèvement, avant d’être rattrapé chaque fois par Lassonde.

Selon le récit de Lana Dubois, Serge Boutin aurait été frappé par Lassonde lors de l’une de ces fuites. Elle n’aurait toutefois pas vu la scène. « Je ne sais pas si c’est une pierre ou un bâton qui l’aurait fait saigner au visage », avait-elle expliqué.

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« Pourquoi elle parle d’une pierre dans le champ? Elle n’a rien vu », a lancé Me Latour. Rappelons que selon le témoignage de l’accusé Lassonde, c’est Lana Dubois qui aurait assommé la victime, alors enroulée dans du polythène et couchée dans un trou, avec une roche.

« Pourquoi elle se dit à ce moment-là que Charles Lassonde, qui est armé d’un bâton télescopique, l’aurait frappé dans le champ avec une pierre? Pourquoi elle dirait ça? La seule conclusion logique : elle sait que la victime a été frappée au visage avec une pierre. C’est ça qu’elle a fait. » - Me Martin Latour, avocat de Charles Lassonde

Me Martin Latour a aussi soulevé plusieurs contradictions dans le témoignage de Lana Dubois, en plus de revenir sur ses très nombreux antécédents judiciaires.

« En termes de malhonnêteté, elle bat une main de quatre as, a-t-il lancé. Elle a été malhonnête toute sa vie, la foudre l’a frappée en 2022 et elle était tannée de vivre dans le mensonge », s’est moqué Me Latour, en faisant allusion à sa décision de collaborer avec les policiers.

Me Latour a plaidé aux 13 membres du jury que son client devait être cru et a demandé à ce qu’il soit acquitté du chef de meurtre au premier degré.

La Couronne réplique avec aplomb

La procureure de la Couronne Stéphanie Landry a répliqué à son confrère avec panache et de manière méthodique, en utilisant une présentation visuelle pour servir de guide à ses plaidoiries.

Me Landry a voulu d’entrée de jeu expliquer ce qu’elle a qualifié « d’éléphant dans la pièce », soit la décision de la Couronne de ne pas contre-interroger l’accusé Lassonde il y a un peu plus d’une semaine. Elle a notamment rappelé le témoignage de Lyne Royer, qui a vu la scène de l’enlèvement de Serge Boutin à partir de la fenêtre de son logement. Mme Royer n’avait aucun lien avec les personnes impliquées.

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« Elle va expliquer comment l’accusé a jeté M. Boutin dans le véhicule. Elle va dire, il n’est pas entré volontairement. Il s’est fait pousser, garrocher. Elle n’a aucun doute que cette personne-là est entrée de force dans le véhicule », a rappelé la procureure.

« L’accusé va vous dire que la victime et lui vont se diriger tout bonnement vers le JEEP et vont embarquer en arrière sans problème », a comparé Me Landry. La procureure a aussi indiqué au jury que dans son témoignage, Charles Lassonde n’a jamais mentionné qu’il avait plaqué la victime contre le véhicule, un élément pourtant rapporté par plus d’un témoin.

« Les contradictions sont tellement majeures. Besoin de le contre-interroger? Poser la question, c’est y répondre. » - Me Stéphanie Landry, procureure de la Couronne, en s’adressant aux 13 jurés

Me Landry est aussi revenu sur la plaidoirie de la défense, dans laquelle Me Latour avait argué que Charles Lassonde n’avait pas de motif pour s’en prendre à Serge Boutin.

« La défense vous dit que s’il y avait bien une seule personne qui en avait contre Serge Boutin, c’était Lana. C’est vrai. C’est vrai qu’elle était fâchée contre « Bibitte », mais seulement parce que l’accusé avait réussi à lui mettre ça dans la tête », a-t-elle répliqué.

Lana Dubois et Charles Lassonde se sont effectivement disputés sévèrement quelques jours avant le crime allégué. Selon le récit de Lana Dubois, elle a invité la victime Serge Boutin à rester chez elle alors qu’elle voulait se séparer de Charles Lassonde.

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« C’est à partir de ce moment-là que Charles a commencé à mettre des idées dans la tête de Lana », a plaidé la procureure, qui a rappelé les éléments que Lana Dubois reprochait à Serge Boutin, comme un vol de carte de crédit, d’identité, de catalyseur ou encore le fait que Boutin voulait supposément la violer avec l’aide d’un autre homme.

La procureure aux poursuites criminelles et pénales a aussi relevé plusieurs éléments qui lui paraissent invraisemblables dans le récit de Lassonde des événements, notamment le fait que selon sa version, il pensait que l’objectif ce soir-là était seulement de « faire peur » à la victime.

« Le croyez-vous, l’accusé, quand il vous dit ça? Est-ce que ça fait le moindrement de sens pour vous? », a-t-elle demandé, en rappelant que Lassonde avait attaché les mains de la victime, même en le sachant blessé, et qu’il avait un rouleau de polythène, des pelles et de la corde dans son coffre de véhicule.

Me Landry a aussi rappelé la théorie de la défense selon laquelle Lana Dubois avait assommé la victime avec une roche, la tuant sur le coup. Serge Boutin, selon cette version, se retrouvait alors couché face au sol, enroulé de polythène.

« Il avait la face défoncée [selon Charles Lassonde]. Comment il a pu voir la face défoncée de M. Boutin alors qu’il est étendu en pleine face au sol, avec en plus un chandail autour de la tête et un t-shirt sur le visage? Invraisemblable? Je vous soumets que c’est invraisemblable. C’est physiquement impossible », a tonné Me Landry.

« Et là, il vous dit, j’ai tout de suite vu qu’il était mort. Sans jamais prendre ses signes vitaux. Sans jamais s’assurer physiquement qu’il était mort », a ajouté la procureure.

Me Landry a demandé au jury de « prendre du recul » pour « voir le casse-tête dans son entièreté. »

« Est-ce que Charles Lassonde a participé au meurtre au premier degré de Serge Boutin? Nous mettons votre confiance entre vos mains afin que justice soit rendue. » - Me Stéphanie Landry, procureure aux poursuites criminelles et pénales

Seuls 12 des 13 jurés restants participeront aux délibérations. Le juge Claude Villeneuve leur livrera ses directives mardi.

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