Ingrid Falaise est retournée là où elle a connu l’horreur à 18 ans
Sabin Desmeules
Elle revient d’un voyage qui l’a chavirée. Il y a peu de temps, Ingrid Falaise est retournée là où elle a connu l’horreur à 18 ans. Pourquoi a-t-elle accepté de remettre les pieds en Afrique du Nord, elle qui s’était juré de ne jamais le faire?
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Il y a 10 ans, elle partageait sa touchante, terrible et inoubliable histoire de violence conjugale en publiant Le Monstre. Ingrid Falaise se libérait alors de son drame, qui s’est déroulé en Afrique du Nord alors qu’elle avait 18 ans. Elle s’est récemment retrouvée en ce lieu où elle a vécu les choses horribles qu’elle raconte dans son livre. Cela pour la première fois depuis le drame. Car l’autrice, comédienne et animatrice était ambassadrice du 25e Rallye Roses des Sables, qui s’est déroulé dans le désert du Sahara du 17 au 26 octobre. «Ç’a été un voyage puissant, déstabilisant... et grisant aussi! Il y a eu tellement d’émotions et d’étapes dans ce voyage-là que je n’en suis pas tout à fait revenue, admet-elle. Je pense que je n’en reviendrai jamais vraiment, que ce voyage-là m’a changée. Et il a changé toutes les femmes qui y ont participé.» Car, rappelons-le, au cours de ce rallye, 250 filles ont traversé le désert en équipes de deux dans un 4x4, afin de se dépasser.
Dès son arrivée dans cette Afrique du Nord qu’elle a connue à 18 ans, l’ambassadrice a vite constaté que ce lieu n’avait pas changé depuis qu’elle l’a fui, il y a 25 ans. «C'est la même culture, ce sont les mêmes maisons, tout est pareil, en fait. Alors mon retour là-bas a été excessivement émotif. Ça m’a virée à l’envers dans les premiers moments, confie-t-elle avec des trémolos dans la voix. Avant l’arrivée dans le désert, on a fait deux jours de voyagement... Au départ, on était dans une ville touristique... Et plus on approchait du désert, plus les paysages changeaient.» Plus ils se rapprochaient de ce qu’elle avait connu. «Ce n’est pas dans la ville, moi, que j’habitais quand j’avais 18 ans, c’était à quelques minutes du Sahara, note-t-elle. Au fil de ces deux jours à se diriger vers le point de départ du rallye, le décor devenait de plus en plus aride. «Et la pauvreté devenait de plus en plus présente. On voyait les enfants du désert, qui ne vont pas à l’école, sur le bord de la rue. On voyait les maisons en béton, entourées de barricades, où on ne pouvait pas voir à l’intérieur... comme quand j’avais 18 ans! Ça fait que tout le voyage vers le Sahara, j’étais dans l’autobus, j’avais mon capuchon sur la tête, je regardais dehors et je me demandais: «Qu’est-ce que je faisais ici à 18 ans?!» J’ai pris la main de la petite fille à l’intérieur de moi et je l’ai serrée très, très, très, très fort! Avec la puissance de la femme de 44 ans que je suis devenue, qui a tout le bagage nécessaire pour y retourner et pour affronter ce désert-là et ces images-là.»

Boucler une boucle
Ce ne fut pas un voyage de tout repos. «Ce que j’appréhendais est arrivé: j’ai eu des flash-back, des images, des moments, des scènes dans ma tête... J’ai pleuré énormément!» Mais y allait-elle pour exorciser quelque chose? «Je savais que j’y allais aussi pour exorciser totalement tout ça, puis pour boucler une boucle, parce que le signe était trop gros! Dix ans jour pour jour après la sortie du livre Le Monstre, après avoir brisé le silence sur la place publique, on me demande de retourner dans le Sahara entourée de 250 femmes! Le signe ne peut pas être plus grand que ça!»
C’est ce signe qui a convaincu celle qui s’était promis de ne jamais remettre les pieds en Afrique du Nord de faire ce voyage. «Je me suis dit: “Je n’ai pas le choix d’y aller, parce que la vie m’envoie ce signe-là.” Puis, ce que ça a fait à l’intérieur de moi, c’est qu’il y a eu une grande réflexion. Je me suis dit: “Pourquoi je ne voulais jamais y retourner? Pourquoi est-ce qu’on m’enlèverait ce pouvoir-là? Alors j’y retourne, je reprends mon pouvoir, et je sais que ça va m’aider à guérir.’’»

De nouveaux souvenirs de l’endroit
Alors qu’elle s’apprêtait à revenir au Québec, elle a écrit sur Instagram: «Merci pour la guérison.» Ce voyage a donc guéri quelque chose. «Il n’y a plus de craintes après ce voyage-là. Il n’y a plus personne qui va me faire peur. Je n’ai plus aucune peur. Je suis retournée là où j’ai vécu un trauma, et toutes les mémoires du passé ont été remplacées par de nouveaux souvenirs de l’endroit, de nouvelles expériences. Maintenant, ma mémoire du désert, ce sera 250 femmes, de la musique, un rallye, des histoires, des fous rires, de la sororité...»
En tant qu’ambassadrice du Rallye, elle se promenait d’une équipe à l’autre pour prendre le pouls, remonter le moral des troupes... «J’étais là pour les accompagner et les mettre en lumière, explique-t-elle. Le rallye, c’est très sportif et c’est excessivement difficile! Il y a eu des accidents. Il y a des filles qui ont fait des tonneaux... Elles ont été incroyablement courageuses!»
Elles ont aussi partagé des témoignages. «Je me suis fait des amies pour la vie. On a passé toutes nos soirées ensemble. On s’est soutenues. On a jasé.»
Et Ingrid a pris la parole devant ces femmes. «C’était un partage sur la force féminine, la puissance de la vulnérabilité... C’était un échange, oui, sur le contrôle coercitif, la violence conjugale, mais surtout sur le fait de reprendre son pouvoir. J’avais envie de leur démontrer que tout est possible et qu’après ce rallye-là, il n’y a plus personne qui allait pouvoir les arrêter et plus rien qui allait être à leur épreuve.»

Critiquée pour parler encore de son histoire
Récemment, des gens se sont plaints sur les réseaux sociaux du fait qu’Ingrid Falaise parlait encore de son histoire. «Mais ça fait partie de ma vie. Je pense qu’on guérit toute notre vie. C’est propre à l’humain d’aller au bout de certaines choses et, des fois, quand tu penses que c’est totalement fini, il en reste un petit bout. Je pense qu’il faut aller au bout des choses.»
Et si elle a rouvert ce chapitre le temps d’un voyage, Ingrid se consacre à bien d’autres chapitres de vie depuis fort longtemps. «Je suis passée à autre chose, j’ai plein de projets, j’ai ma vie de famille, j’ai trois enfants... Je suis à Rythme FM l’été, j’ai Salut Bonjour, j’ai ma série documentaire Adapté, sur Tou.tv et AMI-télé... J’ai mille et un projets qui sont super lumineux, rappelle-t-elle. Le Rallye, c’est la vie qui me l’a offert. Ce n’est pas comme si je traînais quelque chose...»

La voix de sa belle-maman et des filles-mères
L’autrice vient de publier un autre livre né d’une histoire très personnelle, Fille-mère. C’est l’histoire de Marie, qui, dans les années 1960, se retrouve enceinte à 14 ans. Elle est envoyée au couvent pour cacher cette grossesse «honteuse» aux yeux du monde et se fait arracher son enfant. Pour l’écrire, l’auteure s’est inspirée du vécu de sa belle-maman, Marie-France. La défunte mère de Cédrik Reinhardt, le conjoint d’Ingrid, lui a fait promettre, sur son lit de mort, d’écrire sur cette situation, que trop de jeunes filles ont vécue à cette époque. «Je voulais que cette histoire-là résonne haut et fort, je voulais que la honte change de camp, note l’autrice. Sur nos plaques d’immatriculation, c’est écrit: «Je me souviens.» Eh bien, il faut se souvenir aussi de l’horreur. Je veux lever le voile sur ce qui s’est passé. (...) Il y a tout un pan sombre de notre histoire qu’il faut honorer. Il y a des femmes qui sont décédées en emportant avec elles leur secret. Je ne suis pas bien avec ça.»
Dans ses derniers moments, Marie-France se racontait à Ingrid par écrit. «À la fin, elle ne pouvait plus parler, alors on s’écrivait. Je lui posais des questions par écrit et elle me répondait en écrivant elle aussi, explique-t-elle. Je suis également allée fouiller dans des archives sur la toile et j’ai lu les histoires d’autres filles-mères.» Son désir était clair: «Humaniser un temps sombre de notre histoire, au Québec. Je voulais toucher les gens pour être un vecteur de changement.»

Elle demande des excuses
Ce livre n’avait pas pour but que de raconter une histoire. «J’ai commencé à recevoir des témoignages. En étant une personnalité publique, je deviens un porte-étendard... Et c’est correct, parce que c’est une cause qui mérite d’avoir un porte-voix, indique-t-elle. Je veux des excuses publiques pour ce qu’on a fait vivre à ces femmes. C’est ma prochaine étape. Et je suis déjà en discussion pour entamer ce processus.»
Son amoureux est fier
Par sa démarche, Ingrid croit avoir apaisé sa belle-maman dans ses derniers moments. «Ce qu’elle n’a pas été capable de faire de son vivant, elle l’a fait à travers mon livre. Oui, c’est à sa demande, et c’est une promesse que je vais tenir jusqu’au bout, même si ça ne fait pas l’affaire de tout le monde.»
Son amoureux est très fier d’elle! «Mon chum m’a dit: “Tu as immortalisé ma mère. On entend parler d’elle. C’est grand.” Il est hyper touché!»
Un nouveau membre dans la famille
Depuis peu, Ingrid et les siens apprennent à connaître le frère de Cédrik. «C’est tout récent pour nous, tout ça. Ça fait seulement un an qu’on commence à tisser des liens. C’est très émotif pour notre famille!»
Sa sœur et son père en radiothérapie
Par ailleurs, l’actrice vit des moments difficiles: sa sœur est aux prises avec un cancer du sein, et son père, avec un cancer de la prostate. «J’ai ma petite Lisa, qui est passée à travers cinq mois de chimiothérapie. Elle a eu sa mastectomie et là, elle est rendue en radiothérapie... Tout ça en même temps que mon père, qui est en radiothérapie pour le cancer de la prostate... Il s’est fait opérer il y a deux ans, et il allait super bien, mais on lui a demandé d’aller en radiothérapie de façon préventive pour le prochain mois, explique-t-elle. Être là pour eux, c’est ma façon de me sentir moins impuissante.»
À travers les épreuves de la vie, Ingrid peut compter sur son époux, Cédrik, avec qui elle est mariée depuis neuf ans. Le couple aimerait d’ailleurs souligner ses noces d’étain l’an prochain. «On rêverait d’aller en Italie. Et il est censé ajouter quelques diamants sur ma bague, mais c’est à suivre, laisse-t-elle tomber, le rire dans la voix. Je ne sais pas ce qu’on va faire pour nos 10 ans. Ce que je sais, c’est qu’on savoure chaque instant. Je viens de revenir du Maroc. J’avais hâte de déposer mon nez dans le cou de mon chum et dans celui de mon enfant. On tripe ensemble; on a une si belle famille! On continue à célébrer l’amour. Ces 10 ans, pour nous, c’est super significatif! Ça fait 12 ans qu’on est ensemble. On a des enfants en santé. C’est ça qui compte. C’est l’essentiel. Après ça, les diamants, les voyages et le reste, à suivre... Pour l’instant, on savoure le fait d’être ensemble.» Elle ajoute: «Les enfants jouent au hockey. Mon chum est devenu coach de l’équipe de hockey de mon plus grand. On est dans le sport...»
Le fils d’Ingrid et Cédrik, Émil, huit ans, a fait ses débuts l’an dernier comme mannequin. Il est inscrit à une agence de mode. «Il aime bien ça faire des photos! Il a passé quelques auditions. On suit son rythme. Il est encore jeune. On veut que ça vienne de lui. Mais être mannequin, il adore ça!, remarque-t-elle. Je l’accompagne dans chacun de ses rêves. Il tripe à jouer au hockey aussi.»
Son beau-fils Illan a 14 ans. «Il joue au hockey et il est à l’école de théâtre.» Et l’aîné de son chum, Maël, a 18 ans. Il vit avec un trouble du spectre de l’autisme. «Il est dans une école spécialisée pour les jeunes avec une déficience intellectuelle. Lui, il aime voir des spectacles! Récemment, je l’ai emmené voir Mariana Mazza. On suit ses intérêts. On fait du ski adapté avec lui l’hiver. C’est le fun!»
À travers Maël, Ingrid Falaise porte une autre cause: elle souhaite une société inclusive pour les enfants différents. «Chaque cause que j’épouse est ancrée dans l’authenticité et dans mon cœur.»
Ingrid Falaise nous propose son plus récent ouvrage, Fille-mère, disponible en librairie, en magasin et en ligne.
En tant qu’ambassadrice de la campagne Nœudvembre de PROCURE, qui contribue à sensibiliser au cancer de la prostate et qui vient en aide aux hommes qui en sont atteints, elle nous invite à acheter notre nœud papillon et notre mouchoir de poche édition 2025, ou la Collection Noeudvembre sur boutique.procure.ca.