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«Pour la première fois de ma vie, je me suis trouvée belle»: une maison pour réparer les femmes victimes d’agression sexuelle

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Mathieu Carbasse

2024-05-08T10:00:00Z
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Ouverte l'an passé, la Maison Grande Ourse est une maison de thérapie unique en son genre. Elle offre la possibilité à des survivantes d'agression à caractère sexuel de se reconstruire dans un cadre bienveillant. Nous y avons rencontré Karine, une femme qui est venue reprendre des forces avant le procès de son ex-conjoint.


Karine et sa fille Isabelle ont accepté que 24 heures les suive pendant plus d’un an pour documenter leur parcours judiciaire et raconter leurs tentatives de reconstruction. Elles lèvent aujourd’hui le voile sur leur histoire dans un témoignage rare. Ce texte fait partie d’une série de trois.

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C’est une grande maison en brique rouge posée au bord de la Richelieu, dans le centre de Saint-Ours, en Montérégie. C’est surtout un havre de bienveillance où, depuis un an, des femmes viennent se reconstruire après avoir subi des violences sexuelles.

Pendant deux semaines, les six femmes qui cohabitent dans la maison profitent des conseils et de l’écoute d’une dizaine d’intervenantes qualifiées: sexologue, psychologue, intervenante psychosociale, médecin, etc.

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Photo Mathieu Carbasse
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«La Maison Grande Ourse ne guérit pas les survivantes, mais elle leur propose des outils pour aller vers la guérison», résume Suzie Girard, la directrice adjointe de l’établissement.

«Les violences sexuelles, c'est un sujet qui est encore tabou. Pourtant, les traumatismes sont énormes, notamment au niveau de la sexualité. D'une femme à l'autre, ils sont vécus de façon parfois différente, mais ils sont immenses.»

Une première au pays

À la différence des maisons d’hébergement d’urgence pour femmes, tout le monde à Saint-Ours connaît l’adresse.

«C’est une grande première au Canada. C’est la première maison pour femmes ayant été victimes de crimes à caractère sexuel au pays», explique fièrement Nathalie Simard, la marraine de l'établissement qui s’est impliquée dans le projet dès sa genèse, aux côtés de la fondatrice, la sexologue Camille Cossette.

«À la Maison Grande Ourse, les femmes ne fuient pas la violence de leur conjoint comme c’est le cas généralement dans les maisons d’urgence traditionnelles. C’est un lieu de partage, de thérapie, pour que les femmes puissent être comprises», ajoute-t-elle.

«Un passage obligé»

Depuis le 24 février 2023, près de 120 femmes sont venues passer deux semaines à la Maison Grande Ourse, loin de leur quotidien, mais aussi du Palais de justice.

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Karine Bleau a séjourné à la Maison Grande Ourse quelques semaines avant le début du procès de son ex-conjoint pour agression sexuelle.

«Je ne sais pas dans quel état que je serais si je n'étais pas venue ici. Sérieusement, je considère ça aujourd'hui comme un passage obligé», confie à 24 heures la femme de 49 ans, au moment de quitter le centre de thérapie.

Photo Mathieu Carbasse
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«Quand je suis arrivée à la Grande Ourse, j’avais la tête tellement pleine de cauchemars et de flashbacks. En fait, je pense que je tenais juste à un fil. J'avais été au bout de mes forces. Ici, j'ai eu la chance de prendre soin de moi et de comprendre tout ce qui se passait à l'intérieur de moi. Dès que je suis rentrée, je me suis sentie dans la bienveillance», raconte-t-ell

Des bénéfices immédiats

À raison de trois ateliers par jour, les femmes de la Maison Grande Ourse apprennent à se reconstruire, en commençant par se recréer une routine.

«Souvent, quand on est dans un état de stress, on est complètement désorienté, on a plus d’horaire», mentionne Mme Bleau.

«Ce rythme nous permet vraiment de nous réorganiser, de nous reprogrammer. Et puis, on n'a pas le droit au contact extérieur, donc, on n’a pas d’autre choix que de se recentrer sur nous-même», souligne-t-elle.

Photo Mathieu Carbasse
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Grâce à la thérapie, ce sont aussi des blocages qui s'estompent.

«Ça faisait deux ans que je n'avais pas pleuré. J'étais bloquée. On m'a fait pleurer ici. Il y a une intervenante qui a réussi à me débloquer. Ça m’a fait tellement de bien. Pendant ces deux semaines, on m'a permis de ne plus être la femme forte, de plus être la maman, juste Karine. Puis de recommencer à apprendre à m'aimer.»

«Je me suis trouvée belle»

La plus grande réussite de la Maison Grande Ourse, c’est de transformer le visage des femmes qui viennent y séjourner, assure la directrice adjointe de l’établissement, Suzie Girard.

Photo Mathieu Carbasse
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«Il y a une femme d'une soixantaine d'années qui est venue ici cette année. Un jour, avant la fin de la thérapie, elle est rentrée dans mon bureau et elle m’a dit: "Suzie, il faut que je te parle. Je me suis regardée dans le miroir et, pour la première fois de ma vie, depuis 40 ans peut-être, je me suis trouvée belle."», raconte-t-elle, les yeux humides.

Elle se souvient aussi d’une femme qui a fêté ses 81 ans à la maison. Elle voulait finir sa vie en paix et bien dans sa peau.

Gratuit pour les femmes

Toutes les femmes qui souhaitent séjourner à la Maison Grande Ourse peuvent en faire la demande. Elles n’ont pas besoin de porter plainte au préalable.

Grâce au système d’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC), qui a embarqué dans le projet, les femmes n’ont rien à débourser.


Plus d’informations sur la Maison Grande Ourse:

  • 1 855 VIVANTE 
  • contact@grandeoursemonteregie.org
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