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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

«Ils ont tué mon fils»: l’un des pompiers volontaires disparus à Saint-Urbain ne savait pas nager

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Jérémy Bernier et Dominique Lelièvre

2023-05-02T19:30:00Z
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BAIE-SAINT-PAUL et SAINT-URBAIN | Plongés dans une douleur inqualifiable, des proches des deux pompiers volontaires disparus à Saint-Urbain remettent sérieusement en question la décision qui a amené ces derniers à se lancer dans un sauvetage périlleux sur des flots déchaînés.

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«Ils ont envoyé un enfant de 23 ans qui ne savait pas nager sur une embarcation sur une rivière torrentielle. À quoi est-ce qu’ils s’attendaient? Ils ont tué mon fils!» lâche Davy Lavoie, étouffant un sanglot.

Photo Stevens LeBlanc
Photo Stevens LeBlanc

Lundi, son garçon Christopher, pompier volontaire à Saint-Urbain depuis un an et demi, et son collègue Régis Lavoie, 55 ans, ont été envoyés sur le rang Saint-Georges pour évacuer des citoyens dont la résidence menaçait d’être emportée par la rivière du Gouffre.

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Le duo, qui était équipé de vestes de flottaison, d’après M. Lavoie, aurait toutefois basculé à l’eau durant l’intervention sous la force du courant, en début d’après-midi. C’est la dernière fois qu’ils ont été aperçus.

La fille de Régis Lavoie (sans lien de parenté rapproché avec son confrère), Marylou Lavoie, est elle aussi dans l’incompréhension la plus totale. Elle souligne que les citoyens rescapés ont finalement été secourus par hélicoptère des heures plus tard.

«Il est où mon papa?»

«Mon papa, c’était un héros pour tout le monde. Toujours à aider, jamais capable de dire non. Pis là, je l’ai perdu... je l’ai perdu. Oui, il est mort en héros, mais j’en veux tellement à ceux qui l’ont envoyé là. Ça se peut pas. C’est un cauchemar», dit-elle, cachant mal son désarroi.

Elle affirme que le véhicule tout-terrain amphibie utilisé par son père n’appartenait même pas au service incendie, mais bien à sa sœur.

« Il est où mon papa? Il est où? » se désole la jeune femme. «J'attends un enfant. Je voulais que mon père rencontre mon enfant...»

Selon elle, «c’était sans jugement» que d’«envoyer deux personnes qui ont des familles, comme tout le monde, sur l’eau, comme ça, quand le courant était... ça n’avait pas de bon sens».

Son père savait pour sa part nager, mais avec la violence de l'eau et son habit de pompier, ses chances étaient minces, estime-t-elle.

Pompier volontaire depuis une vingtaine d'années, Régis Lavoie était dans la vie agent de sécurité, préposé au ménage à l’hôpital de Baie-Saint-Paul et auxiliaire aux services de santé et sociaux (ASSS) au CIUSSS.

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Régis Lavoie, pompier volontaire recherché à Saint-Urbain.
Régis Lavoie, pompier volontaire recherché à Saint-Urbain. Photo fournie par Marylou Lavoie

En quête de réponses

En colère, le père de Christopher Lavoie souhaite avoir des réponses sur cette affaire. Une succession de mauvaises décisions ont mené au décès de son fils, estime-t-il. 

«Tout ce que Christopher voulait, c’était aider le monde. C’était son rêve. Il ne méritait pas ça. Je serais prêt à me tirer dans la rivière pour aller le chercher moi-même», lâche M. Lavoie.

«Je veux savoir pourquoi des gens inconscients ont envoyé une personne inexpérimentée et non qualifiée dans une rivière déchaînée. Les responsables doivent payer!» poursuit-il.

Contactée par Le Journal, la Municipalité de Saint-Urbain n'a pas voulu répondre à nos questions à ce sujet.

Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC
Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC

Lors d’une entrevue réalisée plus tôt dans la journée, la mairesse, Claudette Simard, se disait de tout cœur avec les deux familles. Elle connaissait les deux hommes.

«Ce sont des héros dans la municipalité et dans la communauté. Les gens sont tellement tristes de cette situation», a-t-elle déclaré, les yeux remplis d’eau.

Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC
Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC

En fin d’après-midi, on était toujours sans nouvelles des deux sapeurs disparus.

«L’opération a repris tôt [mardi] matin, avec une vingtaine patrouilleurs en véhicule, à pied, à VTT et en embarcations. Des plongeurs, un hélicoptère et un drone ont aussi été mis à contribution, tout comme la garde côtière», a expliqué Béatrice Dorsainville, porte-parole de la SQ.

Les familles, elles, croient de moins en moins à un dénouement heureux. «[La mairesse] est venue à mon domicile pour m’affirmer que mon fils était décédé, alors qu’on n’avait pas encore retrouvé les corps. J’ai dû appeler la SQ pour savoir ce qu’il se passait», a déploré Davy Lavoie.

– Avec la collaboration d’Elisa Cloutier et de Nicolas St-Pierre

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