Mission d'espionnage à Prague pendant la Guerre Froide : c'est le décor mystérieux du nouveau roman de l'écrivain français Pierre Lemaitre


Marie-France Bornais
Troisième volet de la formidable saga de la famille Pelletier signée Pierre Lemaitre, Un avenir radieux s’ouvre en 1959 et promet de l’aventure et de l’action à souhait. La famille Pelletier, réunie en France, vit un événement bouleversant qui va faire basculer l’équilibre du clan. Nous sommes en 1959 et l’un des fils Pelletier est recruté par les services de renseignement français pour une mission à Prague, de l’autre côté du rideau de fer. Est-ce que tout va se passer comme prévu?

À travers une histoire de famille où il y a aussi des drames et de l’amour, Pierre Lemaitre propose une incursion dans le monde du renseignement, en pleine Guerre froide.
Il décrit la naissance du journalisme moderne, montre les parents vieillissants aux prises avec la maladie, et dépeint des situations dramatiques vécues par d’autres membres du clan.
«L’une de mes premières idées, c’était le risque atomique», commente-t-il en entrevue, lors de sa récente visite au Québec. «Quand je feuilletais les journaux de cette époque, j’étais très surpris de l’obsession populaire autour de la bombe atomique. Je me suis rendu compte qu’Hiroshima et Nagasaki, c’était pas si vieux.»
Il y avait «une vraie névrose», ajoute-t-il. «J’étais étonné par le nombre d’articles consacrés au risque nucléaire. J’y ai travaillé un peu au début du roman avec Angèle, qui était habitée par ça, et ensuite avec l’histoire des centrales nucléaires.»
L’arrivée des médias
La question des médias l’a aussi beaucoup intéressé. «J’avais Le Journal du Soir, comme personnage collectif, dès Le Grand monde. Je le fais courir sur les quatre livres.»
«Je regardais comment les choses avaient évolué entre 1948 – la naissance du journal – et 1959. Il se passe énormément de choses et ce qui accompagne la progression du journal quotidien, c’est la radio, qui devient extrêmement importante, et la naissance de la télévision moderne. Comment ça se passait? Il y avait une chaîne, en noir et blanc.»
«C’est amusant, aujourd’hui, au moment des réseaux sociaux, où tout va très vite, de montrer que finalement, il n’y a pas si longtemps que ça, on avait encore des câbles qui pesaient des kilos, des caméras qui étaient énormes, des batteries qu’on devait emmener à bout de bras. Je trouvais que c’était intéressant que le public se rende compte du chemin incroyable que la technologie a pris, parce que c’est un témoignage de l’époque.»
Le service de renseignement
Quand Pierre Lemaitre a mis tous ces éléments en commun, il a vu que ça dessinait assez bien une intrigue autour du service de renseignement. «D’autant plus que je partage assez, avec John le Carré, l’idée que l’espionnage est un peu l’inconscient des sociétés occidentales», appuie-t-il.
Il voulait qu’il y ait de l’espionnage dans le livre, mais précise que l’enjeu, ce n’était pas «qui est la taupe», mais plutôt comment François Pelletier, arrivé à Prague, va s’en sortir.
«Comment on fait lorsqu’on est livré à soi-même, que la mission dérape? Comment on survit à ça, dans un pays éminemment dangereux, où la police politique est une police qui torture des gens?»
La Russie de Poutine...
«Je me demandais si le lecteur ou la lectrice allait faire un aller-retour entre l’URSS que je décris là et la Russie de Poutine, qui au fond est assez ressemblante. La Russie de Poutine, elle fonctionne sur le mensonge d’État, sur l’élection truquée, sur l’embargo sur l’information, malgré le changement de régime: on est censé avoir aboli le régime communiste.»
Un avenir radieux
Pierre Lemaitre
Éditions Calmann-Levy
592 pages
- Pierre Lemaitre est né à Paris.
- Il a enseigné aux adultes, notamment les littératures française et américaine, l’analyse littéraire et la culture générale.
- Il est aujourd’hui écrivain et scénariste.
- Ses romans ont été récompensés par de nombreux prix littéraires nationaux et internationaux.
- En 2013, le prix Goncourt lui a été décerné pour Au revoir là-haut, premier volet de sa trilogie Les Enfants du désastre.
En 2018, il a reçu le César de la meilleure adaptation avec Albert Dupontel pour ce même roman.
«La France avait arraisonné, quelques mois plus tôt, un bâtiment yougoslave rempli d’armes que l’on supposait destinées aux indépendantistes algériens. Si l’agent de Georges apportait la preuve que les pays du bloc communiste venaient en aide matériellement à ceux qui se battaient contre la France, l’affaire était gravissime.»
– Pierre Lemaitre, Un avenir radieux, Éditions Calmann-Levy
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