Hervé Le Corre sonne l’alarme dans un roman postapocalyptique violent et anxiogène
«Qui après nous vivrez»


Marie-France Bornais
Écrivain spectaculaire, Hervé Le Corre a imaginé que le 21e siècle finissait dans une crise énergétique, dans une succession de pandémies et que la société s’effondrait dans son nouveau roman, Qui après nous vivrez. Quelques survivants font ce qu’ils peuvent pour échapper au chaos et à la violence, en ayant recours à des ressources sans technologie avancée.

Pandémies, crise énergétique, guerres civiles, famines, soulèvement des populations, danger omniprésent, violence extrême: le futur que décrit Hervé Le Corre est loin d’être drôle.
«Comme dans tous les romans que j’écris, je focalise sur les personnages que je place face à des situations difficiles, conflictuelles, violentes, et j’imagine quelles peuvent être leurs réactions», explique-t-il en entrevue, par courriel. Dans ce roman-ci, vu le contexte catastrophique que je décris, j’ai essayé de dire, aussi, ce qui survit en eux d’humanité, d’espérance alors qu’ils pourraient croire que tout est perdu.»
Le contexte actuel
Des situations malheureusement bien réelles ont servi d’élément déclencheur pour l’écriture. «La pandémie de COVID, les confinements m’ont donné l’impression que ce que j’avais lu ou vu dans des œuvres de fiction était en train de se produire. On y est, me suis-je dit parfois. Le contexte économique, social, politique et géopolitique dans lequel nous pataugeons a fini de me convaincre, depuis le temps que cette envie me trottait dans la tête, qu’il était temps de me lancer dans l’écriture de ce roman.»
Hervé Le Corre nous projette vers un futur proche de manière efficace et très anxiogène. Les défis d’écriture étaient multiples, mais l’auteur s’est appliqué à rendre crédible le moment de la catastrophe majeure.
«J’ai remarqué que souvent, dans les romans postapocalyptiques, les auteurs ne disent pas ce qui s’est passé pour en arriver à la situation de chaos ou de néant qu’ils décrivent. Mon sentiment, quand j’écoute, lis, vois les informations qui affluent en permanence, est que nous sommes, en ce moment, dans une période préapocalyptique.»
«Certes, le pire n’est pas certain, on doit toujours souhaiter une bifurcation, mais en romancier, j’ai simplement poussé les curseurs et montré un monde, une civilisation, au bord de la falaise auquel il suffirait d’une pichenette pour tomber dans le vide. La difficulté était de ne pas transformer ça en une sorte de traité de futurologie ou de prospective, d’éviter le didactisme et la lourdeur d’une démonstration. Bref, de ne jamais perdre de vue que j’écrivais un ROMAN...».
L’écrivain a imaginé un monde où toute technologie, ou presque, a disparu. «Plus d’électricité, plus de réseaux, plus de technologie, même si je laisse se décharger encore quelques batteries ou produire quelques panneaux photovoltaïques.»
Inquiet pour l’avenir
Faut-il ajouter que Hervé Le Corre est plutôt pessimiste pour le sort de nos arrière-petits-enfants?
Les lecteurs ont fortement réagi à son roman. «La plupart ont été frappés, voire effrayés, par la crédibilité du récit, espérant que la lecture de mon roman ouvrirait des yeux et éveillerait des consciences. À quoi je réponds que les alertes sont données de toutes parts, que les signaux d’alarme s’allument dans des hurlements de sirènes, et que dans ces conditions mon livre est un bien dérisoire message d’avertissement...»
Bientôt au Québec
Hervé Le Corre participera au Festival littéraire Métropolis Bleu, qui aura lieu à Montréal du 25 au 29 avril. Quel lien a-t-il avec le Québec?
«Un lien imaginaire, un attrait un peu bête, sans doute, pour cette Amérique qui parle français, avec ces provinces du nord et leurs hivers glacés et leurs blizzards... Un lien amical avec Andrée A. Michaud, écrivaine que j’admire. Rien que de très naïf et lointain, et surtout, désormais, une impatience gourmande d’être parmi vous et de voir tout cela de mes yeux, comme on dit.»
Qui après nous vivrez
Hervé Le Corre
Éditions Rivages/Noir
400 pages
- Hervé le Corre est né en 1955, à Bordeaux, où il a été professeur de lettres.
- Il a publié de nombreux romans et remporté de nombreux prix.
- Il participera au Festival littéraire Métropolis bleu, à Montréal.
«Il grimpa plus haut. Par une trouée il apercevait le village, entassement grisâtre que le sable et la végétation absorbaient lentement. Il se demanda combien de temps il faudrait pour que tout disparaisse, pulvérisé ou enseveli, rayé de cartes que nul ne consulterait plus. Il ne savait pas bien comment le temps passait. Les jours et les nuits et les jours et les nuits.»
- Hervé Le Corre, Qui après nous vivrez, Éditions Rivages / Noir
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