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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Pays imaginaire au Québec: prenez garde à ce faux roi qui vend des citoyennetés bidon

Le Québécois aurait convaincu une centaine de personnes à payer pour rejoindre son projet

Portrait de Jean-Denis Boudreault, à la tête du pays imaginaire du Tayos. M. Boudreault utilise aussi le nom de «Majesté le Roi Regis Lucius» dans son faux royaume. En arrière-plan, la carte indiquant le territoire où sera construit son État.
Portrait de Jean-Denis Boudreault, à la tête du pays imaginaire du Tayos. M. Boudreault utilise aussi le nom de «Majesté le Roi Regis Lucius» dans son faux royaume. En arrière-plan, la carte indiquant le territoire où sera construit son État. Captures d'écran d'une vidéo publiée sur le compte YouTube «State of Tayos» et du site web state-of-tayos.com
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Photo portrait de Francis Pilon

Francis Pilon

2023-08-01T20:00:00Z
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Les autorités mettent en garde le public contre un Québécois qui prétend faussement avoir créé un pays reconnu par le Canada, lui qui a convaincu une centaine de personnes de payer pour obtenir la citoyenneté dans son État bidon. 

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«On a entendu parler un peu du soi-disant État du Tayos. J’ai tout de suite pensé à la mouvance des citoyens souverains. [...] Ce que je dis souvent, c’est que si c’est trop beau pour être vrai, c’est probablement faux», prévient Michael Kropveld, fondateur et directeur général d'Info-Secte. 

Jean-Denis Boudreault, 43 ans, a créé de toute pièce «l’État souverain du Tayos» durant la pandémie. Ce pays fictif, toujours en «construction», sera principalement situé près du lac McCracken en Abitibi-Témiscamingue ou encore sur l'île d'Anticosti, selon le site internet du projet. 

Territoire où sera situé principalement l'État fictif du Tayos.
Territoire où sera situé principalement l'État fictif du Tayos. Capture d'écran du site state-of-tayos.com

Dans la vidéo ci-dessous, M. Boudreault explique sa motivation de créer un État souverain: 

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Son objectif? «Offrir un nouvel espoir à ceux qui veulent encore que la vérité et la lumière brillent», peut-on lire sur la même page web du pays fictif, dont la case postale se trouve à Sainte-Agathe-des-Monts dans les Laurentides. 

  •  Écoutez la chronique d’Alexandre Moranville au micro de Jean-François Baril via QUB radio :

«Excellente nouvelle! Le Canada a officiellement reconnu l'État de Tayos en droit! La Cour fédérale du Canada est entrée en relation contractuelle avec la personnalité juridique de Tayos», écrivait à tort sur les réseaux sociaux M. Boudreault en mars dernier pour convaincre ses adeptes.

Publication sur Twitter où l'État du Tayos affirme faussement avoir été reconnu par le Canada.
Publication sur Twitter où l'État du Tayos affirme faussement avoir été reconnu par le Canada. Capture d'écran du compte Twitter State_of_tayos

Complètement faux

Le Journal a donc contacté le gouvernement pour savoir s’il avait bel et bien reconnu l’État du Tayos.

«L'individu en question ne représente pas un gouvernement légitime. Ses affirmations sont sans fondement», confirme Kevin McCaughey, du Bureau du conseil privé du Canada. 

Site web de l'État souverain du Tayos.
Site web de l'État souverain du Tayos. Capture d'écran du site state-of-tayos.com

Jean-Denis Boudreault n’a d’ailleurs pas enregistré son organisation au registre des entreprises du Québec (REQ). Le Québécois s’est aussi créé une autre identité. Il se fait désormais passer pour «Majesté le Roi Regis Lucius I» dans le royaume de Tayos.

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  • Écoutez l'entrevue d'Alexandre Moranville avec Marie-Andrée Pelland, présidente du conseil d’administration d’Info-Secte & professeur de criminologie via QUB radio : 

«Si vous souhaitez canaliser votre propre énergie et aider à restaurer l’empire de la lumière, alors rejoignez votre Roi! L’État de Tayos a besoin de vous», précise-t-il sur son blogue. 

Site web du projet de Jean-Denis Boudreault où il se fait passer pour «Majesté le Roi Regis Lucius I».
Site web du projet de Jean-Denis Boudreault où il se fait passer pour «Majesté le Roi Regis Lucius I». Capture d'écran du site state-of-tayos.com

20$ pour un faux passeport de Tayos

Pour 100$, un «Tayen» peut obtenir tous ces papiers bidon: un permis de conduire, un passeport, des plaques d’immatriculation, des cartes d’immatriculation pour un véhicule et un certificat de citoyenneté. 

M. Boudreault propose sérieusement à ses adeptes de payer 20$ chaque document fictif leur permettant de vivre dans l’État imaginaire du Tayos.
M. Boudreault propose sérieusement à ses adeptes de payer 20$ chaque document fictif leur permettant de vivre dans l’État imaginaire du Tayos. Capture d'écran de documents de l'État souverain de Tayos

Les futurs citoyens doivent aussi partager plusieurs informations personnelles avec Jean-Denis Boudreault pour obtenir ces documents, soit leur adresse, leur date de naissance, une copie de leur signature et même leur Numéro d'Identification du Véhicule (NIV).

Plusieurs informations privées sont demandées aux futurs citoyens du Tayos pour pouvoir obtenir par exemple une carte d'immatriculation d'un véhicule.
Plusieurs informations privées sont demandées aux futurs citoyens du Tayos pour pouvoir obtenir par exemple une carte d'immatriculation d'un véhicule. Capture d'écran de documents de l'État souverain de Tayos

L’homme se vante d’ailleurs sur la plateforme Telegram, là où il partage les détails de son projet, d’avoir déjà convaincu des gens de s'y joindre.

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«Je ne compte plus en ce moment, mais on est bien au-dessus de 100, et ça continue...», écrit-il sur le réseau social. 

Jean-Denis Boudreault, alias le «Roi» Regis Lucius I, affirme dans ce message avoir reçu plus de 100 enveloppes de personnes inscrites pour devenir citoyens dans son pays fictif.
Jean-Denis Boudreault, alias le «Roi» Regis Lucius I, affirme dans ce message avoir reçu plus de 100 enveloppes de personnes inscrites pour devenir citoyens dans son pays fictif. Capture d'écran du compte «L'État souverain du Tayos» sur Telegram

La Sûreté du Québec (SQ) indique avoir pris connaissance de mouvements similaires à celui de l’État du Tayos dans la province. «De manière générale, on invite les gens à être vigilants et à vérifier la légitimité des groupes comme ceux-là avec qui ils font affaire», précise Ève Brochu-Joubert, porte-parole de la SQ.

Anciennement dans la cryptomonnaie

Selon nos vérifications, Jean-Denis Boudreault était auparavant à la tête d’une entreprise de monnaie virtuelle nommée «Neuralium Inc.» à Brossard. 

Profil de la compagnie de monnaie virtuelle Neuralium, désormais fermée, qui a appartenu à Jean-Denis Boudreault.
Profil de la compagnie de monnaie virtuelle Neuralium, désormais fermée, qui a appartenu à Jean-Denis Boudreault. Capture d'écran du site www.zoominfo.com

Le Journal a tenté de contacter le Québécois qui œuvrait auparavant dans la cryptomonnaie, mais celui-ci a prétexté ne pas travailler dans l’État souverain du Tayos. 

Les demandes «frivoles» du faux roi rejetées en cour     

Des juges ont rejeté à plusieurs reprises les demandes «frivoles» faites en cour par le Québécois qui tente de créer un faux pays pour amasser de l’argent en vendant des citoyennetés bidon en ligne.

Jean-Denis Boudreault, alias le roi autoproclamé de l’État du Tayos, a tenté de faire reconnaître à plusieurs reprises des jugements émis par un tribunal fictif qu’il a inventé dans son pays imaginaire. Il s’est même rendu en février 2023 devant la Cour du Québec pour invalider une décision rendue contre lui au civil. 

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Capture d'écran d'une vidéo dans laquelle Jean-Denis Boudreault critique les tribunaux canadiens.
Capture d'écran d'une vidéo dans laquelle Jean-Denis Boudreault critique les tribunaux canadiens. Capture d'écran d'une vidéo publiée sur compte YouTube «State of Tayos»

«Jean-Denis Boudreault qui se dit constituer sur le plan juridique un État souverain demande une procédure constituée d’un charabia incompréhensible et irrationnel», note d’abord le juge Gilles Lareau, dans son procès-verbal.

Sans mâcher ses mots, le tribunal a rapidement rejeté la demande du quadragénaire. 

«M. Boudreault souhaite donc invalider certains jugements de la Cour du Québec. À sa face même, la procédure du demandeur est sans aucun fondement et manifestement frivole», critique le juge. 

Sur le site web de l'État du Tayos, on explique que le pays possède ses propres tribunaux imaginaires...
Sur le site web de l'État du Tayos, on explique que le pays possède ses propres tribunaux imaginaires... Capture d'écran du site state-of-tayos.com

C’est assez, dit un autre

Selon les documents de la Cour, Jean-Denis Boudreault a tenté de faire invalider des décisions contre lui à au moins trois autres reprises grâce à l’État du Tayos.

En janvier dernier, devant la Cour du Québec à Laval, un juge a rappelé à l’ordre le Québécois qui s’est encore présenté tel un citoyen d’un État souverain. Il a une fois de plus tenté d’annuler des jugements de cour l’impliquant.

L’honorable Louis-Joseph Gouin a finalement mentionné «que cette saga a suffisamment duré».

«Tous les jugements déjà rendus sont finaux, et il n'y a pas lieu, pour quelque raison que ce soit, de procéder de nouveau à une nouvelle audition des demandes et prétentions de M. Boudreault», conclut-il. 

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