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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Faux soldats québécois: des citoyens souverains tentent d’arrêter une juge à Rimouski

Ce groupe, nommé la Garde nationale du Québec, s’est filmé en train de hurler et de perturber un procès

Portrait de Stéphane Dumais, qui a perturbé son procès en juin dernier avec l'aide de faux soldats de la Garde nationale du Québec, une organisation d'extrême droite.
Portrait de Stéphane Dumais, qui a perturbé son procès en juin dernier avec l'aide de faux soldats de la Garde nationale du Québec, une organisation d'extrême droite. Photo tirée du Facebook de Stéphane Dumais
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Photo portrait de Francis Pilon

Francis Pilon

2023-07-11T19:30:00Z
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Une quinzaine de citoyens souverains, qui font partie d’un groupe de faux soldats au Québec, se sont filmés le mois dernier en train de perturber un procès à Rimouski où ils ont demandé l’arrestation d’une juge de la Cour supérieure.  

• À lire aussi: Garde nationale du Québec: le chef des faux policiers déjà accusé au criminel

• À lire aussi: Garde nationale du Québec: méfiez-vous de ces faux policiers

«Personne ne vous a autorisée à parler, vous! On demande de couper le micro de la juge Marie-Paule Gagnon», hurlent les membres de la Garde nationale du Québec, dans une séquence d’environ six minutes diffusée la semaine dernière sur YouTube. 

Ces individus, qui se prennent pour des soldats, ont filmé le 19 juin dernier le procès chaotique de Stéphane Dumais à la Cour supérieure. M. Dumais, un ancien agronome de Saint-Fabien soutenu par la Garde nationale du Québec, s’est retrouvé devant les tribunaux puisque son entreprise n’a jamais remboursé le prêt de 100 000$ qu’elle doit à la Banque de développement du Canada.

«On vous demande d’arrêter madame la juge! Elle n’a pas d’autorité dans cette cour», crient les perturbateurs de la vidéo, bloqués par des constables spéciaux qui protègent les autres employés du tribunal. 

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Photo de Stéphane Dumais et d'une affiche de sa compagnie faisant la promotion de ses services d'agronome. C'est avec cette compagnie qu'il a emprunté 100 000$ à la Banque de développement du Canada. Cette dernière a décidé de le poursuivre puisque M. Dumais n'a jamais remboursé son prêt.
Photo de Stéphane Dumais et d'une affiche de sa compagnie faisant la promotion de ses services d'agronome. C'est avec cette compagnie qu'il a emprunté 100 000$ à la Banque de développement du Canada. Cette dernière a décidé de le poursuivre puisque M. Dumais n'a jamais remboursé son prêt. Photo tirée du Facebook de Stéphane Dumais

Vidéo pourtant interdite

Cette séquence, diffusée par un internaute nommé Patrick Tremblay, avait été vue plus de 10 000 fois au moment de publier ce texte. Le Journal ne peut partager ces images puisqu’il est strictement interdit de diffuser un enregistrement visuel ou sonore capté dans l’enceinte de la cour, sous peine d’outrage au tribunal.

«C’est moi qui ai filmé ça. [...] J’ai ordonné l’arrestation de la juge de la Cour supérieure. Un des plus beaux jours de ma vie», s’est vanté M. Tremblay, sur Facebook. 

Patrick Tremblay, qui a tourné la vidéo durant le procès de Stéphane Dumais, s'est vanté sur Facebook d'avoir demandé l'arrestation de la juge de la Cour supérieure.
Patrick Tremblay, qui a tourné la vidéo durant le procès de Stéphane Dumais, s'est vanté sur Facebook d'avoir demandé l'arrestation de la juge de la Cour supérieure. Capture d'écran de Facebook

Portrait de Patrick Tremblay, qui a filmé et diffusé la vidéo du procès sur YouTube.
Portrait de Patrick Tremblay, qui a filmé et diffusé la vidéo du procès sur YouTube. Photo tirée du Facebook de Patrick Marilou Tremblay

Toujours dans cette vidéo, on aperçoit d’abord Stéphane Dumais lire une feuille et tenir des propos plutôt confus. Pendant ce temps, la juge ordonne aux membres de la Garde nationale de garder leur calme et de s’asseoir. 

«Une quinzaine de personnes se sont ensuite levées et ont tourné le dos à la juge. Étant donné la désorganisation, la Cour a remis l’audience au 21 juin 2023. Ensuite, les personnes sont sorties de la salle. Il n’y a eu aucune arrestation», confirme Cathy Chenard, directrice des communications au ministère de la Justice. 

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Une «organisation criminelle»

L’honorable Marie-Paule Gagnon a finalement rendu son jugement pour le procès de Stéphane Dumais ce mois-ci. Notons que ce dernier et ses amis de la Garde nationale ne se sont jamais présentés à la seconde audience du 21 juin. 

La juge a rappelé, entre autres, que M. Dumais croit qu’il «n’est pas soumis aux règles de droit dont s’est dotée notre société» et qu’il «n’accepte pas la juridiction de la Cour supérieure qu’il estime être une organisation criminelle». 

Daniel Pagé, directeur de la Garde nationale du Québec, utilise aussi le faux nom de Daniel Gaumond. L’homme de 57 ans a déjà été accusé au criminel pour s’être faussement présenté comme un agent de la paix.
Daniel Pagé, directeur de la Garde nationale du Québec, utilise aussi le faux nom de Daniel Gaumond. L’homme de 57 ans a déjà été accusé au criminel pour s’être faussement présenté comme un agent de la paix. Photo tirée de la page Facebook touskitv

Elle note aussi que l’agronome de formation préfère «affirmer que Dieu est la loi et son droit», tout en ajoutant qu’il «est un citoyen souverain». 

Finalement, la Cour supérieure a condamné la semaine dernière Stéphane Dumais à rembourser à la Banque son prêt de 100 000$, qu’il avait obtenu pour son entreprise 9373-8367 Québec inc.

La Garde nationale du Québec, durant une manif à L'Assomption en octobre 2022.
La Garde nationale du Québec, durant une manif à L'Assomption en octobre 2022. Photo tirée de la page Facebook de Frédéric Déziel

 ► Le Journal a écrit sur la Garde nationale du Québec en novembre 2022. À l’époque, ce mouvement d’extrême droite avait l’intention de procéder à des arrestations citoyennes et de fermer des centres de vaccination de la province avec ses faux soldats ou faux policiers.

CE QU’ILS ONT DIT: 

  • «Non, ce n’est pas la juge qui décide si la cour est terminée. Elle n’a plus d’autorité!» –Les membres de la Garde nationale du Québec, durant le procès   
  • «Je demande à la famille de M. Dumais de vous asseoir, à défaut de quoi il s’agira d’un outrage au tribunal.» –La juge Marie-Paule Gagnon, pour calmer les faux soldats   
  • «Stéphane Dumais réfère à ce qu’il qualifie d’autorités ou à des institutions qui n’existent pas (Grand jury du Canada, la charte des gouvernements, la Cour mondiale de la La Haye, les décrets de la Reine du Canada) et rappelle que Dieu est la loi, que Dieu est son droit.» –Extrait du jugement    
  • «Dumais récite un long texte faisant notamment état de la loi divine. Les gens qui l’accompagnent s’expriment aussi sans retenue et avec un ton élevé ne permettant plus au Tribunal de se faire entendre, ils sont debout et empiètent sur l’espace de la salle d’audience réservé aux parties et aux témoins.» –Extrait du jugement   
  • «Le système monétaire n’est en fait qu’un système d’esclavage et les complices de ce système devraient être emprisonnés.» –Argument avancé par Stéphane Dumais    
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