Ce que j'ai appris en louant une auto électrique sur Turo pour faire Montréal-Sherbrooke en hiver


Camille Dauphinais-Pelletier
BILLET – Faire un trajet du genre Montréal-Sherbrooke en voiture électrique, est-ce que c’est possible en plein hiver, sans craindre que la batterie s’épuise en chemin? Est-ce plus économique qu’avec une voiture à essence? Comme c’est un itinéraire que je parcours souvent en bus ou en voiture, je me posais la question depuis un bout, et j’ai décidé de tenter l’expérience en louant un véhicule électrique sur la plateforme d’autopartage Turo. Voici comment ça s’est passé.
Le contexte
Faire 300 km de route en une soirée pour un souper avec des amis, je trouve ça intense. Pas tellement parce que c’est long, mais parce que je trouve que ça fait quand même beaucoup d’essence de brûlée pour un événement aussi court.
J’habite à Montréal, mais je viens de Sherbrooke, et je vais régulièrement voir ma famille ou mes amis, qui sont nombreux à y habiter. L’autobus est généralement mon premier choix, mais là, deux facteurs me poussaient à préférer louer une voiture:
- L’argent: on y allait à deux pour une seule journée, ce qui représente un total de 172,64$ de billets d’autobus. En comparaison, louer une voiture pour la même période pourrait facilement nous revenir quelque part entre 115$ et 150$ (tout dépendant de la plateforme et du modèle).
- L’horaire: le dernier autobus repart de Sherbrooke à 20h, donc impossible de revenir le soir, même si on veut bien profiter de la soirée.
Choisir une voiture tombait donc sous le sens, et en prenant un modèle électrique, l’impact environnemental de ce voyage devenait négligeable. J’ai donc décidé de tenter l’expérience.
J’ai consulté l’application Turo et j’ai été chanceuse: un utilisateur avec une cote de 5 étoiles louait sa Nissan Leaf 2023 (un modèle qui a 342 km d’autonomie, et Sherbrooke se trouve environ à 150 km de Montréal). Il habitait à seulement 7 minutes de marche de chez moi.
Le prix était très bon: la réservation me revenait à 115$ pour 24 heures, incluant les assurances et les taxes. Même en ajoutant quelques extras (dont l’option de ramener la voiture sans la recharger au préalable), ça revenait moins cher que le bus. J’ai aussi pu choisir les heures et j’ai pu faire le trajet porte à porte. Ce montant n’incluait pas les frais de recharge à faire pendant la location, mais je savais que c’est bien moins cher que de l’essence, donc, selon mes calculs, on resterait encore sous le prix de billets de bus.
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Étape 1: départ de Montréal
Au moment de notre départ, par un après-midi de janvier, on se retrouve face à une tempête. Qu’à cela ne tienne − les routes n’ont quand même pas l’air dangereuses, et notre objectif était justement de tester la capacité des voitures électriques dans le climat du Québec.
Le propriétaire de la voiture a presque 500 locations à son actif. C’est clairement un gars à son affaire: quand on arrive, il est en train de terminer de déneiger les alentours de l’auto, alors qu’une charrue vient d’ériger un barrage de neige devant.

Il prend le temps de nous expliquer de fond en comble comment fonctionne la voiture ainsi que les processus de recharge. Il y a plusieurs détails importants à savoir, et j’encourage tous ceux qui tentent l’expérience à se renseigner sur le processus de recharge AVANT de prendre la route. Les deux informations qu’il faut absolument avoir avant de partir pour un trajet de quelques heures:
- Sur quels types de bornes de recharge rapide peut-on brancher le modèle de voiture que l’on a? (Dans notre cas, les bornes de 50 kW et de 100 kW.)
- Où trouve-t-on de ces bornes sur la route qu’on s’apprête à prendre?
On a ces informations, donc on prend la route.
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Étape 2: le trajet Montréal-Sherbrooke
À notre départ, l’auto est chargée à 85%, comme le demande Turo dans ses conditions de location. Le propriétaire de la voiture pense qu’on est corrects pour se rendre à Sherbrooke, mais nous suggère d’être vigilants et de surveiller le niveau de la batterie, vu les conditions routières qui sont loin d’être idéales. L’hiver, avec le chauffage et les routes enneigées, l’autonomie de batterie (en kilomètres) n’a rien à voir avec ce qu’on peut obtenir dans des conditions parfaites.
On veut mettre toutes les chances de notre côté, donc, sur la route, on applique ses deux principaux conseils pour économiser la batterie:
- On ne roule pas trop vite, idéalement en bas de 100 km/h (oui, ça rallonge quand même pas mal le temps de trajet!).
- On met le chauffage au minimum (18 degrés), ce qui s’avère être très confortable.
Malgré ces précautions, le niveau de la batterie descend un peu vite à notre goût. Comme on ne connaît pas bien la voiture, on passe le trajet à faire des calculs mentaux, à surveiller la vitesse à laquelle on roule, et la proportion de pourcentage de batterie restant par rapport au nombre de kilomètres qu’il nous reste à parcourir.

À la hauteur de Magog (à 30-40 minutes de notre destination), la tempête commence à s’intensifier et il nous reste autour de 30% de batterie. C’est fort probablement assez pour se rendre, mais ce n’est pas une «avance» qui nous semble confortable. Si un accident nous ralentit, ça pourrait devenir stressant. On arrête donc – en plus ça nous permettra de tester les recharges rapides!
La carte du circuit électrique indique qu’il y en a plusieurs à proximité, dont à la halte routière principale sur le bord de l’autoroute. On sort donc là.
Première surprise en arrivant: plusieurs bornes sont brisées, et les autres sont déjà prises.

Une chose qu’il est important de souligner, c’est que tout le monde qu’on a rencontré aux bornes de recharge était extrêmement gentil. Les gens parlaient entre eux de leurs voitures électriques et semblaient enchantés d’aider les débutants que nous étions.
Parce que oui, on a eu besoin d’aide, pour comprendre comment «faire la file» aux bornes de recharge déjà occupées.
En gros, on se stationne à côté des bornes, et souvent, des gens sont dans leur voiture ou y reviennent rapidement, parce qu’ils ne la branchent qu’une quinzaine de minutes. C’est assez pour faire considérablement remonter la batterie de la voiture.

Pour payer aux bornes, on ne peut pas utiliser de carte bancaire ordinaire − ça prend soit une carte du Circuit électrique ou un compte sur l’application mobile du Circuit électrique. J’ai pris la peine de me faire un compte dans l’application et d’y transférer de l’argent avant de prendre la route. Mais à Magog, lors de mon passage, je n’arrive pas à avoir accès à internet sur mon téléphone, donc l’app ne fonctionne pas. Je suis très contente que le propriétaire de la voiture nous ait indiqué qu’il avait laissé sa propre carte de recharge du Circuit électrique dans le coffre à gants...
On a à peine le temps de manger un muffin que la batterie est rendue à 50%, et ça nous a coûté environ 4$. On reprend donc la route et on arrive à bon port avec un degré de charge que l’on trouve rassurant.
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Étape 3: recharger pendant le souper
Les gens chez qui on soupe ont aussi une voiture électrique, donc ils ont une borne de recharge que l’on peut utiliser. À la fin de la soirée, notre auto est donc à 100%. Sur une borne publique régulière (pas une borne rapide), ça nous aurait coûté autour de 6$.
Comme il neige encore et qu’on reste des néophytes de la voiture électrique, on décide finalement de rester dormir à Sherbrooke et de reprendre la route de bon matin − on a jusqu’à 10h pour ramener la voiture.
Étape 4: le trajet Sherbrooke-Montréal
On part le matin avec une voiture totalement chargée, donc on a bon espoir de se rendre d’un seul coup.
Mais encore une fois, 30-40 minutes avant notre arrivée, la batterie approche 30%, on a peur qu’un imprévu nous retarde et fasse en sorte qu’on manque de batterie. Pas le genre de chose qu’on souhaite, surtout pas dans le pont-tunnel! On arrête donc encore une fois charger pendant une quinzaine de minutes, cette fois-ci à Belœil, toujours pour environ 4$.
Quand on ramène la voiture au propriétaire et qu’on lui raconte le tout, il nous dit que, selon lui, on aurait pu se rendre à destination chaque fois sans trop de problèmes, même s’il comprend notre prudence. Il ajoute que dans le coin de Montréal, la batterie se décharge moins vite, vu que la vitesse de tout le monde est pas mal plus faible sur la route, donc on aurait pu aller dans le pont-tunnel sans crainte.
En conclusion
Voici ce qu’on retient de ce voyage en voiture électrique:
- Si on le refait l’hiver, on prévoira d’avance arrêter sur la route pour recharger, histoire d’avoir l’esprit en paix et de ne pas se demander ce qu’on va faire tout le long. En plus, il ne faisait que -2 degrés Celsius quand on a fait le trajet; pour une journée plus froide, ce serait encore plus important de recharger à mi-chemin. L’été, il n’y aurait pas de problème pour le faire d’une traite.
- Si on roule autour de 90-95 km/h pour épargner la batterie, il faut quand même prévoir que le trajet sera plus long que prévu et s’ajuster en conséquence.
- On a investi 21$ en électricité (8$ en recharges rapides + 7$ pour que le proprio recharge l’auto lui-même au retour + 6$ de recharge pendant le souper − nos amis ne nous les ont pas chargés, mais c’est ce que ç’aurait coûté sur une borne publique). En essence, ç’aurait plutôt coûté autour de 35$.
- Les bornes de recharge rapide étaient faciles à trouver, l’attente n’était pas longue, même quand elles étaient toutes prises. Il valait toutefois mieux avoir une carte du Circuit électrique fonctionnelle plutôt que l’application.
Bref, maintenant que notre trajet d’apprentissage est derrière nous, on aurait probablement une expérience encore meilleure que celle-ci, qui s’est somme toute bien passée. Comme l’utilisation d’une voiture électrique a un impact moins important sur l’environnement qu’une voiture à essence, je vais continuer d’opter pour ce type de véhicule lorsque je choisis d’en louer un, surtout quand il est question de faire plus que quelques kilomètres en ville.
Et qui sait, peut-être qu’un jour, notre réseau de bus sera si bien développé que la question de la location ne se posera même plus!
(À noter que la Leaf n'est pas la voiture électrique la plus recommandée pour faire des trajets longue distance comme celui que nous avons fait - certaines voitures ont plus d'autonomie. Ça peut valoir le coup de choisir un modèle avec plus d'autonomie s'il y en a un de disponible lors de la location, ou si on en considère l'achat et qu'on fait souvent des trajets de longue distance. Il reste que la Leaf est un modèle assez répandu, notamment en raison de son prix bien plus abordable que d'autres véhicules électriques.)