[OPINION] C'est la faute des wokes si on brûle des livres (et autres propos grinçants entendus au micro de Mathieu Bock-Côté)

Coralie LaPerrière
Normalement, je ne m’impose pas l’écoute de propos qui me font grincer des dents. Mais j’étais de joyeuse humeur alors j’ai décidé d’écouter un segment de 12 minutes du balado de Mathieu Bock-Côté intitulé Livres jeunesse et diversité: De l’endoctrinement caché en bonne pensée?, sur QUB radio. Le titre de l’extrait, déjà, est accrocheur... et il n’y a aucun risque de dérive à l’horizon!
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Dans ce passage, Mathieu Bock-Côté reçoit David Santarossa, l’auteur du livre La Pensée Woke. Les deux discutent d’une controverse entourant de Tout nu!, le livre de la sexologue québécoise Myriam Daguzan Bernier dont un exemplaire de la version anglaise, Naked!, a été brûlé au lance-flamme par une candidate républicaine au poste de secrétaire d’État.
Cette nouvelle en avait surpris plus d’un, dont moi, qui ignorais complètement qu’il était possible de posséder un lance-flamme.
Les deux essayistes condamnent le fait de brûler des livres (FIOU!), mais imputent la faute à la gauche. David Santarossa affirme: «À l’heure actuelle, on a cherché à tout politiser. (...) C’est ce que la gauche a voulu faire depuis 60 ans. Donc on a voulu politiser la vie privée, politiser chacune des lignes d’un livre. Et bien j’ai l’impression qu’il y a une certaine droite, une droite trumpienne qui se dit: "Ben d’accord, vous voulez tout politiser? Parfait, on va tout politiser de notre côté. Et on va se mettre à brûler des livres qui parlent de diversité sexuelle".»
C’est donc de la faute à la gauche si la droite brûle des livres, eh ben...
Santarossa poursuit en affirmant que «brûler des livres, ce n’est jamais la solution», mais que «la réflexion ne doit pas s’arrêter là pour autant». «Et j’ai envie de dire, que c’est pas une bonne idée de politiser la lecture à la bibliothèque, surtout pour les enfants», ajoute-t-il.
Il faut préciser que le livre dont il est question ici est un dictionnaire sur la sexualité, qui s’adresse aux jeunes et qui explique des concepts comme l’avortement, les ITSS, la masturbation, la grossophobie ou encore le marketing genré.
Donc, pour Santarossa, l’éducation sexuelle, c’est politique. Mathieu Bock-Côté dit même que c’est de «l’endoctrinement» et de la «rééducation». Mais l’éducation sexuelle, c’est d’abord et avant tout : de l’éducation. Une éducation à la sexualité a d’ailleurs de nombreuses répercussions positives sur la santé: les jeunes amorcent plus tardivement leur activité sexuelle et lorsqu’ils sont actifs, ils se protègent davantage. Les risques de violence sexuelle sont aussi réduits.
Le statu quo est tout autant politique
Je comprends que certaines personnes s’inquiètent de ce qui pourrait se retrouver dans la bibliothèque de leurs enfants. J’ai moi-même une anxiété à l’idée que La Pensée Woke pourrait un jour être publiée sous une version illustrée pour les bambins. Mais c’est d’une hypocrisie complètement absurde de penser que la diversité est politique et que le statu quo, lui, ne l’est pas.
Un homme et une femme s’embrassent dans un livre? C’est une histoire d’amour ! Deux hommes s’embrassent dans un livre? C’est un geste d’endoctrinement politique! Un livre contient des personnages exclusivement à la peau blanche? C’est une histoire normale. Un livre raconte les péripéties de personnes avec différentes couleurs de peau? C’est un acte politique pour que les personnes blanches se sentent coupables d’être blanches !
La CAQ ne serait pas un parti de droite...
Le délicieux moment balado-phonique se termine avec cette conclusion de David Santarossa (ne me demandez pas comment il s’est rendu là, je l’ignore aussi): «Le péril au Québec est véritablement du côté de la gauche woke universitaire. (...) La droite est grosso modo inexistante au Québec. La CAQ, on est loin d’un parti de droite, à mon sens.»
Effectivement, la CAQ est loin d’être un parti de droite. Prioriser l’économie avant l’environnement, interdire les toilettes mixtes dans les écoles primaires et secondaires et nier l’existence du racisme systémique, c’est très in chez la gauche. Il paraît même qu’il n’est pas rare de croiser François Legault avec un cortado au lait d’avoine à l’Assemblée Nationale.
J’avoue que l’humoriste que je suis est amusée par ce genre de propos. Ceci dit, la citoyenne, elle, a peur de la montée de ce discours anti-woke et complètement vide de sens qui prend de plus en plus d’espace dans notre société.
Humoriste diplômée de l'École nationale de l'humour, Coralie LaPerrière se définit comme «éco-féministe-libertaire-chialeuse-oiseau de nuit». On a pu la voir aux émissions Le prochain stand-up et Roast Battle. Elle coanime le podcast féministe Farouches et a cocréé la page Instagram «Pas de fille sur le pacing» qui dénonce le boy's club en humour. Pour 24 heures, Coralie LaPerrière écrit sur les inégalités sociales, le féminisme et la crise climatique dans le but de provoquer les débats. Ton oncle Mario ne l'aimera pas et c'est parfait comme ça.