Northvolt: «Même si notre investissement est à zéro, au moins le cash de la Caisse est au Québec», se console Charles Emond
Le grand patron de la Caisse de dépôt répond aux questions du Journal


Sylvain Larocque
Achat d’Innergex, déboires de Northvolt, scandale en Inde, protection des sièges sociaux... Le PDG de la Caisse de dépôt, Charles Emond, a répondu aux questions du Journal.
• À lire aussi: Contre-performance de la Caisse de dépôt avec un rendement de 9,4% en 2024
• À lire aussi: REM : pas question de virer le patron de CDPQ Infra
• À lire aussi: Caisse de dépôt: résultats catastrophiques en immobilier
Q: Est-ce que le gouvernement vous a gentiment demandé d’acheter Innergex pour enlever une épine du pied d’Hydro-Québec (actionnaire à 20% de l’entreprise)?
R: Il n’y a eu aucun coup de fil, aucune instruction du gouvernement. Innergex, c’est un actif stratégique dans un secteur stratégique: l’énergie renouvelable. On trouvait que le moment était opportun de s’assurer que cette entreprise de qualité ait les moyens de ses ambitions. Ça cadre parfaitement dans notre portefeuille d’infrastructures et ça coche plusieurs cases dans notre mandat de développement économique. C’est une situation qu’on suivait depuis deux ans facilement.

Q: Vous avez ramené à zéro la valeur du prêt de 200 M$ que la Caisse a accordé au fabricant de batteries Northvolt en 2023. Vous mordez-vous les doigts?
R: Oui, ç’a été rapide comme implosion. Mais pour nous, dès le départ, c’était du capital de risque — la partie la plus risquée de notre portefeuille, soit moins de 1% de la Caisse. On l’a aussi fait parce qu’il y avait un projet important au Québec dans un secteur où il y avait des vents de dos. En plus, des gros joueurs comme BlackRock et des fonds de pension canadiens avaient déjà investi dans Northvolt. On s’est assurés que notre argent serait pour le projet au Québec. Même si notre investissement est à zéro, au moins le cash de la Caisse est au Québec. Est-ce que le projet est mort au Québec? Ça reste à voir, ça sera complexe. Mais on se devait d’essayer.

Q: Que faites-vous pour protéger les sièges sociaux québécois alors qu’Héroux-Devtek a été récemment vendu à des Américains?
R: On vient d’acheter Innergex et d’intervenir auprès de TFI International [qui voulait se redomicilier aux États-Unis]. Le plus gros problème qu’on peut avoir, c’est si l’économie canadienne demeure non compétitive et que le dollar canadien continue de s’affaiblir. Les entreprises québécoises ne coûtent pas cher pour les Américains et ça, ça nécessite une vigie importante. On sait ce qu’on a à faire pour chacun de nos sièges sociaux. Qui peut les acheter? Comment peut-on les protéger? Il y a une équipe qui ne fait que ça. Est-ce qu’on empêche les approches d’acquéreurs étrangers? Jamais. On ne veut pas être une économie fermée, mais dans 95% des cas, la Caisse va rester un actionnaire important même s’il y a un [acquéreur] étranger. On ne peut pas acheter toutes les entreprises québécoises.

Q: Est-ce que la Caisse aurait dû avoir un haut placé québécois en Inde pour minimiser les risques d’un scandale de corruption comme celui d’Azure Power?
R: On avait des gens sur place, mais ce n’est pas écrit dans la face de quelqu’un quand un jour, il décide de lui-même, en dehors des heures de la Caisse, d’aller rencontrer quelqu’un et de faire de la collusion. C’étaient des gens qui étaient à la Caisse depuis des années. On prend la situation très au sérieux. Mais il ne faut pas penser que s’il n’y a pas un Québécois quelque part dans le monde, c’est le Far West. [Les employés de la Caisse à l’étranger] relèvent du siège social. Il y a des contrôles et des mesures de gouvernance en place.
Le contenu de l'entrevue a été remanié et condensé à des fins de concision.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.