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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Mike Ward a raison!

Photo Cédric Bélanger Cedric Belanger
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Photo portrait de Sophie Durocher

Sophie Durocher

2025-06-10T21:00:00Z
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Mike Ward est inquiet. Et il a raison. Un humoriste brésilien vient d’être condamné à huit ans de prison pour des blagues qu’il a racontées devant une foule d’environ 4000 personnes.

L’humoriste a fait des blagues ciblant les personnes âgées, les Brésiliens noirs et autochtones, les personnes atteintes du VIH, la communauté LGBTQ+, les chrétiens évangéliques, les juifs, les personnes handicapées — et a même fait référence à la pédophilie dans son numéro.

• À lire aussi: Mike Ward se porte à la défense d’un humoriste brésilien qui vient d’être condamné à huit ans de prison pour des blagues: «Personne ne devrait aller en prison pour avoir offensé quelqu’un»

• À lire aussi: Quand l'humour dérape: quatre humoristes qui ont déjà été rattrapés par la justice pour leurs propos sur scène

C’est terrifiant de penser qu’on met derrière les barreaux quelqu’un qui a dit des choses qui dérangent.

Moi aussi je suis inquiète et pour d’autres raisons. Parce qu’il n’y a pas que la prison qui guette « les gens offensants ». Il y a toutes sortes de façons de les faire taire.

Les gens qui dérangent

Voici ce que Mike Ward a écrit sur Facebook quand il a appris que l’humoriste brésilien Léo Lins venait d’être condamné à huit ans et trois mois de prison.

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«L’humour c’est bordélique. C’est chaotique.

C’est censé provoquer. C’est censé déranger.

Et parfois, oui, ça dépasse les bornes.

Mais si l’humour est obligé d’être propre, sage, formaté et approuvé par le gouvernement ou les tribunaux... alors ce n’est plus de l’humour.»

Mike Ward a mis le doigt sur le bobo. En effet, moi non plus je ne veux pas d’une société lisse, lisse, lisse où rien ne dépasse et où tout le monde pense pareil et tient des propos «bienveillants».

D’ailleurs, «bienveillant», c’est le titre du prochain spectacle de Guy Nantel, qui me l’a annoncé en primeur à mon émission à QUB radio.

• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Sophie Durocher, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Guy Nantel est la preuve qu’on peut mettre un humoriste à l’index sans le mettre derrière les barreaux.

Nantel s’est fait accuser par un journaliste du Devoir de tenir «un discours tristement raciste, homophobe, transphobe, sexiste, classiste et âgiste». Ça, au 21e siècle, c’est comme une condamnation de la part de l’Inquisition. Des féministes reprochent encore à Guy Nantel d’avoir fait une blague sur une présumée victime de viol... qu’il n’a jamais nommée dans son spectacle!

Il y a toutes sortes de façon de réduire au silence les «gens offensants» sans les envoyer dans une cellule. Tu peux ne jamais les inviter à la télé ou à la radio. Tu peux leur faire une sale réputation. Tu peux essayer de faire taire JK Rowling en la traitant de transphobe. Tu peux ridiculiser les gens qui affirment qu’il n’y a que deux sexes, féminin et masculin. Tu peux les montrer du doigt alors que ce sont eux qui sont les victimes.

En octobre dernier, j’ai sorti aux éditions du Journal «Où sont les femmes?», un essai qui dérange sur le féminisme. Certains médias l’ont complètement ignoré. Le Salon du livre de Montréal et celui de Québec ne m’ont invitée à aucune table ronde. Pourquoi? Parce que je dérange. Parce que je suis considérée par certains comme «offensante».

Culture de l’annulation

Chaque jour, quand vous ouvrez votre télé, votre radio, votre journal, votre compte de médias sociaux, vous êtes exposés à des artistes, des penseurs ou des militants, mais il y a aussi des artistes, des penseurs ou des militants que vous ne voyez, n’entendez et ne lisez nulle part.

Ils sont dans des prisons sans barreaux.

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