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L'article provient de Bureau d'enquête

Neuf migrants interceptés dans le coffre d’un Honda CR-V

Deux hommes sont accusés de les avoir aidés à traverser la frontière entre le Québec et les États-Unis

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Photo portrait de Nora T. Lamontagne

Nora T. Lamontagne

2023-08-14T04:00:00Z
2023-08-14T14:10:52Z
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Deux hommes sont accusés d’avoir agi comme passeurs pour des migrants qui ont traversé clandestinement du Québec aux États-Unis, avant d’être retrouvés entassés à neuf dans le coffre d’un petit Honda CR-V.

Juan Miguel Vargas Perez, 40 ans, et Dorian Edouardo Ruiz Perez, 30 ans, auraient facilité la traversée de ces étrangers dans un coin reculé de l’Estrie qui borde la frontière, près d’East Hereford.

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Empilés les uns sur les autres dans le coffre du CR-V, les passagers pouvaient à peine bouger quand ils ont été interceptés par les autorités américaines.

Le véhicule conçu pour cinq personnes était tellement surchargé qu’il penchait d’un côté.

Les deux suspects ont comparu en juin au palais de justice de Sherbrooke, où ils sont accusés d’avoir comploté pour commettre une infraction en sol américain qui serait aussi condamnable au Canada, soit d’aider des personnes à entrer au pays de façon irrégulière.

Les neuf migrants retrouvés au Vermont dans le coffre d'un Honda CRV étaient à l'étroit, comme le montre cette photo déposée en preuve par les autorités américaines.
Les neuf migrants retrouvés au Vermont dans le coffre d'un Honda CRV étaient à l'étroit, comme le montre cette photo déposée en preuve par les autorités américaines. Photo fournie par United States Attorney's Office

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De rares accusations

Les accusations contre des passeurs sont rarissimes au Québec. Au cours des cinq dernières années, à peine 10 dossiers ont été soumis aux tribunaux par la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Or, les étrangers sont de plus en plus nombreux à passer la frontière canado-américaine en catimini. 

Depuis le début de l’année, les patrouilleurs américains en ont pincé plus de 3000 en provenance du Québec et d’un petit secteur de l’Ontario.

  • Écoutez la rencontre de Marie Montpetit avec Annabelle Blais, journaliste au Bureau d’enquête de Québecor via QUB radio : 

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Des informations révélées dans le cadre de l’enquête caution des présumés passeurs permettent de lever le voile sur le commerce aussi lucratif qu’opaque qui entoure ces traversées.

Le 13 juin en fin de soirée, Vargas Perez et Ruiz Perez ont été arrêtés par des agents de la GRC à bord d’un Dodge Caravan dans le secteur d’East Hereford.

La route menant au poste frontalier d'East Hereford, en Estrie, est très peu fréquentée.
La route menant au poste frontalier d'East Hereford, en Estrie, est très peu fréquentée. Collaboration spéciale Léandre Roy

Les pieds mouillés

Le conducteur avait sur lui 5300 $ US en espèces, soit plus de 7100 $ CAD. 

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Le passager, lui, avait les souliers et le bas des pantalons détrempés. Ce détail est crucial, car les autorités avancent qu’il aurait traversé à gué avec les migrants la rivière Hall, un cours d’eau peu profond qui sépare les deux pays. 

Elles s’appuient entre autres sur l’enregistrement d’une caméra de surveillance plantée dans un champ où on aperçoit un groupe se diriger vers la frontière.

Les migrants auraient traversé à gué la rivière Hall, qui serpente entre le Québec et les États-Unis.
Les migrants auraient traversé à gué la rivière Hall, qui serpente entre le Québec et les États-Unis. Collaboration spéciale Léandre Roy

« On voit que [le guide] regarde dans plusieurs directions avant de continuer son chemin », a précisé à l’audience Darcy Feagan, procureure stagiaire pour la cour fédérale.

Avisés de leur présence, les agents ont alerté leurs collègues américains et ont procédé à l’interception de la Dodge Caravan de ce côté-ci des lignes.

Les neuf migrants — huit Mexicains et un Guatémaltèque — et leur conducteur ont été arrêtés à bord d’un petit VUS par les Border Patrols (agents frontaliers) près de Beecher Falls, au Vermont.

Une caméra de la GRC surveille les faits et gestes de ceux qui s'approchent de la frontière dans ce coin reculé.
Une caméra de la GRC surveille les faits et gestes de ceux qui s'approchent de la frontière dans ce coin reculé. Collaboration spéciale Léandre Roy

De retour en liberté

Au terme de l’enquête sous caution, Juan Miguel Vargas Perez et Dorian Edouardo Ruiz Perez, deux demandeurs d’asile d’origine mexicaine, ont pu retrouver la liberté en attendant la suite des procédures.

Leurs conditions de libération leur interdisent entre autres de se trouver à moins de 20 kilomètres de la frontière, de quitter le Canada, et les obligent à respecter un couvre-feu.

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– Avec Ian Gemme et Nicolas Brasseur

Des demandeurs d’asile présumés passeurs

Juan Miguel Vargas Perez et Dorian Edouardo Ruiz Perez, accusés dans cette affaire, sont arrivés au Canada en tant que demandeurs d’asile, a-t-on appris lors de l’enquête sous caution, au palais de justice de Sherbrooke.

Dorian Edouardo Ruiz Perez est arrivé au Canada au printemps 2023 et a immédiatement demandé l'asile.
Dorian Edouardo Ruiz Perez est arrivé au Canada au printemps 2023 et a immédiatement demandé l'asile. Facebook

Le premier a travaillé dans le paysagement et le déneigement depuis son arrivée au printemps 2022, tandis que l’autre est au chômage et habite chez le cousin de sa mère, à Saint-Hyacinthe, depuis février dernier.

Tous deux ont affirmé vouloir faire venir leur femme et leurs enfants au Canada.

Un selfie gênant

Les enquêteurs américains ont mis la main sur l’égoportrait d’un migrant lors de la fouille de son cellulaire, a raconté l’enquêteur de la GRC Jason Orr.

Sur la photo compromettante, la personne est dans un coffre d’auto et une note en espagnol a été rajoutée. « Je suis avec le passeur », peut-on lire.

Un câble de démarrage jaune est aussi visible en arrière-plan, similaire à celui retrouvé dans la fourgonnette des deux suspects en sol canadien.

  • Écoutez l'entrevue avec Stéphane Handfield, avocat en droit de l’immigration à l’émission d’Alexandre Dubé via QUB radio :

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Canada-New Hampshire express

La majorité des migrants interceptés par les Américains sont arrivés à l’aéroport de Montréal ou de Toronto dans les jours précédant leur traversée, a témoigné l’enquêteur Orr à l’enquête sur remise en liberté.

Il avait été convenu qu’ils paieraient entre 3000 $ CAD et 5000 $ US (soit 6710 $ CAD) après la traversée, selon l’affidavit d’un patrouilleur américain.

L’un d’entre eux avait entendu parler de l’offre d’un passeur sur un groupe Facebook, tandis que l’autre avait utilisé la messagerie WhatsApp.

Plusieurs migrants d'origine mexicaine arrêtés par les Américains étaient arrivés quelques jours plus tôt à l'aéroport Montréal-Trudeau.
Plusieurs migrants d'origine mexicaine arrêtés par les Américains étaient arrivés quelques jours plus tôt à l'aéroport Montréal-Trudeau. JOEL LEMAY/AGENCE QMI

Pas facile de déposer des accusations

Si les accusations contre les passeurs sont aussi rares au Canada, c’est entre autres parce que ce sont des infractions difficiles à prouver en vertu de la loi actuelle, explique le sergent Charles Poirier, porte-parole de la GRC.

L’une des seules infractions qui peuvent s’appliquer à des gens qui facilitent l’entrée illégale vers les États-Unis est celle de complot, avec les preuves concrètes que cela suppose.

  • Écoutez l’analyse de David Santarossa diffusé chaque jour en direct 7h22 sur QUB radio :

Et bien que la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés compte un article sur l’organisation d’entrées illégales au Canada, les enjeux liés au statut d’immigration des suspects compliquent souvent la donne, ajoute le sergent Poirier.

Plusieurs dossiers sont néanmoins en cours d’enquête au Québec. 

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