Marilyn Castonguay a déjà rêvé d’un autre métier
«Bête noire» est présentée à Séries Plus les mercredis, à 21 h.
Michèle Lemieux
À 40 ans, Marilyn Castonguay se sent plus que jamais en pleine possession de ses moyens. Actrice accomplie, celle qui cumule déjà 15 ans de métier se sent sur son X et poursuit sa carrière en restant fidèle à ses valeurs, consciente de l’immense privilège qu’elle a de pouvoir s’exprimer à la télé, au cinéma et au théâtre.
• À lire aussi: «Emprises»: visite de plateau de cette nouvelle série fort intrigante
• À lire aussi: Comment Patrick Goyette entrevoit-il la soixantaine?
Marilyn, qui est Joanie, que tu campes dans la troisième saison de Bête noire?
Je me plais à dire que c'est une espèce de femme enfant. Propriétaire d’un camp de vacances, c’est une femme d'affaires, mais elle garde un pied dans l'enfance avec les jeunes, et n’hésite pas à s’habiller en maïs pour les faire rire. Quand elle apprend que son fils a disparu, elle essaie malgré tout de sauvegarder la réputation du camp. Le défi d’incarner ce personnage, c’était ses sautes d’humeur. Une mère qui perd son enfant, je pense que c'est la pire affaire au monde, mais elle reste quand même la propriétaire du camp. Tantôt, elle est la propriétaire rationnelle et cartésienne, tantôt elle est la maman en perte de contrôle. C'était mon premier projet avec Mariloup (Wolfe, qui réalise la série). Elle m’a impressionnée par sa rigueur et son calme.
Aimerais-tu éventuellement passer derrière la caméra, toi aussi?
C'est une grande question, parce que je pensais que non. C'est vraiment le jeu qui me fascine, qui m'intéresse. J’aime fouiller l'âme humaine. Mais plus j'avance dans le métier et plus je regarde la technique de manière différente. J’aime la production, savoir ce qui se passe, ce dont on a besoin. J'aime aussi prendre soin des gens. Quand je lis des scénarios, au lieu de voir les scènes en émotions, je vois apparaître des images. Peut-être que je serai prête à me compromettre éventuellement. Nous verrons.
Tu viens d’avoir 40 ans. C’est une étape où l'on se définit autrement et où l'on ouvre des portes qu’on n’avait jamais imaginé ouvrir avant...
C’est une étape où l'on a assurément plus confiance en soi. Pour moi, c'est ça qui ressort le plus. Le 39 a été plus difficile que le 40. À 39 ans, on dirait que j'étais dans l'appréhension. Quand le 40 est arrivé, j'ai tellement vécu un beau moment! J’ai fêté avec mes amis. Je suis à une bonne place, et la confiance est plus présente que jamais.
Pour bien des femmes, la confiance arrive sur le tard...
Effectivement. En tant que femme, il faut être reconnaissante, ne pas trop déranger, ne pas trop en demander... À 40 ans, on ne laisse plus les gens nous «barouetter». Pour toutes ces raisons, je trouve que cet âge m'amène une espèce de confiance, même s’il y a encore de la marge... (sourire) Je connais plus le milieu. Je commence à savoir où je me situe. J’ai moins peur de refuser certaines choses. Je me sens plus libre et je me respecte plus qu'avant, aussi, tout en respectant les autres. En fait, je suis contente d’avoir 40 ans. Mais ça vient quand même avec une anxiété: celle de vieillir.
Ton métier, qui en est un d’image, accentue-t-il cette angoisse?
Oui, et jusqu’à récemment, on disait beaucoup qu’à 40 ans, les actrices étaient vieillissantes. Quand je me regarde, je me dis que je vieillis. Et après? Je représente la vie. À 40 ans, on a l'air de ça, et ce n’est pas si pire... Pourquoi on ne mettrait pas en lumière ces belles femmes qui ont confiance en elles? On est bien dans notre corps, on est bien dans notre tête, on se défait de plein de petites bibittes qu'on avait à 20 ans, 30 ans... Quand j’ai débuté ma carrière, je demandais leur âge à des actrices, et elles me disaient qu’elles ne le dévoilaient pas. Elles avaient peur de ne plus travailler. C'est terrible... Pourtant, c’est en vieillissant qu’on est à notre meilleur dans notre métier. Je ne joue pas à 40 ans comme je jouais à 20 ans. Je suis bien plus libre, plus ouverte à l'abandon.
Marilyn, tu comptes déjà 15 ans de carrière.
Oui, ça fait juste 15 ans... (sourire) Je me sens encore toute petite. J'ai encore un regard admiratif sur ce que je fais, et je me dis: «Quand je vais être grande, je vais être comme telle actrice.» Le plus beau dans une carrière, c'est d’y aller projet par projet, de suivre son instinct.
Avais-tu rêvé d'une carrière semblable à celle que tu as?
C’est mieux que ce que j’aurais pu imaginer! Vraiment. Je me trouve privilégiée, bénie des dieux. Je n'ai jamais arrêté de travailler. On m'a toujours donné une petite place quelque part. Puis quand je ne suis pas en avant, je suis en arrière, et ça me convient. Parfois, c’est bon de ne pas être le chef, mais d’être en arrière-plan, d'être celle qui soutient les autres. J'ai toujours eu une place à la télé, au théâtre et au cinéma, mais moi, je suis une fille de théâtre.
À la base, est-ce le métier dont tu rêvais?
J’ai fait l'École nationale de théâtre parce que j'aimais la scène. Mais avant, je voulais danser parce que j'aimais la performance. J'ai étudié en danse quand j'habitais à Drummondville. Je suis déménagée à Montréal pour m'établir dans ce domaine, qui a pris une grande place dans ma vie. C’est formidable tout ce qu'on peut faire avec son corps. On n'a pas besoin de parler. J'aimais aussi le jeu, évidemment, mais comme j’étais jeune et que j’avais les capacités nécessaires, je voulais essayer la danse. Après, j’ai été prise à l'École nationale.

Es-tu restée active physiquement?
Je ne danse plus. C’est comme si le fait de ne pas réussir ce rêve-là m’avait obligée à faire un gros deuil. Pour moi, c'est tout ou rien. Ça me faisait trop de peine de voir que je n’avais plus les mêmes capacités. À 18 ou 20 ans, quand j'avais 20 $ en poche, je me payais une classe de danse. Ça générait vraiment chez moi un bien-être et une façon de m'exprimer que j'adorais. J’ai voulu faire ça, mais je suis très heureuse dans ma vie, aujourd'hui. La danse me servira toujours parce que sur scène, j'ai une façon différente de voir le corps dans l'espace. On dirait que maintenant, je serais prête à retourner faire des classes de danse. J'ai une admiration sans bornes pour les gens qui se dépassent. En fait, le talent m'émeut.
Qu’est-ce qui te rend le plus fière dans tes 15 ans de carrière?
D’avoir été fidèle à moi-même et à mes valeurs. Je sais qu'on n'est pas toujours capables parce qu’on a des responsabilités, mais d'avoir fait mon chemin en respectant mes valeurs, c’est ce qui me rend le plus fière. J’aime les gens. Dans chaque projet, j'essaie de travailler en équipe, d'être respectueuse des gens et de mon métier. Être actrice, c’est l’un des plus grands privilèges de ma vie.
As-tu d’autres engagements?
Oui, j’ai tourné une autre belle série, Emprises, que nous avons présentée à Lille, en France. Je viens de terminer mon mandat de porte-parole du festival REGARD (le Festival international du court métrage au Saguenay) et je tournerai un autre Conte pour tous en avril. Je retournerai aussi au théâtre en 2026. Je suis également porte-parole pour la marche de la sclérose en plaques depuis trois ans. La prochaine se tiendra en mai. La sclérose en plaques, c'est une maladie qui m'a toujours fait peur...
Y a-t-il quelqu'un près de toi qui en souffre?
Non, mais je suis de Charlevoix et c’est une maladie qu’on voit beaucoup dans cette région. J’ai été entourée de plusieurs personnes qui ont eu la sclérose en plaques. Jeune, j’ai été marquée par une dame, à L'Île-aux-Coudres, qui souffrait de cette maladie, et une amie à moi a reçu ce diagnostic à 40 ans. C'est horrible! Cette maladie a été tellement omniprésente dans ma vie... Alors, pour ceux qui le veulent, on peut marcher pour la cause le 25 mai, partout à travers le Canada. De mon côté, je serai à la marche de Montréal le 25 mai.