Mani Soleymanlou explique pourquoi lui et Sophie Cadieux ne travaillent pas ensemble
«Corbeaux» est disponible sur illico+
Marjolaine Simard
Mani Soleymanlou est né en Iran avant que sa famille n'émigre à Paris, puis à Toronto. Son parcours l'a finalement conduit à Montréal, où il a étudié à l’École nationale de théâtre, dont il a obtenu son diplôme en 2008. Passionné de théâtre, il se distingue aujourd'hui à l'écran, notamment dans des séries comme In Memoriam, Avant le Crash, et dans la nouvelle série Corbeaux, disponible sur illico+. Il y incarne le chef de police Karim Benali. Il partage avec nous son parcours fascinant ainsi que l'importance de la famille dans son cheminement.
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Mani, parle-nous de ton personnage dans le nouveau suspense policier Corbeaux.
Karim Benali est le chef des enquêteurs à la SQ. C’est un homme de conviction fatigué et un peu bourru. Son objectif est de résoudre les problèmes sans perdre la face aux yeux du public et des autorités. Il décide de jumeler deux enquêtrices qui n’ont jamais travaillé ensemble. Clémence (Pascale Bussières) envisage la retraite, c’est pourquoi il décide de la jumeler à la nouvelle venue Gabrielle (Mylène MacKay), une jeune enquêtrice redoutable venue de la Côte-Nord. Il est loin de se douter que l’affaire — d’emblée assez simple — sur laquelle il les jumèle mettra en lumière quelque chose de plus complexe, sordide et sombre.
Les tournages de la troisième saison d’Avant le Crash ont-ils commencé?
On commence à tourner ce printemps. On a tous très hâte de se retrouver. On a hâte de voir où nos personnages s'en vont. Patrick est un personnage auquel les téléspectateurs peuvent facilement s’identifier, car il apporte une touche plus humaine au milieu de cette bande de requins. C’est un père de famille qui met en lumière une pression sociale bien réelle. Beaucoup de pères m’ont écrit pour me partager cette dualité qu’ils vivent au quotidien, entre leurs aspirations et leur rôle de parent.
As-tu toujours ta compagnie de théâtre, l’Orange Noyée?
Oui! En ce moment, je travaille sur une nouvelle création au TNM, Classique(s), qui sera présentée à la mi-mars. C’est un projet que j’écris avec Fanny Britt. Nous avons une distribution exceptionnelle, qui inclut Julie Le Breton, Benoit McGinnis, Jean-Moïse Martin, Martin Drainville, Madelaine Sarr, Louise Cardinal, Kathleen Fortin et moi-même. C’est un projet qui occupe tout mon quotidien en dehors des tournages.
D’où vient le nom de la compagnie, l'Orange Noyée?
Je suis d'origine iranienne, et chaque année, pendant le Nouvel An iranien, qui coïncide avec le premier jour du printemps, nous célébrons le Norouz. Nous préparons une table sur laquelle nous disposons sept éléments qui détiennent chacun une symbolique. Il y a aussi un bol d’eau avec une orange, qui représente la terre qui flotte dans l'univers. Lorsque j'ai créé mon premier spectacle en 2009, je cherchais un nom pour ma compagnie. C'était le 21 mars, jour de célébration du Norouz, et nous étions chez des amis. Je leur expliquais cette fête, quand soudain, l’image de l’orange, de la terre qui flotte dans l’eau, m’a frappé. Cette image m’a semblé un moyen puissant de mettre en scène notre époque. Le Norouz, j’essaie de le marquer chaque année. Je m’amuse à préparer un repas iranien avec des amis. J'essaie de maintenir cette tradition pour mon fils Oscar. Ma blonde, la comédienne Sophie Cadieux, adore ça elle aussi!
Tu as quitté Téhéran avec ta famille lorsque tu étais encore enfant.
Exactement! On est d’abord allés vivre à Paris, puis à Toronto.
Qu'est-ce qui t'a amené à Montréal?
Au secondaire à Toronto, alors que je jouais au basketball, un professeur de théâtre est venu me voir et m’a demandé : «Veux-tu faire partie de la troupe de théâtre?». J’ai essayé et j’ai vite compris que j’adorais ça. Ce même professeur m’a ensuite donné un dépliant de l’École nationale de théâtre de Montréal. C’est lui qui m’a ouvert les yeux sur ce métier. Je pense qu’il a vu un potentiel en moi. Je suis sorti de l'École nationale en 2008.
Gardes-tu des souvenirs de l'Iran?
Même si je suis parti lorsque j'étais enfant, je garde des souvenirs de l’Iran, où j'ai passé toutes mes vacances scolaires jusqu’à l'âge de 15 ans. J’en ai beaucoup parlé dans mes spectacles. Je me demande parfois à quel point je les ai romancées, mais il est certain que des images de l’Iran me traversent encore très souvent l’esprit.
Dans ton spectacle Zéro, présenté en 2019, tu nous plongeais d’ailleurs dans l'histoire de ton père.
Dans mon premier spectacle, Un, créé en 2010, je parlais déjà de mon pays d’origine. Plus tard, à l'âge de 80 ans, mon père m’a raconté les véritables raisons de son départ de l’Iran. Mon fils Oscar n'avait alors que quatre ans. Ça m'a replongé dans mon rapport avec mon pays. Je me suis demandé comment je pouvais parler de ce pays à mon fils. Qu'est-ce que je lui transmets? Lorsque mon père a quitté l’Iran, il avait l’âge que j'avais en 2019, quand j'ai écrit ma pièce. Tout ça a créé un lien entre mon passé et l’histoire de mon père.
Et comment transmets-tu tes racines iraniennes à ton fils?
Je ne transmets pas la langue à mon fils, et je le regretterai peut-être un jour. Je peux lui parler de la famille, de mes allers-retours... J’espère un jour qu’on pourra visiter l’Iran ensemble.
Ta conjointe depuis 2009, la comédienne Sophie Cadieux, et toi avez conçu une maison à l’architecture vraiment surprenante!
On a collaboré avec l’architecte Jean Verville. Pendant une année, on a échangé des idées, des images, des influences et des passions. Cela a donné une maison unique, un terrain de jeu vivant. Cette recherche architecturale a été un véritable game changer pour Sophie et moi. Ça a renforcé notre lien. Ça nous a aidés à définir nos besoins et nos envies. On a fait ça en pleine pandémie. Ça nous a maintenus occupés, actifs et créatifs, alors que tout s’était arrêté. On refuse habituellement de travailler ensemble, mais ça, on l'a créé ensemble. Sophie et moi, on a deux créations communes: notre maison et notre fils.
Pourquoi ne pas travailler ensemble dans votre vie professionnelle?
À la maison, on préfère parler de nos projets, échanger nos points de vue. Cela nous permet d’entretenir un espace d’admiration mutuelle. Quand on découvre le travail de l'autre, on est toujours ému par sa sensibilité. Il est essentiel de préserver ce mystère, cette part de beauté dans l'autre, à laquelle on n’a pas accès.
Serait-ce un des secrets de votre unité, de votre belle histoire d'amour?
Absolument!
Il est très important de mentionner que tu es directeur artistique du Théâtre français du CNA depuis 2021.
Oui, et c’est très important pour moi de le dire, car c’est un gros navire. C’est la seule scène nationale francophone en Amérique, et on le répète souvent pour que les gens prennent conscience de l’ampleur de la chose. J’en suis très fier!