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L'article provient de 24 heures

Maltraitance, éviction et représailles: la crise du logement s’invite aussi dans les résidences privées pour aînés

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Photo portrait de Mathieu Carbasse

Mathieu Carbasse

2024-04-22T10:30:00Z
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Une étude choc à paraître ce lundi lève le voile sur la maltraitance des aînés placés dans des résidences privées pour aînés (RPA) de l’agglomération de Longueuil.

Des soins omis ou donnés de façon inadéquate, de l’âgisme et un manque de reconnaissance des besoins des résidents, des engagements que les propriétaires ne tiennent pas: voilà quelques-uns des abus documentés par la chercheuse Mélanie Couture de l’Université de Sherbrooke.

Car c’est aussi l’un des constats mis en lumière par l’étude: cette maltraitance n'a pas pour origine les employés des RPA mais plutôt leurs gestionnaires, dont les pouvoirs se retrouveraient décuplés par la crise du logement.

Pas le choix

«Souvent, les personnes qui sont victimes de maltraitance n’ont pas d’autres options de logement à faible coût. Le manque de logements disponibles sur le marché donne un pouvoir supplémentaire aux gestionnaires des résidences privées pour aînés», souligne Mélanie Couture en entrevue à 24 heures.

«Ce qu’on voit, c’est que les gestionnaires de résidences menacent de fermer leur établissement, mais le CIUSSS sait très bien que s’ils ferment les RPA problématiques, ils sont pris avec plein de gens qu’ils ne sont pas capables de replacer», poursuit-elle.

La chercheuse a pu également noter des situations où le propriétaire va refuser le paiement d’une personne pour pouvoir la mettre dehors pour faute de paiement.

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«On voit les mêmes dérives que pour le marché [immobilier] traditionnel», résume Mme Couture.

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Des déménagements impossibles

Dans les 1500 résidences privées pour aînés que compte le Québec, la population est de plus en plus vieillissante et en perte d’autonomie. Les résidents ont donc des besoins qui font qu’ils sont très difficiles à replacer dans un appartement normal.

«C’est très compliqué pour les ainés de déménager, ils sont prisonniers jusqu’à un certain point de ces résidences-là», résume la chercheuse, qui est titulaire de la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées de l’Université de Sherbrooke.

Selon ce qu’elle a pu constater, il faut compter de 900 à 1000$ par mois pour une place dans une résidences privées pour aînés (en fonction des services reçus). Et ça peut grimper jusqu’à 10 000$ par mois à Montréal, même si la normale est de l’ordre de 2000 à 3000$ par mois.

Les surcoûts facturés en plus du tarif de base feraient aussi exploser la facture pour les résidents, explique-t-elle.

«Si vous pensez que c’est dur de trouver un appart à Montréal, essayez de trouver une place en résidence», prévient la chercheuse.

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Les CIUSSS impuissants

Face à ce rapport de force favorable aux gestionnaires des RPA, les CIUSSS n’auraient pas beaucoup de moyens d’action, selon Mélanie Couture.

«Depuis avril 2022, des modifications ont été apportées à la loi pour contrer la maltraitance, avec des sanctions plus sévères pour les propriétaires coupables de maltraitance ou de représailles», explique la chercheuse.

Mais cette loi n’aurait jamais encore été utilisée.

Des solutions existent

Pour lutter contre la maltraitance et la crise du logement dans les résidences pour aînés, Mme Couture préconise d’augmenter la construction d’habitations gérées par des organismes à but non lucratif, ainsi que des coopératives d'habitations.

Pour ce faire, il faudrait commencer par simplifier la bureaucratie, et faire en sorte que ces ensembles de logements incluent des personnes aînées et des personnes plus jeunes, dit-elle.

«Ça aiderait aussi les autres populations tant il y a un besoin de développement de logements moins dispendieux. Une RPA ne peut pas être juste un immeuble pour faire de l’argent», conclut Mélanie Couture.


Ligne Aide Maltraitance Adultes Aînés
Numéros de téléphone
1 888 489-2287
https://lignemaltraitance.ca/fr

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