«Les Quatre fantastiques: premiers pas» : «L’optimisme fait partie de l’ADN des Quatre fantastiques» - Matt Shakman

Isabelle Hontebeyrie
Ce 37e Marvel, qui met en vedette Pedro Pascal, Vanessa Kirby, Ebon Moss-Bachrach et Joseph Quinn en quatuor de choc, ainsi que Julia Garner, Natasha Lyonne, Paul Walter Hauser et Ralph Ineson, se déroule sur la Terre 828, autrement dit dans une ligne de temps différente. Alors, que nous réserve ce nouveau Marvel (sans divulgâcheurs)?
Le réalisateur Matt Shakman le confesse en riant: il aime les années 1960 et s’est amusé comme un fou dans cet univers rétro futuriste, lui qui était à la barre de WandaVision, la série à succès de Disney+ avec Elizabeth Olsen et Paul Bettany dans leurs rôles de Wanda Mazimoff et Vision (c’est dire s’il est un habitué de Marvel!). Car si le look est celui des Sixties, la technologie, elle, est plus avancée que la nôtre dans cet univers parallèle où évoluent les Quatre fantastiques, nouveaux sauveurs de l’humanité.

«Pour WandaVision, nous explorions différentes décennies et l’aspect sitcom était particulièrement prononcé, Wanda fuyant son deuil par les sitcoms», nous dit le cinéaste lors d’une entrevue conduite par visioconférence, la veille de son passage et de celui de tous les acteurs, sur le tapis rouge de la première à Los Angeles.
«Avec les Quatre fantastiques, nous revenons aux années 1960 pour une raison totalement différente. Les personnages ont été créés dans ces années-là par Jack Kirby et Stan Lee. Ils sont formés par cette décennie, définis par cet optimisme, par la course à la conquête de l’espace, par JFK, par la notion que nous allons conquérir l’inconnu, envoyer un humain sur la Lune, et qu’avec la bonne technologie et le bon état d’esprit, on peut conquérir n’importe quoi.»

Des effets spéciaux à la fine pointe de la technologie
La grande surprise de cette quatrième itération cinématographique de Les Quatre fantastiques: premiers pas est sans contredit la présence de Julia Garner en Shalla-Bal, alias Silver Surfer dans cette version, l’actrice ayant incarné son personnage par captation de performance, la texture particulière (et impressionnante) de sa peau ayant été rendue en postproduction.
«Je me suis inspiré de vieux miroirs, nous détaille Matt Shakman. Je voulais cet aspect veineux et terni, comme si elle avait été patinée par des millions d’années de voyages dans l’espace. Nous avons débuté avec cette vision: la rendre la plus réalistement réfléchissante possible, les autres versions de Silver Surfer étant beaucoup plus mates. Nous avions également besoin que ses yeux dégagent une force incroyable. Et si le personnage fonctionne à ce point, c’est parce que Julia Garner livre une prestation impressionnante, son personnage prend vie grâce à ses émotions, sa complexité et sa subtilité.»

Quelques minutes avant, lors d’une conférence de presse à laquelle participaient tous les acteurs de ce blockbuster estival, Pedro Pascal et Kevin Feige soulignaient le fait que les Quatre fantastiques «sont la première famille de Marvel», une famille «par choix» – composée de Mister Fantastic (Pedro Pascal), Sue Storm (Vanessa Kirby), The Thing (Ebon Moss-Bachrach) et Human Torch (Joseph Quinn). D’ailleurs, l’acteur n’avait-il pas dit avec un grand sourire, lors de la conférence de presse parisienne pour le long métrage, «Nous sommes les premiers weirdos de l’univers Marvel»?
Un sous-texte politique?
Le bleu ciel, le scénario qui se concentre sur les liens familiaux unissant les Quatre fantastiques, la grossesse – et la naissance – de Franklin, le nouveau rejeton du couple formé par les personnages de Pedro Pascal et Vanessa Kirby, cet optimisme que mentionne Matt Shakman... tout cela ressemble à un acte de résistance au vu de la situation actuelle aux États-Unis. Et on ne peut s’empêcher de poser la question au réalisateur, bon nombre de Marvel (Black Panther en tête) contenant des allusions sociales et politiques qu’on ne peut manquer.

«L’optimisme fait partie de l’ADN des Quatre fantastiques et, en faisant se dérouler l’action dans les années 1960, je n’avais pas à justifier – ni à excuser – leur optimisme. Ce film montre une vraie famille, confrontée à de vrais problèmes. Ce qui les rend aussi proches de nous est le fait qu’ils ne sont pas parfaits. Parallèlement, ils représentent ce qu’il y a de meilleur en nous, la notion du sacrifice pour le bien commun. Ils représentent l’envie de temps meilleurs.»
«Les Quatre fantastiques représentent également l’esprit d’une autre œuvre créée dans les années 1960: Star Trek. L’humanité était confrontée à tellement de défis, de la guerre froide aux droits civiques! Dans Star Trek, on a Uhura et Chekov sur le pont de l’Enterprise. Dans Les Quatre fantastiques, on rencontre Black Panther pour la première fois. Ils nous montrent ce que peut être notre avenir, pour peu que nous ayons le cœur et la tête au bon endroit. Je n’ai pas la prétention de faire un film politique. J’ai, par contre, la prétention de faire un film éminemment personnel qui reflète mon expérience en tant que mari et père. Et oui, nous avons besoin d’optimisme dans le monde actuel!»

La capture de performance: les conseils d’Andy Serkis et de James Cameron!
Matt Shakman a plongé tête la première dans la captation de performance, équipant Julia Garner, Ebon Moss-Bachrach et Ralph Ineson de capteurs pour leur faire incarner leurs rôles. C’était la première fois que le réalisateur utilisait cette technologie à cette échelle, un travail qu’il a abordé en effectuant des recherches méticuleuses et en obtenant des conseils des meilleurs spécialistes de l’industrie.
«J’ai commencé mon processus en ayant une conversation avec Andy Serkis, le parrain de cette technologie. C’est une personne extrêmement généreuse et intelligente et il m’a guidé dans le développement. Je dois aussi remercier James Cameron et le regretté Jon Landau qui m’ont parlé en long et en large de la captation de performance. Ils m’ont invité dans les locaux de Lightstorm Entertainment, le siège social de la compagnie de James, et m’ont permis de voir la manière dont ils fonctionnent, d’apprendre à travailler avec des acteurs équipés de capteurs, de filmer une scène entièrement avec cette technologie afin d’en maîtriser tous les aspects. Ça a été une classe de maître d’un maître du cinéma.»

Au moment de la sortie de La Guerre de la planète des singes en 2017, Andy Serkis nous avait expliqué en entrevue que la captation de performance ressemblait, pour un acteur, au travail accompli sur les planches d’un théâtre en raison de l’effort d’imagination à effectuer. Matt Shakman, qui possède lui aussi, une formation théâtrale de mise en scène, abonde dans le même sens.
«Oui, ça aide énormément, y compris pour un réalisateur. Lorsqu’on filme une captation de performance dans une salle spéciale qu’on appelle un “volume” – là où il y a toutes les caméras, comme dans Avatar –, c’est vraiment comme la scène d’un théâtre.»
«On ne regarde pas les acteurs à travers une caméra, on ne les regarde pas à travers un moniteur, on les observe “en vrai”. J’ai adoré ça, j’ai adoré pouvoir faire de la mise en scène de manière spontanée. J’ai eu l’impression d’être dans un carré de sable, de réellement m’amuser. Et quand les acteurs peuvent saisir le côté ludique et libre de cette technologie, ils passent des moments exceptionnels.»
«Ce qui est extraordinaire, avec cette technologie, ajoute-t-il, c’est qu’on oublie qu’elle est là au bout de cinq minutes. On oublie que les acteurs portent de drôles de pyjamas avec tous ces capteurs!»
Les Quatre fantastiques: premiers pas déboule en trombe sur les écrans de la province dès le 23 juillet.