Au moins 67 morts à Hawaï, où les habitants regagnent les ruines laissées par les incendies

Camille Payant
Le bilan des feux dévastateurs à Hawaï, qui s’établit actuellement à 67 morts, s’alourdira très certainement dans les prochains jours, car les recherches pour retrouver des dépouilles ne font que commencer et aucun bâtiment n’a encore pu être fouillé.
• À lire aussi: Hawaï: des habitants racontent les incendies «aussi intenses que l'enfer»
• À lire aussi: EN IMAGES | La ville de Lahaina décimée par les feux de forêt à Hawaï
• À lire aussi: Feux de forêt: des airs de fin du monde à Hawaï
« Ce que nous avons vu était probablement la plus grande catastrophe naturelle de l’histoire de l’État d’Hawaï », a confirmé le gouverneur d’Hawaï, Josh Green.
Fulgurants, les incendies ont dévoré maisons, commerces et même bateaux sur l’île de Maui, et quasiment rasé la ville historique de Lahaina.

Selon les autorités locales, environ 80 % de cette ancienne capitale du royaume d’Hawaï a été détruite par les flammes.
Il s’agit de la pire catastrophe depuis la création de l’État d’Hawaï en 1959. En 1960, un tsunami avait fait 61 victimes. Un autre tsunami dévastateur avait toutefois tué 146 personnes en 1946.
Recherches en cours

Selon le maire du comté de Maui, Richard Bissen, les dépouilles ont été retrouvées à l’extérieur des habitations ou des commerces.
« Nous n’avons pas encore cherché à l’intérieur des édifices », a-t-il dit sur NBC.
Des équipes canines de récupération des cadavres ont été dépêchées sur les lieux.
Le président américain, Joe Biden, a décrété jeudi l’état de catastrophe naturelle à Hawaï, ce qui va permettre de débloquer d’importantes aides fédérales pour financer les secours, hébergements d’urgence et efforts de reconstruction.
La Maison-Blanche offrira également assez de nourriture et d’eau potable afin de fournir 5000 personnes pendant cinq jours.
Les résidents de Lahaina pourront regagner leur domicile pour la première fois samedi depuis que les incendies se sont déclarés mardi.
« C’est une zone de guerre », a commenté à NBC Kimo Kirkman, qui est retourné chez lui afin de trouver les dépouilles de ses chiens et de son chat.
Anthony La Puente a, lui, retrouvé sa maison réduite à un tas de cendres encore chaudes.
« C’est dur de ne pas pouvoir retrouver les choses avec lesquelles on a grandi, les choses dont on se souvient », a-t-il confié à l’AFP, après avoir vécu 16 ans dans cette habitation.
- Écoutez le témoignage de Carolanne Boileau, voyageuse qui devait partir pour Hawaï sur QUB radio :
Pas de sirènes
Les sirènes qui doivent retentir en cas de séisme, de tsunami ou d’incendie n’ont pas été activées, selon l’Agence de gestion des urgences d’Hawaï.
Certains ont indiqué qu’ils avaient reçu des alertes sur leur cellulaire, d’autres que non.
Le gouverneur d’Hawaï a ordonné vendredi un examen approfondi des actions de l’État dans les heures qui ont suivi les incendies, y compris pourquoi les sirènes d’avertissement n’ont pas été utilisées pour alerter les résidents de Maui.
Claire Kent, qui travaillait à Lahaina, a dit au New York Times avoir commencé à paniquer lorsqu’elle a vu une épaisse fumée noire et entendu une explosion. Alors qu’elle s’enfuyait en voiture, un homme à vélo criait : « Il faut que vous partiez ! »
« C’est ce qui s’est le plus approché d’une alerte », a laissé tomber Mme Kent.
– Avec l’AFP
CE QUE L’ON SAIT DU FEU À LAHAINA

Comment le brasier a-t-il démarré ?
Une grande partie de l’archipel d’Hawaï était en alerte rouge incendie lorsque de multiples feux ont débuté mardi, mais leur cause reste encore inconnue. D’autres incendies étaient en cours ailleurs sur Maui et les flammes ont progressé très vite.
La faute aux changements climatiques ?
S’il est toujours difficile d’attribuer un événement particulier au changement climatique, les scientifiques rappellent régulièrement que le réchauffement de la planète augmente la fréquence des événements extrêmes.
Le monde vient ainsi de connaître son mois de juillet le plus chaud jamais enregistré.
« Le changement climatique entraîne partout un réchauffement de l’atmosphère, [...] de sorte que le même incendie qui aurait été modéré il y a quelques décennies sera plus intense aujourd’hui », résume Yadvinder Malhi, professeur de science des écosystèmes à l’Université d’Oxford.
Comment expliquer la vitesse de propagation ?
Les flammes ont été nourries par des vents forts, qui ont dépassé les 100 km/h. Ils ont notamment été alimentés par Dora, un ouragan de catégorie 4, soufflant à plusieurs centaines de kilomètres dans l’océan Pacifique.
La topographie de Maui, une île qui compte deux volcans et plusieurs montagnes au centre, avec une côte plutôt plate, a également joué un rôle. Les rafales venues de l’océan se sont transformées en vents descendants qui « ont été poussés sur les pentes de l’île vers la ville », explique Thomas Smith, professeur de géographie environnementale à la London School of Economics.
Par ailleurs, la région était prête à s’embraser pour deux raisons. La partie ouest de Maui, où se trouve Lahaina, subit une importante sécheresse.
Puis à cause du déclin de l’agriculture sur l’île depuis les années 90, selon Clay Trauernicht, spécialiste des incendies à l’Université d’Hawaï. Les champs autrefois bien entretenus qui auraient pu ralentir le feu ont été remplacés par de « vastes étendues de plantes non locales, laissées à l’abandon », a-t-il écrit sur X (anciennement Twitter).
Une mauvaise gestion de crise ?
Les habitants de Lahaina sont encore abasourdis par la rapidité du désastre. Une centaine de personnes se sont jetées à la mer pour échapper au brasier.
Des questions commencent à émerger sur la gestion des autorités. D’ailleurs, les sirènes qui doivent retentir en cas de séisme, de tsunami ou d’incendie n’ont pas été activées.
Des résidents de Lahaina marqués pour toujours
AFP | Des résidents de Lahaina qui ont dû quitter en trombe leurs maisons tant les feux se sont propagés rapidement sont marqués à jamais par les images qu’ils ont vues lors de leur fuite.

« Tout était rouge, poussière et vent, aussi intense que l’enfer », a témoigné Ekolu Brayden Hoapili.
Depuis trois jours, sa compagne Sharmaiynne Buduan et lui revoient en boucle les images des flammes auxquelles ils ont échappé en voiture.
« J’ai cru que j’allais mourir. Je regardais la pompe à essence à côté de notre terrain et elle était en feu », a raconté ce jeune de 18 ans qui a fui sa maison de Lahaina, sur l’île de Maui.
Refuges d’urgence
Comme d’autres, il est venu se réfugier dans un stationnement mis à leur disposition par les autorités locales, qui ont aussi ouvert des abris pour les milliers de sinistrés.
Assis sur le coffre de sa voiture, Ekolu Brayden Hoapili reste sous le choc, entre le soulagement d’avoir survécu et la culpabilité de ne pas être resté pour aider les autres.
« Quand j’y repense, j’ai laissé plein de gens derrière moi. J’aurais dû faire quelque chose, aider, mais je me serais mis encore plus en danger. Si je l’avais fait, je ne serais pas ici », a-t-il soufflé.
« Ville fantôme »

L’ancienne capitale du royaume d’Hawaï, avec aujourd’hui 12 000 habitants, était l’une des destinations touristiques préférées des millions de personnes qui visitent l’île de Maui chaque année.
Ses boutiques de souvenirs, ses restaurants, ses bars et ses bâtiments historiques ont été réduits en cendres, ainsi qu’une grande partie de la pittoresque marina.
« Nous n’arrivons toujours pas à y croire », a dit Saraí Cruz, qui travaillait dans l’un des restaurants les plus populaires de Front Street.
« Lahaina est une ville fantôme », s’est attristée cette femme de 28 ans qui a dû fuir avec ses parents, sa sœur et ses trois enfants avec à peine quelques vêtements sur eux.
« On a vu la fumée de loin. Le temps qu’on rentre, en une ou deux minutes, la fumée noire s’infiltrait dans la maison. [...] On a pris la voiture, on voyait les flammes chez les voisins, leur maison brûlait déjà », s’est-elle souvenue.
À côté d’elle dans le stationnement, José Victoria montre des photos de sa demeure carbonisée qu’il a dû fuir.
« J’ai perdu ma maison, mes papiers, tout. Je n’ai pensé qu’à ma femme, mon fils et ma voiture, c’est tout. Je n’avais pas le temps pour le reste », a soutenu le Mexicain de 35 ans.
« J’avais vu ce genre de scènes dans des films. Mais là, je les ai vues en vrai. C’est dingue », a-t-il dit, sous le choc.