Blocage du pont Jacques-Cartier: les experts ne sont pas convaincus

Zoé Arcand
Les experts sont mitigés quant à l’efficacité du moyen de pression des écologistes qui ont bloqué le pont Jacques-Cartier dans l'espoir d'être entendus, provoquant le chaos et l'ire de dizaines de milliers d'automobilistes en pleine heure de pointe.
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«Ce que veulent les militants, c’est enrager la population pour forcer les décideurs à les voir et les médias à leur donner de la couverture. Oui ça dérange et paralyse, c’est ça l’objectif», constate Pascale Paulin, stratège à l'agence Forté communication.
À l'aube mardi, deux individus ont grimpé dans la structure du pont, forçant aussitôt sa fermeture pour près de six heures par la Sûreté du Québec pour des raisons de sécurité.

Après de nombreuses campagnes et actions, «on ne sait plus quoi faire donc on dérange pour être entendu», avoue Sandrine Giérula, porte-parole des collectifs Antigone et Dernière Génération, qui ont orchestré le coup d'éclat.
L'objectif de faire parler de la cause a été atteint, s'entendent les expertes en communication consultées.
Toutefois, les problèmes de circulation engendrés ont dans les faits carrément occulté les demandes des militants écologistes.
«Ça cause de la frustration et le message en tant que tel est un peu apocalyptique, constate Justine Lalande, chargée de cours et doctorante au département de communication sociale et publique. Les études nous montrent que ça fonctionne peu de générer la peur.»
D’autant plus que le climatoscepticisme est «assez marginal» puisqu’en 2023, 89% des Québécois reconnaissaient que les conséquences des changements climatiques s’intensifieraient si nous tardions à agir, selon un rapport du Groupe de recherche sur la communication marketing climatique de l’Université Laval.
Il est plus mobilisateur de dresser le portrait d’un «monde postcarbone» et de faire des propositions concrètes sur les démarches qui permettraient d’y parvenir, explique l’experte.
«On est d’accord sur le problème, mais c’est quoi les solutions, comment on parvient à les mettre en place?» résume-t-elle.
Revendications
Les militants exigent notamment la fermeture d’un pipeline, que le gouvernement canadien interdise toute extraction et combustion de pétrole, de gaz et de charbon d'ici 2030 ainsi que la création d'une agence nationale de gestion des urgences pour répondre aux catastrophes climatiques.
Mme Lalande note que ces demandes n’ont pas eu une place de choix dans la couverture médiatique entourant le blocage du pont.
Les groupes écologistes auraient donc plus intérêt à développer une campagne de communication pour les expliquer de manière à ce que la population puisse comprendre l’impact qu’elles auraient concrètement.
Les médias ont eux aussi «la responsabilité de mettre de l’avant ces revendications», avance Carminda Mac Lorin, docteure en sciences humaines et directrice de l’OBNL Katalizo, puisqu’ils ont un «impact réel sur les politiques publiques qui seront éventuellement développées».
Sylvie Ollitrault, politiste, chercheuse et autrice du livre La désobéissance civile, souligne que les actions de désobéissance civile, lorsqu’elles s’inscrivent dans un lot d’actions diversifiées, ont contribué à faire avancer des causes comme les droits des femmes et les droits civiques, notamment aux États-Unis.

Les deux grimpeurs ont été arrêtés, en plus d'un troisième qui s'occupait des liaisons avec la police, a indiqué Sandrine Giérula. La SQ confirme qu'ils sont toujours détenus et qu'ils doivent comparaître demain.
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