Les émotions refoulées : les effets secondaires multiples des émotions
Le syndrome du presto

Dre Christine Grou, psychologue
«Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.» Vous avez sûrement déjà entendu cette célèbre affirmation du chimiste du siècle des Lumières Antoine Lavoisier. Bien qu’il ne parlait pas de notre cerveau ou de nos émotions, cette phrase célèbre pourrait lui être empruntée.
Lorsque l’on refoule sa frustration, sa peur, sa honte ou sa tristesse, elles sont loin de disparaître: elles restent en nous et peuvent se transformer. C’est le propre de toute émotion forte qui, pour de multiples raisons, ne pourrait s’exprimer.
Les mécanismes de défense psychologiques, qu’ils agissent comme des freins (répression, refoulement), ou comme des catalyseurs (sublimation, par exemple), nous permettent de nous adapter.
Selon Freud, ces mécanismes de défense permettent d’enfouir dans l’inconscient ces éléments afin de réduire l’anxiété, la culpabilité, la honte ou tout inconfort émotionnel pouvant y être associé.
Il arrive aussi que certains mal-être se transforment en maux physiques. Troubles de la digestion, maux de tête, boule dans l’estomac, rougeurs de la peau ou éruptions cutanées sont autant de transformations possibles pour les personnes chez qui les émotions prennent la voie de la somatisation, ce que l’on constate aussi souvent chez les enfants.
Une rébellion intérieure
Freud considérait le refoulement comme une rébellion intérieure assez violente, mais se déroulant d’abord en soi, et non pas avec l’autre. Elle est si forte, si angoissante, qu’elle exige des efforts monumentaux pour contenir la pression d’un presto: on a beau tout faire pour contenir cette pression, elle finit toujours par se frayer un chemin ailleurs.
Ce phénomène se nomme le retour du refoulé. Différents symptômes se manifestent au moment de combattre cette pression intense: anxiété, troubles psychosomatiques, obsessions, etc. En fait, tous ces mots jamais exprimés finissent tôt ou tard par se transformer en maux...
Il faut toutefois faire attention avec ce concept: chaque symptôme ne s’explique pas sous la loupe du retour du refoulé. Il s’agit d’une théorie, et celle-ci a ses limites, voire ses détracteurs.
Mais il en demeure que nous savons à quel point le cerveau est capable d’enfouir profondément des souvenirs chargés émotivement ou traumatisants, permettant ainsi à la personne de continuer à «fonctionner», même si la souffrance peut refaire surface à tout moment.
Il suffit d’un élément déclencheur, parfois marquant (le décès d’une personne importante), parfois banal (une rencontre fortuite avec quelqu’un depuis longtemps perdue de vue), pour que des éléments qui semblaient oubliés, mais qui étaient plutôt inaccessibles au souvenir ressurgissent.
Risques d’explosion
Alors, est-ce que ces pensées bien enfouies peuvent nous rendre malades ou à tout le moins produire certains symptômes? C’est un débat bien difficile à trancher, car de nombreux facteurs sont à prendre en considération.
Mais l’expérience clinique m’a démontré qu’à force d’exercer beaucoup de pression sur le couvercle du presto – celui des désirs, des passions, des plaisirs, des chagrins, des angoisses ou de la colère – pour empêcher que la vapeur ne s’échappe, les risques de brûlure, voire d’explosion, sont de plus en plus nombreux.
Prendre conscience de nos mécanismes de défense, ou d’adaptation, seul ou avec de l’aide professionnelle, c’est déjà une bonne façon de faire baisser... la pression.
Cette chronique fera relâche pour la saison estivale et sera de retour à l’automne.