Le voyage de Fuentes: un colonel péruvien à la quête de son frère en Abitibi!
Josée Boileau
Quel récit coloré et entraînant que ce passage en Abitibi d’un colonel péruvien à la recherche de son mystérieux jumeau !
Tout part d’une photo que reçoit Juan Mauricio Fuentes, 75 ans, du fond de sa retraite à Sagrado Corazón de los Andes, son village natal (inventé) du Pérou.
Sur un cliché très ancien, on voit deux bébés absolument identiques et habillés pareillement. L’un d’eux est Fuentes puisqu’il possède une photo sur laquelle il pose seul dans la même tenue et dans le même décor. Alors, qui est l’autre enfant ?
À cette photo sont joints un billet d’avion, une traite bancaire et un mot qui lui fixe rendez-vous à Aiguebelle-les-Mines, petite ville (fictive) de l’Abitibi, dont Fuentes ne connaît rien du tout.
Agacé et néanmoins intrigué, le colonel se lance dans l’aventure ! Il va atterrir dans un univers aux antipodes de ce qu’il connaissait.
D’abord, Aiguebelle n’a rien à voir avec son village ensoleillé. Ici, le ciel est gris et ce n’est pas à cause du mauvais temps, mais parce qu’une gigantesque fonderie crache sa fumée toxique.
Ensuite, Fuentes apprendra vite qu’il avait un jumeau ayant pour nom Michel Boileau : il faut en parler au passé puisqu’il vient de décéder.
Ce Boileau était revenu dans la ville de son enfance après avoir fait fortune en Californie où, sous des airs hippies, il a écrit, en toute discrétion, les chansons les plus populaires de la fin du 20e siècle. Les 750 millions de dollars qu’il a amassés (eh oui !) allaient désormais servir à lutter contre la fonderie Potworny.
Un artiste doublé d’un gauchiste ! Autant dire l’horreur pour Fuentes, qui a servi toute sa vie comme militaire, combattant les communistes et les terroristes du Sentier lumineux.
Et puis, tout ça ne lève en rien le mystère de leurs origines communes.
Qui donc a fait venir Fuentes et pourquoi ? Cette personne le promène d’un indice à l’autre, dans une ville agitée de tensions à cause du projet de mine de lithium de la Potworny.
Tendre et sarcastique
Tout cela est abracadabrant, et raconté avec une verve jouissive et communicative par l’auteur Jean Fontaine, autrefois scénariste.
Celui-ci pose un regard à la fois tendre et sarcastique sur son Fuentes, désarçonné. Aux héros principaux, improbables, mais bien campés – Michel Boileau au premier chef –, il greffe d’amusants personnages : Ti-Rouge, Pitou Giroux, Bizoune Moreau et compagnie !
Il y a des scènes désopilantes, dont la prise de contrôle par des manifestants enthousiastes d’une assemblée d’actionnaires de la mine, pourtant tenue à Toronto. Et il faut lire comment Sagrado Corazón est devenu un lieu sacré !
Mais Fontaine y va aussi de précisions qui ramènent au réel, que ce soit à propos de la politique péruvienne ou des désastres environnementaux causés par les minières en Abitibi.
Aiguebelle-les-Mines est un lieu fictif, mais pas les problèmes auxquels les populations sont confrontées. Même Fuentes en reviendra ébranlé !
Tout cela est fou, et pourtant pleinement d’actualité. Et que d’ironie jusque dans la finale !