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L'article provient de Le Journal de Montréal

Le parcours vers la guérison après un long combat contre l'anorexie

Aujourd'hui, le regard de Laurie sur son propre corps a changé et elle se sent mieux dans sa peau. Elle vise maintenant un corps sain et se dit plus heureuse que jamais.
Aujourd'hui, le regard de Laurie sur son propre corps a changé et elle se sent mieux dans sa peau. Elle vise maintenant un corps sain et se dit plus heureuse que jamais. PHOTO FOURNIE PAR LAURIE GAUVIN
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Photo portrait de Isabelle Huot

Isabelle Huot

2025-12-22T05:00:00Z
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Laurie Gauvin a mené un combat de 6 ans contre un trouble alimentaire qui a mis sa vie en danger plusieurs fois: l’anorexie mentale. Alors qu’elle pensait que son corps allait céder, la vie en a décidé autrement. Ce choc a marqué le début d’un tournant: celui de la guérison et de la reconstruction. Entretien émouvant avec cette jeune femme qui voit enfin l’avenir positivement.

Comment a débuté ton trouble alimentaire?

Tout a commencé à l’âge de 14 ans. Cette année-là, j’ai vécu ma première rupture amoureuse, le décès de ma grand-maman, et ma sœur a reçu un diagnostic de cancer. Trois épreuves bouleversantes, totalement hors de mon contrôle. Le seul domaine où j’avais encore l’impression de pouvoir agir, c’était sur mon corps et mon alimentation. Alors, j’ai commencé à restreindre sérieusement mon apport calorique. En réalité, cette fragilité était déjà présente bien avant. Dès l’âge de 10 ans, je me comparais constamment à mes amies. Si l’une d’elles avait quelques rondeurs, je faisais en sorte de manger moins qu’elle à table, par peur de voir mon poids augmenter.


Ta maladie était si sévère que tu as été hospitalisée trois fois?

Oui, la première fois j’avais à peine 15 ans. Mon poids était alors de 70 lb (pour une taille de 5 pi 2) et mon pouls très lent. Je suis restée un mois à l’hôpital, dont une semaine aux soins intensifs. Une fois mes signes vitaux stabilisés, j’ai été transférée à l’étage de psychiatrie. C’était difficile pour moi, car on devait absolument manger tout le contenu des plateaux-repas pour obtenir des privilèges, comme celui de recevoir de la visite. Ici aussi, je me comparais, si ma voisine avait une pomme plus petite que la mienne, je l’enviais car je savais que sa pomme contenait moins de calories que la mienne. On me pesait chaque jour, c’était très confrontant. J’avais toute une équipe d’intervenants autour de moi, j’avais envie de guérir, mais pas complètement. Le trouble alimentaire est un démon et un ange à la fois...

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Dans les pires moments de son anorexie, Laurie pesait 49 lb seulement.
Dans les pires moments de son anorexie, Laurie pesait 49 lb seulement. PHOTO FOURNIE PAR LAURIE GAUVIN

À ma deuxième hospitalisation, je n’étais plus en pédopsychiatrie, mais bien chez les adultes, j’avais 18 ans et je pesais 55 lb. J’étais encore en urgence vitale. Après avoir stabilisé mon pouls et ma pression, on m’a renvoyée chez moi, car il n’y avait plus de place en psychiatrie. Mon anorexie avait empiré, je mangeais 250 calories par jour. Des protéines maigres, des légumes verts et un quart de barre protéinée que je pesais le matin pour m’assurer de ne pas dépasser 25 g. Je survivais avec aussi peu. Je m’entraînais 2 heures le matin et j’allais marcher un autre 2 heures en après-midi.

Enfin, mon trouble a encore dégénéré, si bien qu’à ma troisième hospitalisation, je pesais 49 lb. J’avais perdu l’odorat et ma vision était très affectée. Je ne pouvais même plus parler tant je n’avais pas d’énergie. Je n’avais plus aucun pouvoir de me retenir pour aller aux toilettes, alors j’arrivais souvent chez moi complètement souillée par l’urine. Après les soins intensifs, je suis allée deux jours en psychiatrie, mais ce n’était pas pour moi, il n’y avait pas d’autres personnes avec des troubles alimentaires, mais bien des gens atteints d’autres problèmes psychiatriques, dont certains portaient des casques car ils se cognaient la tête contre les murs. Je ne m’y sentais pas bien, alors on m’a laissée partir pour rentrer chez moi. Mes parents faisaient leur possible pour prendre soin de moi. Je me souviens que ma mère se levait plusieurs fois la nuit pour venir vérifier si je respirais encore.

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Laurie a dû être hospitalisée trois fois en raison de son anorexie.
Laurie a dû être hospitalisée trois fois en raison de son anorexie. PHOTO FOURNIE PAR LAURIE GAUVIN

Comment s’est déroulé ton suivi ensuite?

Le trouble alimentaire occupait toute la place, j’étais complètement isolée, et je ne voyais plus du tout mes amis. Je suis tombée en privation encore plus extrême. Je ne mangeais alors qu’un brocoli par jour, rien de plus. Je redoutais même l’eau que j’associais à des ballonnements. En plus du poids, je prenais mes circonférences chaque jour, notamment mon tour de cuisse, et je m’assurais que ma main pouvait faire le tour de ma cuisse et se refermer. J’ai décidé d’être suivie en clinique externe à Douglas pendant un an. Je me souviens que je cachais des poids dans mes vêtements lors des pesées. Quelque part, je ne voulais pas vraiment guérir. Je me souviens que, plus jeune, je me disais que je ne voulais jamais atteindre le poids de 100 lb, j’en pesais 50 de moins et je n’étais pas encore satisfaite.


Un événement a alors tout changé?

Ce soir-là, je sentais que mon corps me lâcherait durant la nuit, qu’il n’avait plus la force de vivre. J’ai donc enlevé le code de mon cellulaire, fait mon testament et écrit mes lettres d’adieu. Le lendemain matin, je ne sais comment je me suis réveillée, je ne comprenais pas que j’aie survécu une nuit de plus. Je me suis dit alors que si mon corps ne me lâchait pas, je me laisserais mourir autrement. J’ai pris la voiture, et j’ai bifurqué dans la voie inverse pour me suicider. C’est alors qu’une force externe m’a fait reprendre le volant, je pense que c’est ma sœur Priscilla, qui est décédée des suites de son cancer et qui m’a envoyé cette force.

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Je suis revenue à la maison et j’ai décidé que c’était terminé. Je voulais guérir, pour la première fois de ma vie. J’ai décidé de faire tout le contraire de ce que la voix dans ma tête (l’anorexie) me disait. C’est vraiment cela le secret d’une guérison réussie, je crois, j’ai cherché durant des années comment m’en sortir et c’est seulement et seulement lorsque j’ai commencé à confronter le trouble que tout s’est éclairci dans ma tête. Je me suis débarrassée de la balance et je me suis mise à manger. C’était le 7 décembre 2024, il y a un an.


Comment a été la période de réalimentation?

J’ai eu le phénomène de faim extrême. Cela touche certaines personnes après une période de privation intense. Je n’arrivais jamais à satiété, je mangeais chaque demi-heure. Je me levais même la nuit pour manger. J’ai découvert plein de saveurs incroyables, j’ai redécouvert les aliments et le plaisir de manger. Je me souviens du premier croissant mangé avec ma mère, un aliment que je n’avais pas mangé depuis 6 ans... enfin, je ne voyais plus les aliments en termes de calories uniquement.

Dans la dernière année, Laurie a redécouvert plusieurs aliments et le plaisir de manger.
Dans la dernière année, Laurie a redécouvert plusieurs aliments et le plaisir de manger. PHOTO FOURNIE PAR LAURIE GAUVIN

Comment vas-tu aujourd’hui?

Je ne me suis pas pesée depuis un an. Je mange ce dont mon corps a besoin, mon corps est athlétique, je ne suis plus dans la maigreur extrême. Je veux un corps sain et je veux lui donner les nutriments pour avoir l’énergie. Je peux manger des pâtes, de la pizza... je mange de tout! Je ne peux pas croire que je me trouvais grosse à 50 lb alors qu’aujourd’hui, je me trouve belle avec un poids beaucoup plus santé. Mon regard sur moi a changé. Je suis plus heureuse que jamais. J’ai aussi retrouvé mon cercle d’amis, je ne suis plus isolée.

Un an après avoir amorcé de grands changements pour vaincre sa maladie, Laurie mange maintenant de tout.
Un an après avoir amorcé de grands changements pour vaincre sa maladie, Laurie mange maintenant de tout. PHOTO FOURNIE PAR LAURIE GAUVIN

Tu viens d'avoir 21 ans, comment vois-tu l’avenir?

Je suis aux études pour devenir professeure d’éducation physique. Je pense que mon parcours peut aider les jeunes aux prises avec des troubles alimentaires. Je trouve qu’il manque de ressources tant pour les personnes qui en souffrent que pour leur entourage. Je suis très active sur Instagram et déjà beaucoup de personnes me confient leur trouble alimentaire et en quoi je les ai aidées avec mon témoignage. Si je peux aider les gens à ma façon, c’est mon plus grand souhait.

Aujourd'hui, le regard de Laurie sur son propre corps a changé et elle se sent mieux dans sa peau. Elle vise maintenant un corps sain et se dit plus heureuse que jamais.
Aujourd'hui, le regard de Laurie sur son propre corps a changé et elle se sent mieux dans sa peau. Elle vise maintenant un corps sain et se dit plus heureuse que jamais. PHOTO FOURNIE PAR LAURIE GAUVIN

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