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«Le monde pense que tu n'existes plus» : Mickael, ancienne escorte sans domicile fixe à 28 ans

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Photo portrait de Axel  Tardieu

Axel Tardieu

2023-10-23T19:50:50Z
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Mickael Sauvé vit dans la rue depuis cinq mois. Après une carrière dans l’industrie du sexe, il dit être sans logis à cause de la crise du logement. Le jeune homme fait partie des nombreuses personnes en itinérance cachée, une population non comptabilisée dans le recensement du ministère de la Santé et des Services sociaux.

«J'ai fait la demande de l'aide financière. Je ne subviens plus à mes besoins en faisant de l'escorte, dit Mickael Sauvé. J’ai d'autres valeurs. J’ai d'autres objectifs». 

Depuis mai, il dit être face à lui-même. «Toute ma famille m'a tourné le dos. J’ai des jugements parce que je ne cherche pas de place, mais j’en cherche. C'est tough de trouver de quoi». 

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Celui qui se surnomme Mike est révolté contre le nombre de logements vides et les prix trop élevés des appartements à Montréal. 

«Je n'ai pas envie d'encourager ça. Je suis capable de me débrouiller. J'aime mieux me promener jusqu'à ce que je rencontre quelqu'un dans la soirée». Mickael Sauvé compte beaucoup sur son réseau pour trouver un toit. «J’ai un instinct de survie», assure-t-il.

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Après avoir arrêté d'être escorte et acteur porno, ses finances fondent. Depuis qu’il est à la rue, Mike vit la difficile réalité des moins bien lotis. «Ce qui est dur, c'est de voir beaucoup d'itinérants qui se font abuser. Ils font des trucs sexuels pour avoir une place». 

Mickael Sauvé trouve beaucoup de nourriture dans les poubelles des épiceries.
Mickael Sauvé trouve beaucoup de nourriture dans les poubelles des épiceries. Photo Axel Tardieu

Un exemple d’itinérance cachée 

Mickael Sauvé est dans ce que le gouvernement appelle l'itinérance cachée. Il est hébergé temporairement chez d’autres personnes ou dort dans la rue, sans avoir de domicile fixe permanent, parce qu'il n'a pas d'argent.  

Cette situation peut durer quelques mois seulement ou se transformer en itinérance visible sur du très long terme, selon Annie Savage, directrice du RAPSIM (Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal). 

«C’est pernicieux, dit-elle. On a l'impression que c’est moins important, mais ce n’est pas une itinérance qui est moins chronique pour autant. Malheureusement, au Québec, on n'est pas capable de documenter le phénomène. Sans ça, on ne peut pas lutter contre». 

Beaucoup de nouveaux sans-abri

L’itinérance a bondi de 44% en seulement cinq ans au Québec. Plus de 10 000 personnes se trouvaient en situation d’itinérance visible en octobre 2022. Une personne sur deux était à la rue depuis moins d'un an. Principale cause? L’expulsion de leur logement à cause d’un loyer non payé, de rénovations ou de plaintes.

Selon Annie Savage, l'inflation et la pandémie ont compliqué la vie de ceux vivant dans l'itinérance cachée. «Avant, on avait un parc de maisons de chambre plus accessible et plus nombreux. C'était le dernier rempart pour les personnes en situation d'itinérance, dit-elle. Il y a aussi moins de motels abordables. L'itinérance visible, comptabilisée par le gouvernement, c'est juste la pointe de l'iceberg».

Malgré le contexte économique actuel, Mickael Sauvé est certain qu’il va s’en sortir. Le jugement des passants l'importe peu. Il a vite appris à se trouver dans la rue de quoi s’habiller et se nourrir en fouillant dans les poubelles.  

Depuis qu’il n’a plus de forfait cellulaire, il perd le contact avec ses proches. «Le monde pense que tu n'existes plus», dit Mike. Néanmoins, «je me donne le droit de me gâter tous les jours. J'ai envie d'être bien». 

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