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L'article provient de 24 heures

«Je me suis battue avec 4 personnes ce mois-ci»: rencontre avec Maeva, une femme itinérante

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Photo portrait de Axel  Tardieu

Axel Tardieu

2023-08-21T15:54:16Z
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«Je suis différente. Je suis née hermaphrodite, intersexe, ADN croisé. C’est depuis que je suis toute petite que je mange de la chnoute»: Maeva, 57 ans, attire les regards lorsqu'elle se déplace à Montréal. 

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Dans la rue depuis plus de quatre ans, elle traîne avec elle son maquillage qu’elle utilise tous les jours pour se féminiser. «Sinon, les gens sont méchants», confie-t-elle. 

Celle qui dort dans un campement loin du centre-ville a l'habitude de traîner autour de la station de métro Berri-UQAM, autour de laquelle se concentrent des organismes qui viennent en aide aux personnes itinérantes. 

Maeva ne se déplace jamais sans son vélo.
Maeva ne se déplace jamais sans son vélo. Photo Axel Tardieu

«Tout le monde me connaît. Je suis la bonne fille dangereuse», lance-t-elle avant de rouler un joint de haschich. 

Intimidation, vols, viols: «dangereuse», Maeva assure ne pas avoir le choix de l'être. «C’est très difficile quand on est une femme. Je me suis fait battre à peu près 1000 fois avant de décider de me défendre», mentionne celle qui se déplace à vélo avec ses sacoches militaires.

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«J'ai 30% moins de force qu'un gars du même gabarit que moi. Il faut que les gars se ramassent le cul à terre avant moi. Ils ne se gêneront pas. Je suis un gars pour eux», poursuit la femme originaire du Lac-Saint-Jean. 

«Je me suis battue avec quatre personnes ce mois-ci», ajoute-t-elle, tout en nous partageant ses trucs d'autodéfense. 

Toute l'année, Maeva vit dans un campement loin du centre-ville.
Toute l'année, Maeva vit dans un campement loin du centre-ville. Photo Axel Tardieu

Impossible de dormir la nuit

C'est pendant la nuit que Maeva se sent le moins en sécurité. «Une porte de tente, ça ne se barre pas», insiste celle qui affirme avoir l'habitude, lorsque la nuit tombe, de prendre ses médicaments qui l'empêchent de dormir. 

«Quand mon chum est allé 19 jours en prison l'année passée, j'ai été 19 jours avec la batte de baseball dans les mains, assise dans une chaise dans la tente», raconte-t-elle. 

Au moment de sa rencontre avec 24 heures, Maeva était au téléphone avec une personne à l'urgence de l’Hôpital Notre-Dame, où avait été conduit son copain Denis. «Cette nuit, il a fait une crise. Il a un cancer de la prostate», nous confie-t-elle, inquiète d'être laissée à elle-même. 

Soigner de graves blessures relationnelles

La coordinatrice à La rue des Femmes, Ann-Gaël Whiteman, constate tous les jours la détresse que vivent les femmes itinérantes à Montréal. Son organisme à but non lucratif vient en aide à plus de 1000 femmes chaque année. 

«Elles ont peur d’aller dans les refuges mixtes où elles se font souvent harceler, déplore-t-elle. Elles finissent par marcher toute la nuit dans la ville.»

Ann-Gaël Whiteman explique que les femmes en situation d'itinérance ont l'habitude de porter plusieurs couches de vêtement et plusieurs ceintures pour avoir le temps de se défendre en cas de tentative de viol.

«Elles ne sont jamais en paix», regrette la coordinatrice, qui insiste sur l'importance de venir en aide à ces femmes qui passent entre les mailles du filet depuis qu'elles sont toutes jeunes. 

À travers divers ateliers, La rue des Femmes tente de redonner à ces femmes une santé relationnelle, c'est-à-dire un «un état de profond bien-être qui permet les capacités vitales de sécurité, de liens et de bonheur avec soi et avec les autres». 

Selon un recensement réalisé avant la COVID-19, il y avait 3000 itinérants dans les rues de Montréal. Ce chiffre a augmenté à 6000 pendant la pandémie.
Selon un recensement réalisé avant la COVID-19, il y avait 3000 itinérants dans les rues de Montréal. Ce chiffre a augmenté à 6000 pendant la pandémie. Photo Axel Tardieu

Mais Maeva, elle, se tient loin des organismes, préférant rester aux côtés de son compagnon de vie, Denis, la seule personne en qui elle a confiance. 

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