Après des problèmes de santé, Ginette Reno réfléchit à son avenir: «J'ai confiance que la vie me montrera quoi faire»
Michèle Lemieux
À la veille de ses 80 ans, même si sa santé n’est plus tout à fait la même, Ginette Reno continue d’entretenir la flamme et de multiplier les projets. D’ailleurs, à l’occasion du 20e anniversaire du magazine La Semaine, la chanteuse a accepté de reprendre son célèbre courrier du cœur et de répondre personnellement à quelques lettres. Forte de son parcours et de son expérience de vie, elle saura offrir des conseils avisés.
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Ginette, vous avez tenu un courrier du cœur au magazine La Semaine il y a quelques années. Conservez-vous de bons souvenirs de cette collaboration?
Bien sûr! À l’époque, j'étais jalouse de Louise DesChâtelets qui en tenait un au Journal de Montréal. Je lisais son courrier en me demandant si ma réponse aurait été la même... C’est quelque chose que j’aime faire. Lorsque j’avais ma chronique, je recevais toutes sortes de lettres, mais je me souviens d'une en particulier qui m’avait profondément touchée: un prêtre, qui avait été abusé, m’avait demandé s’il devait sortir de sa communauté. Il y avait aussi des femmes qui me racontaient leurs histoires de cœur. Je pouvais les comprendre, car je les avais toutes vécues...
Avec votre expérience de vie, vous étiez en mesure de conseiller les gens?
J'ai beaucoup de vécu, oui. J'ai fait beaucoup de démarches. J'ai été cinq ans dans un monastère. J'ai consulté un psychiatre. J'ai fait bien des affaires, et je n'ai pas fini. Je continue toujours d’apprendre. J'ai de plus en plus de conscience. Je commence à être capable de vivre le moment présent, et c’est un cadeau.
Dans le cadre du 20e anniversaire du magazine La Semaine, vous comptez reprendre cette chronique?
Oui! Nous invitons les gens à m’écrire. Des lettres seront choisies en collaboration avec l'équipe de la rédaction et je vais y répondre. J’en suis très heureuse. On peut m’écrire n’importe quoi: il n'y a rien qui me scandalise. J'ai tout entendu, dans ma vie. C'est peut-être pour ça que je suis devenue sourde... (rires) Ou c'est peut-être moi qui ne suis pas capable de m'entendre?

Votre expérience de vie vous permet donc d'éviter d’être dans le jugement?
Je l'ai fait par le passé, mais j'ai fait tellement de travail sur moi que je ne suis plus capable de juger les autres. J’ai pris conscience de mes propres défauts et faiblesses, et je les ai apprivoisés. Je ne suis pas encore parfaite, mais j’ai fait du progrès et j'ai conquis beaucoup de mes peurs.
Quelles étaient vos plus grandes phobies?
La peur de l'obscurité... et du diable. Ma mère m'accusait d'être possédée du démon, alors j'ai eu très peur de lui. Ce n’est pas pour rien, si je mets des anges partout autour de moi. C’est pour me protéger. Je ne suis pas seule: j'ai le bon Dieu, et ma gang. Tout ce que j’ai vécu m’a permis de faire des prises de conscience. Souvent, je demande à mes amis d’écrire cinq émotions par jour. Ils le font quelques jours, puis abandonnent. Quand tu écris cinq émotions par jour, tu commences à comprendre ce qu'est une émotion. Je leur demande aussi d’écrire leurs peurs. Quand on le fait, on réalise toujours que ce qu’on croyait être la première peur arrive loin derrière. On ne sait pas ce qu’il y a en nous. On est dans le paraître, pas dans l'être. On ne sait plus ce dont on a besoin. À un moment donné, il faut s’arrêter et se demander: «Qu’est-ce que je veux? Pour qui je fais ce que je fais, et pourquoi?» Est-ce que c'est pour avoir l'amour qu’on n’a pas? Quand je me suis posé la question, j’ai compris.
Vous aurez 80 ans l'année prochaine...
Oui, j’espère vivre aussi vieille que Janette. Je pense à elle, parfois. Elle est bien entourée. Heureusement qu’elle a son conjoint. Quand elle m'a raconté son histoire d'amour avec lui, j’ai trouvé ça beau et touchant en tabarouette... À cause de l'opération que j'ai subie l'année dernière, qui était quand même une intervention assez sérieuse, je me suis donné un an pour voir ce que je comptais faire. Est-ce que je vais rester dans mon musée? Est-ce que je vais chercher l'aide de quelqu'un qui pourrait vivre avec moi et m'aider? Est-ce que je déménage dans un logement plus petit? À un moment donné, je voulais que mes enfants viennent vivre ici, dans un quadruplex. Je me suis donné jusqu'au mois de janvier pour réfléchir à toutes ces questions.

Ce n'est pas la première fois que vous vivez une certaine ambivalence par rapport à votre maison...
Actuellement, c'est surtout parce que j'ai de la difficulté. Je souffre d’arthrose sévère. J’ai de la difficulté à marcher. Je me suis acheté une chaise roulante électrique et j’utilise mon déambulateur à la maison. Je fais beaucoup d'exercices pour continuer à marcher. Je marche penchée comme une petite vieille, mais j'ai accepté ça. Quand je me réveille la nuit, je m'accroche à ma valise et je l'utilise comme un déambulateur. Je me promène avec et je fais tous mes exercices de jambes avec ma valise.
Vous avez subi une importante opération l'année dernière. Que vous est-il arrivé?
On m’a enlevé à peu près 14 pouces d'intestin. J'avais des fistules. J'ai fait des abcès et toutes sortes d'affaires. Les trois dernières années ont été chargées sur le plan de la santé. Avant ça, j’ai eu de l'arythmie sévère. J'ai été opérée. On m’a enlevé la vésicule biliaire. On m’a opérée au niveau du tunnel carpien, mais ça n'a pas marché.
Mais vous restez active malgré tout?
Oui, malgré certaines journées où je me couche et je dors. Ou encore, je m'assois et je me berce. Je n'ai pas de ressources. C'est inexplicable. Je fais du diamond painting (broderie de diamant) et je fais des casse-têtes. Je me chante des berceuses et je m'endors en les chantant.
Acceptez-vous sereinement de vieillir?
Vieillir, ça me dérange. Je ne pensais pas que c'était ça. Ce n'est pas toujours agréable. Je suis vers la fin, je ne suis pas au début. Il y a beaucoup de deuils extrêmement difficiles à faire. Par exemple, j’ai besoin de me baigner. J’adore la mer, mais je ne suis plus capable de m’y rendre toute seule. Je trouve ça triste de ne pas être capable d'aller dans l'eau. J'ai de la difficulté avec mon équilibre en ce moment. Je peux faire deux heures, trois heures d'exercice, mais ça ne m'amène pas encore dans l'eau de la mer. Pour y aller, il faut que deux personnes me tiennent.
Vient un moment où on ne peut plus récupérer ce qui est perdu...
Oui, et en ce moment, je suis en deuil. Je me demande si je dois quitter ma maison. Je ne sais pas, mais j’ai confiance que la vie va se charger de me montrer ce que je dois faire.
Cette vision de la vie vous aide-t-elle à vieillir?
Oui, il faut développer une grande ouverture d'esprit. Il n’y a que l’âme qui reste. Je donne une conférence sur vivre et mourir dans laquelle je dis qu'à partir du moment où on vient au monde, on meurt à quelque chose, et on naît à autre chose. On meurt toute notre vie à plein d'affaires.
Comment comptez-vous célébrer votre anniversaire?
Je veux publier un livre avec quatre CD: Entre la vie, la mort, l'amour et moi. Il y aura donc un CD sur la vie, un sur l'amour, un sur la mort et un sur moi. Toutes les pièces seront originales, et chacune aura son chapitre dans le livre. Par exemple, si les gens veulent une chanson de funérailles, ils auront un autre choix que Ceux qui s'en vont ou L’essentiel. Je travaille toujours avec ma gang.
C’est quand même extraordinaire qu’à près de 80 ans, vous soyez encore en train de planifier des projets! Quand on fait ce qu’on aime, on ne pense pas à la retraite?
Non, je n’ai jamais pensé à ça. C’est un mot qui n’existe pas dans mon vocabulaire.
Faites-vous seulement ce qui vous intéresse?
Oui, sinon, je ne fais rien. Ça ne me tente plus. Je n’ai plus de temps à perdre. J’en ai déjà perdu pas mal par le passé... (sourire)
Les grands honneurs
Après avoir reçu plusieurs honneurs durant sa carrière, Ginette Reno a encore été honorée à plusieurs reprises ces dernières années. Après avoir reçu la Légion d’honneur le jour de ses 76 ans, Ginette était à nouveau célébrée par la France en juin dernier alors qu’elle était faite commandeure de l’Ordre des Arts et des Lettres par le consul général de France à Québec, Éric Lamouroux. En mai dernier, elle faisait aussi son entrée au Panthéon de la musique canadienne. Des honneurs largement mérités!
Le courrier du cœur de Ginette
L’équipe de La Semaine est fière d’annoncer que la grande dame de la chanson reprendra son courrier du cœur dans le cadre du 20e anniversaire du magazine. Vous pouvez lui écrire à l’adresse suivante: lettrespourginette@lasemaine.ca.