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L'article provient de 24 heures

Lâchez les candidats d’OD Chypre avec leur français!

Photomontage Benoit Dussault
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Photo portrait de Andrea Lubeck

Andrea Lubeck

2025-09-23T10:00:00Z
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BILLET — Dans la vie, il y a trois certitudes, selon Benjamin Franklin: la mort, les impôts et les fautes de français des candidats d’Occupation Double. Si les deux premières sont plus sérieuses, est-ce qu’il faut vraiment faire tout un plat avec les pratiques langagières des participants d’une téléréalité de dating?

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Les candidats d’OD sont loin de manier la langue de Molière comme Nelligan; ça, c’est impossible à nier. Les mots et les expressions qui sortent de leur bouche pourraient parfois s’inscrire au panthéon des meilleurs perronismes.

À preuve: les mots «patagonienne», «pantasexuelle» et «péquistarienne» ont été inventés pour désigner la diète pescétarienne de Béatrice, l’étudiante en sociologie de 23 ans.

Un de mes comptes Instagram préférés est même entièrement dédié aux pépites que disent les participants depuis maintenant quatre ans.

Cette année encore, OD pépites ne risque pas de manquer de contenu.

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N’empêche, je ne pense pas que les erreurs langagières des candidats soient graves au point d’y consacrer un papier presque complet à chaque nouvelle cuvée, comme l’a fait le chroniqueur télé de La Presse , Hugo Dumas, lundi dernier.

«Merci pour cette phrase tellement OD qu’elle fait mal aux oreilles, aux yeux et au Larousse», écrit-il à propos d’un commentaire passé par Maxime, le pilote de Dieppe, au Nouveau-Brunswick.

Selon le chroniqueur, il s’agirait même de l’une des marques de commerce d’OD. «[...] L’équipe de production a ramené la téléréalité à ses origines plus sulfureuses et stéréotypées, celles qui génèrent du drame, des larmes et du mauvais français», dit-il dans sa chronique publiée à l’occasion de la première d’OD Chypre.

Spontanéité et authenticité

Qui peut réellement se vanter de n’avoir jamais mal utilisé un mot ou déformé une expression?

Mes collègues de 24 heures et moi, on est unanimes (coucou, Yorick): personne n’est à l’abri d’une faute. Antidote est essentiel pour s’assurer que le français dans nos textes soit impeccable. Il arrive même que des erreurs nous échappent. Qu’on nous jette la première pierre!

Coupés de la civilisation et des technologies, les célibataires les plus hot du Québec, eux, n’ont pas accès à Antidote. La plupart n’a pas non plus la même formation que les personnalités médiatiques que l’on retrouve chaque jour sur nos écrans.

«Si tu n’as pas à utiliser la langue dans plein de contextes différents, si tu n’as pas à pratiquer ce muscle-là, d’utiliser un registre plus soutenu, il y a différentes choses qu’on a apprises à l’école qui peuvent se perdre», souligne Ann-Frédérick Blais, étudiante au doctorat en linguistique à l’Université Laval.

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Il ne faut pas oublier qu’ils sont constamment filmés et que les extraits qui nous sont présentés sont tirés, en grande partie, de conversations spontanées.

«Les normes langagières, c’est des normes sociales, au même titre que les vêtements. J’ai des vêtements que je porte pour aller au travail, puis j’ai des vêtements que je porte le dimanche matin, à la maison», illustre la sociolinguiste, qui a consacré sa thèse de maîtrise aux attitudes et idéologies linguistiques envers les candidats d’OD chez nous.

Notre volonté d’entendre un français parlé quasi parfait à la télévision est également «paradoxal» avec notre désir de voir des candidats authentiques, ajoute-t-elle.

Purisme et intolérance

Pour Ann-Frédérick Blais, les critiques et les moqueries témoignent d’une sorte de purisme à propos la langue française.

«C’est comme si on était au service de la langue, qu’on doit lui rendre des comptes. Sauf que, dans les faits, une langue est au service de ses locuteurs. Elle s’adapte à nos besoins», croit-elle.

Elle rappelle d’ailleurs que le français n’est parfois pas la langue maternelle des candidats.

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C’était le cas, notamment, de Cintia De Sa et de Stacey Giannopoulos, toutes deux participantes à OD chez nous en 2020, pour qui le français était la troisième langue.

Plusieurs des commentaires sur les réseaux sociaux à propos de la langue les concernaient, comme l’a rapporté Ann-Frédérick Blais dans son mémoire:

«Le français de Cintia est encore malouk après toutes ces années», a écrit un internaute.

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«“Affectionneuse”, ce n’est pas un mot, Stacey», a commenté une autre personne.

Selon la sociolinguiste, ils révèlent une certaine intolérance envers les allophones.
«C’est un peu dire qu’ils ne s’intègrent pas à la société québécoise. C’est très parlant, ça en dit beaucoup sur notre rapport aux autres.»

Un discours «alarmiste»

Elle juge aussi «alarmiste» le discours selon lequel la qualité de la langue des candidats d’OD représente un symptôme du déclin du français au Québec.

«On oublie souvent que les pratiques langagières plus jeunes, comme le franglais, ça peut être éphémère», souligne la sociolinguiste.

La question se pose: est-ce que c’est vraiment la job des candidats d’OD d’assurer la survie du français au Québec, d’abord engagés pour divertir les téléspectateurs?

À cela, Ann-Frédérick Blais répond simplement: «Je comprends l’inquiétude que le public peut avoir, je l’observe. Mais je ne pense pas que ce soit la mission première des candidats de téléréalité de devoir enseigner ou être des modèles langagiers.»

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