La fin du «tabou»: un agent prédit une nouvelle ère d’offres hostiles

Nicolas Cloutier
C’est le début d’un temps nouveau. Un chapitre important de l’histoire de la Ligue nationale de hockey (LNH) pourrait s’écrire dès le 1er juillet 2025: l’été des offres hostiles.
Les offres hostiles ont longtemps été un vœu pieux des médias, mais les murmures à travers la LNH sont de plus en plus audibles, impossibles à ignorer. Ils ne sont plus des chuchotements, en fait: le vice-président aux opérations hockey du Canadien de Montréal, Jeff Gorton, a dit publiquement s’attendre à une hausse de ce genre d’offres, dans son bilan de fin de saison de lundi.
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Ce sentiment est partagé par les agents certifiés par l’Association des joueurs, dont le très influent Allain Roy, avec lequel TVA Sports s’est entretenu.
«Pendant longtemps, c’était un tabou. Il y avait un gentlemen’s agreement entre les équipes. Maintenant, j’ai l’impression qu’on va en voir plus. Le feeling à travers la ligue, c’est qu’on va vivre un été comme ça», prédit au téléphone Roy, dont la masse salariale des clients s’élève à 391 M$, selon PuckPedia.
Ce changement de paradigme, s’il se concrétise, il serait majeur.
«En 25 ans de carrière, seulement une fois je suis passé proche d’une offre hostile avec un de mes clients, révèle Roy. C’est vous dire à quel point les choses n’ont pas beaucoup changé. Là, je pense que ça va changer un peu.
«Dans le passé, il n’y a personne qui pensait même à faire une offre à un joueur de deuxième ou de troisième trio.»
Des conflits avaient laissé des cicatrices. Kevin Lowe et Brian Burke en étaient presque venus aux coups dans une grange dans la foulée de l’offre hostile des Oilers d’Edmonton à Dustin Penner des Ducks d’Anaheim en 2007.
«Ça avait lancé une guerre entre les deux, rappelle Roy, et je pense que, par conséquent, tout le monde était un peu nerveux. Mais là, ça va éclater un peu.»
Les offres hostiles pourraient devenir un mécanisme incontournable pour accélérer les reconstructions.
«Comme on l’a vu l’été passé avec St. Louis, ça fait une grosse différence», mentionne Roy, faisant allusion aux ajouts de Philip Broberg et Dylan Holloway, qui ont aidé les Blues à se qualifier pour les séries cette saison. «Tu peux couper les coins ronds un peu et aller chercher un joueur déjà établi pour t’aider.
«Ça peut vraiment raccourcir le chemin d’une reconstruction.»

Regarder plus loin que les supervedettes
La décision culottée du DG des Blues, Doug Armstrong, de profiter de la situation délicate des Oilers vis-à-vis le plafond salarial pour leur arracher Holloway et Broberg a ouvert les yeux de bien des dirigeants à travers la LNH l’été dernier.
«Je l’aurais fait à ma propre mère si elle était DG des Oilers», avait fait savoir Armstrong, une déclaration qui avait frappé l’imaginaire.
Une offre hostile n’est pas une déclaration de guerre, mais un outil. Il était temps pour les DG de les voir de façon plus pragmatique.
«C’est surtout le fait que les Blues n’ont pas visé de gros noms, ajoute Allain Roy. Par le passé, il y a eu des offres hostiles à des supervedettes comme Sergei Fedorov, par exemple. Ce qui a été fait l’été dernier, c’est beaucoup plus accepté.
«Avant, ceux qui étaient visés étaient surtout des joueurs de premier trio qui produisaient beaucoup de points. Là, je pense qu’on va voir des joueurs d’un peu partout dans la formation [être ciblés].
«Ça fait longtemps que ça fait partie de la convention collective. Maintenant, il y a beaucoup de directeurs généraux qui comprennent que c’est quelque chose qu’on peut utiliser pour rebâtir son équipe.»
Les échelons
On aurait tort de penser que l’offre hostile est une stratégie efficace pour attirer les plus gros poissons sur le marché. L’essentiel du temps, l’offre sera égalée. C’est dans le cas des joueurs de deuxième ou troisième trio, par exemple, que ça devient plus intéressant.
«La compensation pour ce genre de joueur n’est pas aussi importante que les gens le pensent», observe Roy.
L’échelle de compensations offertes aux équipes qui perdent un joueur par voie d’offre hostile change chaque année. La voici pour 2024:
1,51 M$ ou moins | Aucune compensation
1,51 M$ à 2,29 M$ | Choix de 3e tour
2,29 M$ à 4,58 M$ | Choix de 2e tour
4,58 M$ à 6,87 M$ | Choix de 1er et 3e tours
6,87 M$ à 9,16 M$ | Choix de 1er, 2e et 3e tours
9,16 M$ à 11,45 M$ | Deux choix de 1er tour, un choix de 2e tour et un choix de 3e tour
Au-dessus de 11,45 M$ | Quatre choix de 1er tour
Cette échelle de compensation est établie par la Ligue en fonction du salaire moyen des joueurs. Celle qui sera en vigueur pour 2025 devrait être dévoilée par la Ligue un peu avant le repêchage.
«Comme le plafond a monté de 5%, il est raisonnable d’estimer que les échelons de compensation vont monter d’approximativement 5%», explique le fondateur de PuckPedia, Hart Levine, dans un échange de messages privés.
Et comment une offre hostile se concrétise-t-elle, exactement? Qui est le premier à bouger: l’agent ou le DG?
«Les médias, lance Roy du tac au tac en riant. Les médias vont sortir des rumeurs et ce sera le point de départ. Sinon, d’habitude, ce sont les équipes qui bougent en premier, mais il y a des agents qui sont plus agressifs de ce côté-là.»