La Caisse de dépôt veut sortir des paradis fiscaux, jure son PDG

Sylvain Larocque | Le Journal de Montréal
La Caisse de dépôt veut sortir des paradis fiscaux, a insisté mardi son PDG, Charles Emond, une affirmation étonnante compte tenu des nombreux investissements que détient encore l’institution dans ces pays.
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«On ne veut pas être dans les paradis fiscaux, c’est ce que la nouvelle politique dit», a déclaré le dirigeant au chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon lors d’une commission parlementaire.
«Ce n’est pas [seulement] une intention, a-t-il ajouté. La politique, ça veut dire qu’on se régit de cette façon-là.»
Or, selon un décompte effectué par le chroniqueur Michel Girard, la Caisse détenait, en date du 31 décembre, des placements d’une valeur totale d’une vingtaine de milliards de dollars dans plus de 150 entreprises et fonds constitués dans des paradis fiscaux, dont au moins une vingtaine aux îles Caïmans.
Dossiers sous enquête
S’éloignant de la question spécifique des paradis fiscaux, M. Emond a précisé que la Caisse a identifié, dans ses investissements, 11 dossiers d’une valeur totale d’environ 1 milliard $ où l’on trouvait des impôts anormalement bas. La Caisse a fixé la barre à 15 % des profits, soit le seuil établi dans un accord conclu en 2021 à l’OCDE.
Jusqu’à tout récemment, l’institution justifiait sa présence dans les paradis fiscaux par sa volonté de «reproduire l’exemption d'impôt» dont elle jouit au Canada et dans d’autres pays.
Dans certains cas, l’institution dit avoir convaincu des entreprises de modifier leurs structures fiscales. Dans un cas, celui de la multinationale québécoise Gildan, la Caisse s’est retirée complètement (l’an dernier).
Pour ce qui est de son investissement dans la zone franche de Jebel Ali, aux Émirats arabes unis, Charles Emond a dit croire qu’«à terme» l’entreprise allait payer au moins 15 % d’impôt.
Il défend les bonis
M. Emond a par ailleurs soutenu que le programme de bonis de la Caisse est équitable même s’il permet parfois à des dirigeants de l’institution d’être récompensés pour des rendements auxquels ils n’ont pas contribué.
Rappelons qu’une partie des bonis versés aux salariés de la Caisse est basée sur le rendement généré pendant une période de cinq ans, même pour ceux qui sont à l’emploi de l’institution depuis moins longtemps.
«Il est vrai [...] qu’il y a des personnes que ça avantage un peu au début. Il y en a que ça désavantage énormément», a dit M. Emond.
«Il est préférable que dans l’organisation, on soit tous sur un même alignement [...], sinon on aurait 1500 personnes avec des données différentes en fonction du moment où elles sont arrivées», a-t-il poursuivi.
Le grand patron de la Caisse a assuré que la formule n’a pas joué en sa faveur. «Est-ce que ça m’avantage que ma rémunération contienne [les années] 2018 et 2019, soit avant que j’arrive comme PDG? La réponse, c’est non. Ça me désavantage.»
Pour l’année 2022, la Caisse a versé 192,8 millions en primes de rendement à ses employés, soit une cagnotte 2,6 % plus élevée qu’un an plus tôt. Le boni moyen versé à chaque salarié a toutefois reculé de 6 % en raison de la baisse du rendement de l’institution sur cinq ans, lequel a été tiré vers le bas par la performance de -5,6 % enregistrée par l'institution en 2022.
À eux seuls, les six dirigeants les mieux rémunérés de la Caisse ont eu droit à des primes totales de 10,9 millions $ pour 2022.