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L'article provient de Le Journal de Montréal
Santé

L'impact des mots et des petites phrases assassines qui nous empoisonnent la vie

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Photo portrait de Dre Christine Grou, psychologue

Dre Christine Grou, psychologue

2025-05-25T16:00:00Z
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«Tu ne seras jamais capable.» «Tu n’as pas honte?» «Arrête de dire des bêtises.» Lorsqu’elles sont lancées à répétition, ces remarques blessantes peuvent nous «jouer dans la tête», comme le veut l’expression, c'est-à-dire porter atteinte à notre intégrité psychologique.

On peut imaginer ces petites phrases assassines, répétées au fil du temps, comme des projectiles silencieux: elles ne font pas de bruit, s’infiltrent sans éclat, mais peuvent laisser en nous de profondes blessures. On pourrait d’ailleurs comparer une personne qui les reçoit sur une base régulière à une pomme que l’on heurte à plusieurs reprises: à l’extérieur, elle semble intacte, toujours bien rouge et lisse. Mais à l’intérieur, sa chair ferme et blanche s’abîme peu à peu, jusqu’à brunir et ramollir.

Cela dit, il est important de souligner qu’une simple remarque maladroite ou négative n’aura pas pour effet de blesser à vie une personne. Il ne faut donc pas s’empêcher de parler ni encore se culpabiliser à outrance si on s’exprime de façon plus impulsive ou tranchée, que ce soit en raison de la fatigue ou de l’exaspération.

Un commentaire maladroit, formulé sous le coup de l’impatience ou du stress, peut arriver à tout le monde. Nous sommes tous humains, imparfaits, et parfois dépassés par les circonstances.

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Et ce qui importe lorsque l’on prononce une parole blessante, c’est la capacité de reconnaître son erreur, de prendre conscience de l’impact de ses mots et d’offrir des excuses sincères quand il le faut.

La répétition, ce poison

Le réel danger réside non pas dans une seule remarque négative, mais plutôt dans la répétition, dans un climat où la critique devient la norme. Comme un poison administré à petites doses, l’exposition répétée à des remarques désobligeantes peut avoir pour effet de remettre en doute notre valeur, nos capacités et notre droit au chapitre.

Cela est particulièrement vrai chez les enfants, qui sont non seulement en pleine construction de leur identité, mais aussi en développement de leur estime de soi, de leur sécurité affective et de leurs compétences émotionnelles.

Le supplice de la goutte

En effet, des paroles blessantes et répétées, surtout lorsqu’elles proviennent de figures significatives comme les parents ou les enseignants, peuvent miner la confiance de l’enfant et altérer son sentiment de sécurité intérieure.

Plus sensibles à l’opinion des adultes, les enfants sont donc particulièrement vulnérables à ces messages constants, qui peuvent parfois laisser des traces durables bien au-delà de l’enfance.

Cela dit, si un enfant entend parfois des paroles malheureuses d’un parent impatient, l’ensemble des gestes affectueux et des mots encourageants peut agir comme un filet de sécurité émotionnelle. Ce climat l’aide à remettre les choses en perspective, à comprendre qu’une phrase blessante ne résume pas toute sa valeur en tant que personne.

Ce filet protecteur permet souvent d’amortir les coups et d’éviter qu’ils laissent des traces durables.

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Un bouclier contre ces attaques

Par ailleurs, il est aussi possible de mieux se protéger de l’impact des paroles blessantes. Non pas en devenant insensible, mais en renforçant notre sentiment de sécurité psychologique: le fait de se sentir aimé, respecté et accepté tel que l’on est, même dans l’imperfection.

Quand ce sentiment est bien ancré, il alimente la confiance en soi, c’est-à-dire la conviction d’être capable d’agir, de réussir, de faire face. Il soutient aussi l’estime de soi, qui correspond au sentiment d’avoir de la valeur. Non pas parce qu’on est parfait, mais simplement parce qu’on existe, avec nos qualités et nos défauts.

Soulignons que la confiance en soi et l’estime personnelle ne sont pas figées. Elles peuvent se développer tout au long de la vie, grâce à des relations positives, à des réussites personnelles, mais aussi par le regard bienveillant de ceux qui nous entourent.

Il faut ainsi comprendre que l’œuf ne va pas sans la poule, autrement dit, que l’un ne va pas sans l’autre: pour pouvoir développer cette sécurité qui nous aide à mieux nous protéger des critiques constantes, il faut aussi pouvoir être à l’abri des microblessures assénées trop fréquemment.

Des mots pour panser les blessures

Sachant que les mots peuvent heurter, il importe de les peser, même dans les moments d’impatience, et de se rappeler que les remarques négatives qu’on répète peuvent résonner longtemps chez l’autre.

Par ailleurs, si l’on ne choisit pas toujours ce que l’on entend, on peut apprendre à mieux se protéger en s’entourant de personnes bienveillantes, en cultivant notre confiance et notre estime de soi, et en se parlant à soi-même avec douceur.

En définitive, tous les mots ne se valent pas. Et s’il est vrai que les paroles répétées peuvent faire mal, il est tout aussi vrai qu’elles peuvent, lorsqu’elles sont imprégnées de sensibilité, d’empathie et de bienveillance, aider à panser les blessures.

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