L'«Amérique d’abord» de Trump dans les océans menace-t-elle le droit de la mer?

AFP
La porte ouverte par Donald Trump à l'extraction minière sous-marine en haute mer, fustigée par les défenseurs de l'environnement, pourrait plus largement menacer la gouvernance des océans, estiment des experts qui contestent le droit des États-Unis à franchir ce pas sans contrôle international.
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Règles de navigation ou exploitation des ressources, le droit de la mer est largement régi par la Convention de l'ONU du même nom (Unclos), adoptée en 1982 pour tenter d'empêcher «une lutte sans merci» pour le contrôle des fonds marins, selon les mots de son père spirituel, le diplomate maltais Arvid Pardo.
Les États-Unis ne l'ont jamais ratifiée, mais ils appliquent nombre de ses clauses que certains considèrent comme partie intégrante du «droit coutumier international».
Et ils «sont un immense bénéficiaire» de ces règles, profitant d'une des plus grandes Zones économiques exclusives (ZEE) ou de la liberté de navigation pour leurs navires de guerre, explique à l'AFP Coalter Lathrop, avocat international au cabinet américain Sovereign Geographic.
Alors quand dans le même temps «vous ignorez le reste du contrat -- que les fonds marins et leurs minerais dans les eaux internationales sont Patrimoine commun de l'humanité--, c'est déstabilisant (...) pour l'ordre légal des océans».
«Une autorisation unilatérale américaine pourrait mener à une désintégration d'un système soigneusement sélectionné et conçu par les États-Unis pour leur propre bénéfice», met-il en garde.
Les États-Unis ont ainsi largement influencé la Convention Unclos qui a créé les ZEE, espace maritime sur lequel un État exerce une souveraineté exclusive jusqu'à 200 milles nautiques (370 km) des côtes, empêchant par exemple les bateaux de pêche étrangers de venir s'y servir.
Fin avril, Donald Trump a signé un décret demandant à son administration d'accélérer la délivrance de permis d'exploitation de minerais convoités, y compris dans les eaux internationales, en vertu d'une loi américaine de 1980.
«Effilochage»
Dans la foulée, l'entreprise canadienne The Metals Company a déposé aux États-Unis la première demande d'extraction commerciale en haute mer. Contournant ainsi l'Autorité internationale des Fonds marins (AIFM) à qui Unclos a confié la gestion du plancher océanique hors des juridictions nationales.
Ces développements ont provoqué une levée de boucliers des défenseurs des océans et de nombreux États membres de l'AIFM, dont la Chine, dénonçant une violation du droit international.
Une telle action «unilatérale» crée «un dangereux précédent qui pourrait déstabiliser la totalité du système de gouvernance des océans», a déploré la secrétaire générale de l'AIFM, Leticia Carvalho.
Ce décret est ce que Donald Trump «a fait de plus dangereux», estime Guy Standing, économiste à l'université de Londres, qui craint un «effilochage» d'Unclos poussant d'autres pays à se sentir libres de s'affranchir du droit de la mer.
«Cela pourrait mener à un découpage dans différentes parties du monde», avec par exemple «la Russie, la Chine et l'Amérique morcelant l'Arctique», déclare-t-il à l'AFP.
Argument rejeté par James Kraska, professeur de droit maritime international au Naval War College américain, qui juge «naïf de penser que les États-Unis ont ce type d'influence» dans un monde qui n'est plus «unipolaire».
Il s’étonne également de l'argument consistant à dire qu'il y aurait «une obligation légale à respecter un traité que nous n'avez jamais rejoint», soutenant ainsi le droit de Washington et de TMC à se lancer en dehors du contrôle de l'AIFM.
«Je comprends qu'il y ait une opposition politique, mais il faut faire la différence entre la politique et la loi».
Mais d'autres États, membres de l'AIFM, pourraient eux invoquer leur obligation de faire respecter ce droit international à leurs entreprises, pour tenter de freiner TMC, notent des experts.
Comme le Japon, où TMC a un partenariat avec le fondeur Pamco pour la transformation des nodules polymétalliques récoltés dans le Pacifique.