Payer jusqu’à 10 000 $ pour trouver l’âme sœur
Les agences de rencontre proposent des matchs personnalisés aux clients


Nora T. Lamontagne
Vous pensiez que les agences de rencontre avaient disparu à cause de Tinder et d’autres applications du genre ? Détrompez-vous : leurs services sont plus populaires que jamais et certains sont prêts à payer le gros prix.
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« Les gens demandent souvent comment on fait pour survivre avec les applications, mais c’est de là que viennent tous nos clients ! » s’exclame Joan Paiement, propriétaire de l’agence Intermezzo, basée à Montréal.
Car, découragés par les possibilités en apparence infinies, plusieurs célibataires abandonnent les algorithmes pour se tourner vers un matchmakeur en chair et en os.
Pas n’importe qui
« C’est aussi que mes clients sont souvent très occupés, et que chercher le bon partenaire, c’est une job en soi. Alors, je m’en occupe à leur place », résume la matchmakeuse québécoise Susan Alper, qui travaille à son compte.
La clientèle de ces agences est surtout composée de professionnels de tous âges, relativement aisés ; la consultation initiale s’élève à quelques centaines de dollars, mais la facture totale peut facilement atteindre 10 000 $, selon le forfait choisi.
- Écoutez l’entrevue de Natacha Beatty, directrice et matchmaker sénior chez Intermezzo
Les systèmes diffèrent selon les entremetteurs et les agences, mais il faut d’abord rencontrer les clients et connaître leurs exigences.
Tous, sans exception, arrivent avec une « liste d’épicerie » de critères de l’homme ou de la femme de ses rêves – traits physiques, intérêts, valeurs, etc.
« Personnellement, ça m’arrive d’interviewer des clients et de tout de suite avoir quelqu’un en tête pour eux », dit Mme Alper, qui se fie à sa grande écoute et sa mémoire photographique.
Chez Intermezzo, on consulte aussi une base de données qui compte des milliers de profils de membres.
Mais le travail des matchmakeuses consiste aussi à encourager leurs clients à déterminer ce qui est nécessaire à une relation épanouie, et ce qui l’est moins... comme la grandeur.
« Toutes les femmes ou presque veulent des hommes grands. Mais la taille moyenne au Québec c’est [5 pi 9 po] ! On leur dit qu’elles se ferment beaucoup de portes en se limitant à 6 pi et plus », illustre Sarah Papadomanolakis, matchmakeuse chez Intermezzo.

Cupidon à l’œuvre
Quand les deux parties sont d’accord pour faire connaissance, « Cupidon » organise leur première rencontre, que ce soit un souper aux chandelles ou une sortie en patins.
Puis, les matchmakeuses font le bilan du rendez-vous et continuent leurs recherches au besoin.
Dans les faits, « 70 à 80 % des matchs se revoient pour une deuxième rencontre », affirme Joan Paiement, dont l’agence coordonne une centaine de dates par semaine.
Et souvent, la bonne personne ne correspondait même pas à tous leurs critères initiaux, glisse-t-elle.
Conseils d’une pro pour un premier rendez-vous
- On a juste une chance de faire une bonne première impression, rappelle la mathchmakeuse senior Joan Paiement, d’où l’importance de bien se préparer.
- Certains sujets sont à éviter... comme son ex, son travail qu’on déteste, etc. « Ça doit être positif à 100 % », affirme Mme Paiement, aussi coach de dating.
- Il faut être ouvert d’esprit et ne pas être trop rigide si la personne ne correspond pas à 100 % de tous ses critères. « Qui sait, ça pourrait être le bon », ajoute-t-elle.
Créer l’amour à deux mètres de distance
Les matchmakeurs ont continué à jumeler des âmes sœurs pendant la pandémie, qui a apporté son lot de défi pour une industrie où la distanciation sociale n’est pas toujours respectée.
« En partant, il y avait beaucoup moins d’options d’activités pour les couples », illustre Sarah Papadomanolakis, de l’agence de rencontres Intermezzo.
Plutôt que des premiers rendez-vous au resto, les matchmakeurs ont dû proposer des pique-niques gourmands, et à peu près n’importe quelle activité de plein air possible.
« J’ai l’impression que les gens ont été plus... eux-mêmes. Avant la pandémie, ils se donnaient beaucoup plus en spectacle », constate Susan Alper, entremetteuse depuis 14 ans.

N’empêche, la réouverture des restaurants a été accueillie avec un soupir de soulagement par leur industrie, malgré les restrictions toujours en vigueur.
« C’est vraiment dur cette année pour la Saint-Valentin au Québec. Avec les restos qui sont ouverts à 50 % de leur capacité, tout est déjà réservé », affirme Mme Alper, qui compte de nombreux clients à l’international.
Maintenant ou jamais
Si le confinement a été à l’origine de plusieurs divorces, il en a aussi encouragé certains à se mettre à la recherche de l’âme sœur plus sérieusement.
« Ç’a provoqué une remise en question chez plusieurs célibataires qui se sont retrouvés isolés et qui se sont tournés vers nous », fait remarquer Mme Papadomanolakis.
« Ils ne viennent pas nous voir parce qu’ils sont incapables de trouver quelqu’un pour une date. Ça, c’est facile. Non, ils veulent quelque chose de sérieux », précise Mme Alper, aussi coach de lifestyle à ses heures.
La pandémie a néanmoins ajouté un niveau de difficulté à l’équation de compatibilité entre deux personnes : le statut vaccinal.
« On ne peut pas poser la question s’ils sont vaccinés ou non, et on ne peut pas dire si un membre est vacciné ou non », explique Sarah Papadomanolakis.
Certains vont ouvertement parler de leurs trois doses, mais pas tous.
« Au final, les gens s’en rendent compte [à cause du passeport vaccinal] quand vient le temps d’aller au resto », affirme Mme Papadomanolakis.