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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Journée nationale de la vérité et de la réconciliation: un rappel crucial en cette période de débats critiques

Élèves du pensionnat indien de Metlakatla
Élèves du pensionnat indien de Metlakatla William James Topley / Bibliothèque et Archives Canada
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Photo portrait de Martin Landry

Martin Landry

2023-09-30T04:05:00Z
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Le 30 septembre marque la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation au Canada.

Cette journée est l’occasion de rendre hommage aux enfants qui ont perdu la vie, aux survivants des pensionnats autochtones ainsi qu’à leurs familles et leurs communautés. Des commémorations publiques mettent en lumière la mémoire d’une gigantesque tragédie humaine et culturelle. Nul ne peut nier ni minimiser la souffrance vécue par ces premiers peuples d’Amérique. Présenter la vérité et la dévoiler au grand jour est possiblement le premier geste à poser pour qu’on puisse se réconcilier et envisager de tisser ensemble un avenir commun.

Nouvelle-France

Les premières écoles autochtones sont créées sous le régime français par des missionnaires catholiques. Toutefois, les gouvernements coloniaux n’étaient pas en mesure d’imposer la fréquentation de ces établissements scolaires parce que les Premières Nations vivaient librement sur le territoire et que les Européens dépendaient d’eux pour leur lucratif commerce des fourrures.

Premier pensionnat

Pendant plus de 150 ans, des enfants des Premières Nations, du peuple inuit et de la Nation métisse ont été enlevés à leurs familles et forcés d’aller dans des écoles. On estime que plus de 150 000 enfants ont fréquenté un des 130 pensionnats à travers le pays entre le XIXe siècle et la fin des années 1990. Nombreux sont ceux qui ne sont jamais revenus dans leur communauté. 

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Période d'étude au pensionnat indien de Fort Resolution, Territoires du Nord-Ouest.
Période d'étude au pensionnat indien de Fort Resolution, Territoires du Nord-Ouest. Bibliothèque et Archives Canada

À partir des années 1830, les pensionnats autochtones deviennent une partie intrinsèque des politiques gouvernementales et religieuses, avec la création d’établissements anglicans, méthodistes et catholiques romains dans le Haut‐Canada (Ontario). 

Le premier pensionnat autochtone géré par le clergé a ouvert ses portes en 1831 (le Mohawk Institute, situé dans ce qui est maintenant Brantford, en Ontario). L’institut prend d’abord la forme d’une simple école pour garçons pour des enfants des Six Nations, puis il se transforme en pensionnat. Cette école et plusieurs autres fondées à la même époque serviront de modèles pour la politique d’assimilation créée par l’État fédéral après la Confédération (1867). 

  • Écoutez la rencontre Durocher-Dutrizac diffusée chaque jour en direct 12 h 35 via QUB radio :

Dès les années 1880, le gouvernement canadien institutionnalise ce système d’assimilation en mettant en place une politique publique de financement pour ces pensionnats. Le gouvernement, appuyé par les Églises, met sur pied un vaste réseau d’écoles pour acculturer ces enfants à travers le pays. La plupart de ces maisons d’éducation se situent dans les provinces de l’Ouest et dans les territoires, mais on en trouve aussi plusieurs dans le nord-ouest de l’Ontario et dans le nord du Québec.

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Au total, il y a eu environ 130 pensionnats autochtones au Canada de 1831 à 1996. La Loi sur les Indiens, d’abord introduite en 1876, a donné au gouvernement canadien l’autorisation de contrôler presque tous les aspects de la vie des peuples des Premières Nations. Les politiques de cette loi ont été appliquées de façon incohérente aux communautés métisses et inuites.
Au total, il y a eu environ 130 pensionnats autochtones au Canada de 1831 à 1996. La Loi sur les Indiens, d’abord introduite en 1876, a donné au gouvernement canadien l’autorisation de contrôler presque tous les aspects de la vie des peuples des Premières Nations. Les politiques de cette loi ont été appliquées de façon incohérente aux communautés métisses et inuites. Photo fournie par Martin Landry

Tuer l’Indien dans l’enfant

L’objectif est sans équivoque, on cherche à arracher ces enfants de l’influence de leurs familles et de leurs cultures. Pour n’en échapper aucun, le législateur vote en 1920 une nouvelle disposition de la Loi sur les Indiens pour rendre obligatoire la fréquentation des pensionnats autochtones pour les jeunes âgés de 7 à 15 ans ayant le statut d’Indien. 

Ces pensionnats sont bien mal financés et généralement surpeuplés. On y offre aussi un enseignement de piètre qualité. En raison du financement limité, ces établissements sont gérés avec un minimum de ressources. La nourriture de mauvaise qualité est en quantité insuffisante. Bien souvent, les pensionnaires ne mangent pas à leur faim, et plusieurs d’entre eux souffrent de malnutrition. Les plus faibles sont évidemment plus vulnérables pour combattre des maladies comme la tuberculose ou la grippe. On n’a qu’à penser à la terrible épidémie de grippe espagnole de 1918-1919. 

Acculturation au programme

En classe, ils apprennent surtout le christianisme, mais aussi à devenir de bons Canadiens. On enseigne en anglais ou en français, et si un enfant est surpris à parler sa langue maternelle, il est sévèrement puni. 

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Les tentatives d’assimilation des enfants commencent dès leur premier jour à l’école. On coupe les cheveux longs des garçons, on leur dit qu’ils sont malpropres, on jette leurs vêtements traditionnels et, souvent, on leur attribue un nouveau nom. Les missionnaires chrétiens se faisaient un devoir de dénigrer leurs traditions spirituelles. Pour s’assurer d’atteindre leurs objectifs rapidement, les adultes des pensionnats n’hésitent pas à donner des punitions corporelles, toutes sortes de violences qui glacent le sang. Évidemment, jamais ils ne sont tenus responsables des conséquences de cette violence. Résultat, pendant 150 ans, des milliers de petits enfants ont été victimes de sévices physiques et sexuels dans des institutions subventionnées par l’État. 

Certains membres du personnel sont des prédateurs sexuels. Beaucoup d’élèves sont abusés sexuellement. Quand il y a des allégations d’abus sexuels, la réponse du gouvernement et de l’Église est, au mieux, inadéquate. Même lorsque les représentants du gouvernement ou de l’Église jugent que la plainte est fondée, la police est rarement contactée.
Certains membres du personnel sont des prédateurs sexuels. Beaucoup d’élèves sont abusés sexuellement. Quand il y a des allégations d’abus sexuels, la réponse du gouvernement et de l’Église est, au mieux, inadéquate. Même lorsque les représentants du gouvernement ou de l’Église jugent que la plainte est fondée, la police est rarement contactée. ANICE LONGBOAT/ ABORIGINAL HEALING FOUNDATION

Le plus déconcertant est que ces enfants étaient coincés dans ces maisons dites d’éducation et complètement isolés de leur communauté. 

Bien entendu, à l’usure, une cassure s’est opérée entre les générations. La langue a souvent été oubliée, et le mode de vie et certaines traditions millénaires ont été abandonnés.

Régime de la honte révélé au grand jour

Le dernier pensionnat autochtone financé par le gouvernement fédéral au Canada a fermé ses portes en 1996. Malgré les témoignages, les souffrances et les demandes répétées de réparation des différentes communautés autochtones, il a longtemps régné dans l’opinion publique canadienne une certaine indifférence face à cette troublante réalité.

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L’impatience des adultes des pensionnats donne souvent lieu à des punitions excessives, y compris de la violence physique. Des centaines de pensionnaires survivants parlent d’enchaînements, de séquestrations ou de coups violents.
L’impatience des adultes des pensionnats donne souvent lieu à des punitions excessives, y compris de la violence physique. Des centaines de pensionnaires survivants parlent d’enchaînements, de séquestrations ou de coups violents. Archives de l’Église unie du Canada

Mais au printemps de 2021, les médias de tout le pays annoncent la découverte de 215 corps d’enfants dans une fosse commune sur le terrain de l’ancien pensionnat indien de Kamloops. 

Cette découverte a sans aucun doute fait accélérer l’adoption d’un projet de loi qui répond à une demande de la Commission de vérité et réconciliation, soit d’instituer une journée nationale de la vérité et de la réconciliation comme jour férié. 

Le 30 septembre

Cette date n’a pas été choisie au hasard. Depuis 2013, ce jour est identifié pour commémorer l’histoire tragique des pensionnats ainsi que leurs séquelles profondes par la Journée du chandail orange. La couleur orange fait référence à l’histoire vécue par la petite Phyllis âgée de 6 ans. En 1973, l’enfant est envoyée comme bien d’autres dans un pensionnat à 80 kilomètres de chez elle en Colombie-Britannique. Dans sa valise, la petite Phyllis possède un chandail orange, une pièce de vêtement offert par sa grand-mère. Mais, elle ne pourra pas le porter bien longtemps, ce beau chandail orange, parce qu’il lui sera rapidement confisqué en arrivant au pensionnat. Comme les autres enfants, elle devra se départir de ses biens et revêtir l’uniforme de l’internat. 

Le fait de porter un chandail orange symbolise la dépossession de la culture, de la liberté et de l’estime de soi dont ont été victimes les enfants autochtones pendant plusieurs générations.

Génocide culturel

Selon la Commission de vérité et réconciliation, en raison de la mauvaise tenue des dossiers par les Églises et le gouvernement fédéral, il est fort peu probable que nous ayons un jour accès au nombre total de décès dans les pensionnats autochtones. Cependant, selon le juge Murray Sinclair, président de la Commission, ce nombre pourrait être supérieur à 6 000. Raconter l’histoire tragique des pensionnats et de leurs séquelles fait partie du processus de pardon et de réconciliation. Notre devoir de mémoire ne s’arrête pas simplement à inscrire la date du 30 septembre à notre agenda, il s’agit plutôt de souligner cette journée de façon tangible.

Le pensionnat Gordon à Punnichy, en Saskatchewan, a fermé ses portes en 1996.
Le pensionnat Gordon à Punnichy, en Saskatchewan, a fermé ses portes en 1996. Photo fournie par Martin Landry.

Référence : Encyclopédie canadienne et le Centre national pour la vérité et la réconciliation de l’Université du Manitoba

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