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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Montréal est l'une des grandes villes gaies dans le monde depuis 1869

C’est ici que se trouvait le premier établissement homosexuel connu en Amérique du Nord

L’origine du drapeau arc-en-ciel est bien mal connue. Créé par Gilbert Baler pour la Gay Freedom Parade de San Francisco en 1978, ce drapeau est aujourd’hui 
largement utilisé à l’occasion de la grande fête de la Fierté ici, à Montréal, et partout dans le monde.
L’origine du drapeau arc-en-ciel est bien mal connue. Créé par Gilbert Baler pour la Gay Freedom Parade de San Francisco en 1978, ce drapeau est aujourd’hui largement utilisé à l’occasion de la grande fête de la Fierté ici, à Montréal, et partout dans le monde. Photo tirée du site gilbertbaker.com/flags
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Photo portrait de Martin Landry

Martin Landry

2023-08-13T04:00:00Z
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Saviez-vous qu’à l’époque de la Nouvelle-France, tout mâle en âge légal de se marier devait se trouver une épouse dans les 15 jours suivant l’arrivée des bateaux transportant des filles du Roy ? On avait si peur de toute forme de débauche que certains boisés étaient même interdits aux célibataires. 

En 1648, le premier homme inculpé (un militaire) d’un crime « contre nature » est formellement accusé d’avoir commis le pire des crimes et est condamné à mort. Il évitera toutefois sa sentence en acceptant de devenir le premier bourreau de la colonie.

Un militaire est condamné à mort pour avoir eu des rapports sexuels avec un autre homme, mais comme il n’y avait pas de bourreau en Nouvelle-France en 1648, personne ne pouvait accomplir la tâche. Il a donc évité la mort en acceptant de devenir le premier exécuteur des basses œuvres de l’État en terre d’Amérique française.
Un militaire est condamné à mort pour avoir eu des rapports sexuels avec un autre homme, mais comme il n’y avait pas de bourreau en Nouvelle-France en 1648, personne ne pouvait accomplir la tâche. Il a donc évité la mort en acceptant de devenir le premier exécuteur des basses œuvres de l’État en terre d’Amérique française. Photo fournie par Jean-François Gratton

APPLES AND CAKE SHOP

Ce n’est pas d’hier que l’homosexualité est condamnée et réprimée au Québec. Nous le savons et le constatons bien souvent grâce aux documents juridiques. Par exemple, en 1869, le commerçant Moïse Tellier est arrêté par les autorités canadiennes. 

La pièce à l’arrière de sa boutique Apples and Cake Shop, rue Craig, aujourd’hui rue Saint-Antoine, tout près du boulevard Saint-Laurent, servait à des relations sexuelles entre hommes.

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Des premiers jours de la colonisation jusqu’en 1969, les lois sur la sodomie ont rendu illégales les relations sexuelles entre hommes au Canada.
Des premiers jours de la colonisation jusqu’en 1969, les lois sur la sodomie ont rendu illégales les relations sexuelles entre hommes au Canada. Photo Domaine public

Un crime extrêmement grave en ce milieu du XIXe siècle, un comportement répréhensible rivalisant avec ceux de Sodome et Gomorrhe, pouvait-on lire dans un journal de l’époque. Par cette intervention, le premier établissement gai officiellement connu du continent nord-américain venait d’être fermé. 

Il faut noter que la culture gaie connue, qui prend progressivement forme à Montréal à cette époque, est d’abord masculine. Une loi promulguée en 1892 rend illégale la « grossière indécence » entre hommes, ce qui comprend tout geste indiquant une attirance envers le même sexe, y compris les simples contacts, la danse et les baisers. En 1953, on étend cette loi aux femmes. Les relations homosexuelles sont donc criminalisées et surtout passibles de peine d’emprisonnement de cinq ans au Canada.

Malgré la sévérité de la loi et la répression policière, dans les grandes villes du Québec comme à Montréal, on constate qu’un nombre de plus en plus important d’hommes défient les risques d’arrestation.

LES CHOSES CHANGENT TRANQUILLEMENT

À la fin de l’été 1959, des centaines d’hommes homosexuels sortent de l’ombre pour festoyer et danser au Downbeat club, rue Peel. Ils se réunissent pour souligner le 24e anniversaire de la célèbre drag-queen La Monroe. Il fallait oser, parce qu’on était encore à une époque où l’homosexualité était taboue partout en Amérique du Nord. Beaucoup considéraient les homosexuels comme des malades mentaux. Vous savez, dans les années 1960, il était aussi formellement interdit de servir de l’alcool aux gens suspectés d’homosexualité. 

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La communauté gaie s’affiche un peu plus librement dans les années 1970 dans certains secteurs de la ville, mais les espaces de rassemblement homosexuel restent semi-clandestins et plutôt fragiles. En 1973, la légendaire discothèque de la rue Stanley, le Lime-Light, ouvre à Montréal et contribue à l’émancipation de la communauté. Le maître du disco de la ville, le DJ Robert Ouimet, attire les foules sur sa piste de danse. 

Le magazine Rolling Stone va même l’élire le meilleur DJ nord-américain.  

RÉPRESSION ET RÉACTION

À l’automne de 1977, la police montréalaise organise une descente aux bars gais Le Truxx et Mystique, rue Stanley. Dans une violence qui serait inacceptable dans la société québécoise d’aujourd’hui, une bonne cinquantaine de policiers lourdement armés de mitraillettes bousculent les clients, les terrorisent et procèdent à l’arrestation de plus de 200 hommes. 

On accuse 143 d’entre eux de se trouver dans une maison de débauche et de grossière indécence.

Cette rafle policière demeure la plus importante depuis les événements de la crise d’Octobre en 1970.

Trop, c’est trop ! Longtemps réprimée, la communauté homosexuelle se mobilise spontanément.

Moins de 24 heures après l’intervention de forces de l’ordre, plus de 2000 hommes manifestent contre le zèle, la violence et l’acharnement policiers. La pression est telle que l’Assemblée nationale du Québec, alors dirigée par le Parti Québécois de René Lévesque, modifie la Charte des droits et libertés de la province pour empêcher la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle des Québécois. Les policiers poursuivront quand même leurs visites surprises et leurs arrestations dans les établissements gais, puisque nous vivons dans une fédération et que le droit criminel est un champ de juridiction qui ne relève pas des provinces.

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UN PREMIER DÉFILÉ GAI À MONTRÉAL

La première marche de la Fierté à Montréal en 1979. On peut voir sur la photo (de gauche à droite) John Banks avec le casque, Walter Aubi, Armand Monroe et Dalilah de dos.
La première marche de la Fierté à Montréal en 1979. On peut voir sur la photo (de gauche à droite) John Banks avec le casque, Walter Aubi, Armand Monroe et Dalilah de dos. Photo fournie par la Collection privée d’Armand Monroe

La Brigade rose fondée par le militant montréalais John Banks met sur pied le premier défilé de la Fierté à Montréal le 23 juin 1979. L’événement n’a pas de financement et bénéficie d’un minimum d’organisation. Le point de rendez-vous pour le départ est donné au carré Saint-Louis. La marche festive et colorée des 52 participants qui se termine au parc Lafontaine suscite la surprise des Montréalais. 

Puis, presque chaque été entre 1980 à 1991, le défilé anime les rues de la métropole.

En 1991, Robert Vézina crée le célèbre Black & Blue. Le party attire les foules et devient rapidement un événement phare de la communauté LGBTQ+ et du grand public qui aiment danser et faire la fête.
Deux ans plus tard, le premier véritable organisme montréalais de la Fierté est mis sur pied à Montréal par Suzanne Girard et Puelo Deir. Divers/Cité réussit à attirer 5000 personnes à son premier défilé. On sent alors que Montréal s’affirme comme une des grandes villes gaies dans le monde.

FIERTÉ MONTRÉAL

Les politiciens sont de plus en plus présents aux défilés de la Fierté à Montréal.
Les politiciens sont de plus en plus présents aux défilés de la Fierté à Montréal. Photo d’archives

En 2007, Fierté Montréal remplace le défilé de Divers/Cité. L’événement est alors considéré comme la plus grande célébration de la Fierté dans le monde francophone.

En 2017, Fierté Canada attire 2,7 millions de visiteurs. Les mentalités évoluent et les comportements d’inclusion et d’acceptation des différences se manifestent indéniablement. 

Le 16 mai 2019, les députés de l’Assemblée nationale du Québec reconnaissent officiellement le statut particulier du Village LGBTQ+ de Montréal comme le plus grand quartier LGBTQ+ en Amérique du Nord, après celui de San Francisco, ainsi que lieu de refuge et d’émancipation.

Festival de la diversité et de la pluralité des genres, l’événement se déroule jusqu’au 13 août cette année.
Festival de la diversité et de la pluralité des genres, l’événement se déroule jusqu’au 13 août cette année. Photo d'archives

Cette année, le Défilé de la Fierté se tient le 13 août à Montréal pour célébrer les droits des communautés 2SLGBTQIA+.

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