[BALADO] Joleil Campeau, tuée il y a 30 ans: «Chaque fois que je passe près de là, j’ai une pensée pour elle»
Le dossier sur la disparition et le meurtre de l’enfant est le plus important en carrière du détective principal en 1995

Valérie Gonthier
«Chaque fois que je passe près de là, j’ai une pensée pour Joleil», dit Serge Boulianne, alors sergent-détective à Laval.
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Il se souvient du jour de juin 1995 où Joleil Campeau, 9 ans, a été portée disparue.
Lorsqu’on a retrouvé sa ceinture arc-en-ciel près d’un ruisseau, il a compris que l’enquête prenait une autre tournure. Il est resté sur les lieux toute la nuit.
Le lendemain, des policiers de partout étaient présents, certains en motocross, parcourant les champs près de la maison de Joleil.

Des centaines de curieux s’étaient aussi massés sur la rue Debussy, un petit rond-point, près du boulevard des Mille-Îles à Laval.
«On a reçu 400 informations en trois jours. Il fallait les classer, se concentrer sur les plus urgentes», raconte-t-il.
16 ans d’attente
Malgré les efforts, Joleil était introuvable. Seul le ruisseau n’avait pas été fouillé de fond en comble.

Les policiers l’ont vidé, et c’est là, dans la vase, qu’ils ont découvert le corps de la fillette.
Si la famille pouvait commencer son deuil, le travail des enquêteurs était loin d’être terminé. Il fallait mettre la main sur le sauvage qui avait commis ce crime.
Car il était alors évident qu’il s’agissait d’un meurtre: dans le ruisseau, Joleil avait une énorme roche, d’environ 60 livres, dans le dos.
Au fil des ans, les enquêteurs ont vérifié une multitude d’informations, fait des simulations, des portraits-robots. Serge Boulianne a même rencontré un shaman et une voyante qui disaient détenir des informations pertinentes, en vain.

Pendant 16 ans, l’affaire reste irrésolue.
Jusqu’à l’arrestation d’Éric Daudelin en juin 2011 (voir encadré).
Le plus gros dossier
L’homme était d’ailleurs dans la mire des policiers dès le début de l’enquête, se souvient M. Boulianne. Deux jours après la disparition de Joleil, ils avaient appris que cet homme, condamné pour agression sexuelle, venait de sortir de prison et vivait à proximité. Ils avaient fouillé sa maison et sa voiture, sans rien trouver.
Quand Daudelin a été reconnu coupable en 2014, Boulianne a ressenti une grande fierté. Le criminel a été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération avant 25 ans.

«Parfois, tu as un suspect, mais tu peux passer le restant de tes jours sans être en mesure de l’arrêter. Quand tu travailles des heures, des années sur une enquête, tu espères trouver la clé de l’énigme», lance-t-il.
Le dossier de Joleil a d’ailleurs été le plus important de sa carrière.
«C’est un meurtre d’enfant... donc c’est certain que ça prend beaucoup de place», lâche-t-il.
Comment Éric Daudelin a été coincé?
La cagoule
En juin 1995, une cagoule a été retrouvée dans le boisé où Joleil Campeau est morte.
Il faisait pourtant alors très chaud à l’extérieur, se souvient l’enquêteur principal au dossier, Serge Boulianne.

Puis en décembre 2009, de l’ADN de Daudelin a été détecté sur cette cagoule. On se doutait ainsi que l’homme s’était rendu sur les lieux, mais cela n’était pas suffisant pour l’arrêter.
L’opération Mr. Big
«Y a-t-il des dépanneurs et des bars dans le coin?»
Quand un homme aborde Éric Daudelin près de chez lui en mars 2011, il ne se doute pas qu’il est le sujet principal d’une vaste opération policière d’infiltration.
Ils ont alors tenté le tout pour le tout afin de le coincer: une fausse organisation criminelle dans laquelle Daudelin évoluera.

Chaque rencontre ou interaction avec lui est planifiée par des policiers spécialisés. On veut gagner sa confiance.
Cette première rencontre dans la rue est donc le premier de 45 scénarios destinés à le piéger.
Appelée Mr. Big dans le jargon policier, cette opération d’infiltration, qui a les allures d’un scénario digne d’Hollywood, a pour unique but de lui faire avouer le meurtre de Joleil Campeau.
On lui confie des tâches fictives: surveiller un camion, transporter des objets suspects, récupérer une clé sous un lavabo, manipuler des jetons de casino truqués. Il croit même aider à fabriquer un alibi et à corrompre des autorités. Il empoche des centaines de dollars après chaque mission. Tous ceux qu’il côtoie sont des policiers d’infiltration qui jouent un rôle.
L’opération policière se termine après un séjour dans l’Ouest canadien, où une grosse job payante est prévue. Mais sur place, on lui dit que tout est sur la glace par sa faute parce qu’il fait l’objet d’une enquête pour meurtre. Le faux grand patron, prétendant avoir des contacts avec la police de Laval, lui propose de «régler» la situation. Mais en échange, il doit tout avouer.

C’est ainsi que Daudelin confesse son crime: l’enlèvement, l’agression et la façon dont il a noyé Joleil, avant de déposer une roche sur son corps. Ses aveux sont filmés.
Il est arrêté à son retour à Montréal et apprendra plus tard comment il a été bluffé.
La petite culotte de Joleil
En juin 2011, grâce aux avancées de la technologie, de l’ADN d’Éric Daudelin est découvert sur la petite culotte que portait Joleil lors de sa mort.
Mais à ce moment, il ne restait que quelques jours à l’opération Mr. Big visant à le piéger. Les enquêteurs ont donc choisi de la continuer afin d’obtenir ses aveux.
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