Jean-François Beauchemin montre comment des gens d’une même grande famille vivent malgré les souvenirs traumatisants de la Seconde Guerre mondiale dans son nouveau roman
«Mémoires de Mayron Schwartz»


Marie-France Bornais
Dans la foulée du Vent léger et d’Archives de la joie, l’incomparable Jean-François Beauchemin propose cet automne une réflexion poétique sur la condition humaine, les profondeurs de l’âme et les envolées de l’esprit dans son nouveau roman, Mémoires de Mayron Schwartz. Avec justesse, il explore les thèmes de la religion et de la spiritualité, montre les séquelles laissées par les atrocités de la Seconde Guerre mondiale et rappelle ce qui fait que le monde est beau, malgré toutes ses cicatrices.

Livrer ses mémoires
Mayron Schwartz est au cœur de ce roman magistral, très dense, d’une grande profondeur. C’est un écrivain juif athée qui entreprend de livrer ses mémoires à travers un parcours qui montre bien son amour pour sa famille, ses amis. En revisitant ses souvenirs, il nous fait connaître des gens émouvants et, toujours, s’émerveille devant les beautés du monde vivant.
«En écrivant ce livre-là, je me suis rendu compte que j’étais en train de faire une espèce de travail de mémoire. J’ai mis en scène des gens qui ont vécu un grand malheur – les camps nazis – et qui, des décennies plus tard, sont marqués et se souviennent de ça. Ils essaient d’intégrer ce traumatisme à leur vie de tous les jours», explique l’écrivain en entrevue.
«J’ai voulu rendre hommage à la mémoire, à l’Histoire, aux gens qui nous ont libérés de ce grand malheur qui est survenu au milieu du 20e siècle et qui ont permis qu’on passe à autre chose. Mais les gens qui ont vécu ça demeurent avec ces souvenirs. Je voulais rendre hommage aux gens qui ont vécu et survécu à ça et qui, aujourd’hui, continuent à vivre malgré tout. C’est un grand traumatisme pour ces gens-là.»
L’ordinaire rencontre l’extraordinaire
Jean-François Beauchemin ajoute qu’il a aussi une obsession qui se répète de livre en livre: parler de la vie la plus ordinaire possible, la vie quotidienne, la vie banale qu’on vit tous. «Dans ce livre, cette vie ordinaire se mêle à la mémoire traumatisée de certaines personnes. Ce sont des existences ordinaires qui ont traversé, à une certaine période, quelque chose d’extraordinaire.»
Il précise qu’en cours d’écriture, il a cherché à se glisser dans la peau de ces gens-là. «Je ne connais pas de juifs qui ont vécu la guerre et les camps de concentration. Je ne connais personne qui a vécu ça. Donc c’est un travail d’imagination, encore une fois, que j’ai fait. Un travail d’écrivain.»
«Et c’est surtout un grand travail d’empathie parce que je me suis mis dans la peau de ces gens imaginaires – ce sont des gens que j’ai fabriqués de toutes pièces, que j’ai inventés. J’ai tenté, de mon mieux, avec ma propre sensibilité, de me mettre dans leur peau. Oui. Et d’imaginer ce que ça peut représenter que de vivre après avoir vécu une horreur pareille.»
Il trouvait important qu’il y ait dans son histoire des enfants, des jeunes, qui n’ont pas connu les camps, pour «contrebalancer la mémoire blessée des plus vieux, des parents et des grands-parents qui ont vécu ça et qui eux, en ont souffert beaucoup».
Vivre ensemble
Les personnages sont en quête de paix, apprécient les moments passés ensemble, admirent ce qui est beau autour d’eux, se réjouissent quand des inconnus leur viennent en aide. «Il y a la beauté et la paix, l’apaisement qu’il y a dans le fait de vivre à la campagne, et la paix que procure le fait de vivre ensemble.»
«Je pense que c’est un roman sur le vivre-ensemble. Ce sont des gens qui, même si leurs personnalités et leurs sensibilités sont très différentes, s’efforcent de leur mieux de vivre ensemble, avec assez d’harmonie et de paix. Je pense que c’est leur grande force.»
Mémoires de Mayron Schwartz
Jean-François Beauchemin
Éditions Québec Amérique
528 pages
- Jean-François Beauchemin publie des romans d’exception depuis 25 ans.
- Il est l’auteur, notamment, de La fabrication de l’aube (Prix des libraires 2007) et du Roitelet (Prix des libraires Folio Telerama 2024).
«Au départ, juifs et chrétiens ne sont pas censés être fourrés dans le même sac. Mais les choses ne se sont pas passées comme ça dans la famille, à cause du grand-père Aaron qui n’aimait pas la bisbille et qui un beau jour en emplissant de bûchettes le ventre du poêle Bélanger a pris une décision. Une réunion extraordinaire a été organisée dans la vaste cuisine.»
– Jean-François Beauchemin, Mémoires de Mayron Schwartz, Éditions Québec Amérique
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