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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Jean-François Beauchemin: déchiré entre deux mondes

Jean-François Beauchemin
Jean-François Beauchemin Photo Martin Alarie
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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2021-02-07T06:00:00Z
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Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, l’écrivain Jean-François Beauchemin, passé maître dans l’art d’examiner l’âme et les sentiments humains, décrit la relation fusionnelle entre un écrivain et son frère, atteint de schizophrénie, dans son nouveau roman, Le Roitelet. Ce petit bijou établit un subtil parallèle entre la maladie mentale et le monde des oiseaux, aborde avec élégance la douleur humaine, de même que la bienveillance et la sollicitude.

Deux frères vivent près l’un de l’autre dans la campagne et leur quotidien se déroule en douceur. Jean-François Beauchemin décrit leur vie par petits fragments, sur un fond de belle nature.

L’écrivain, un homme plongé dans ses réflexions, vit avec sa conjointe, son chien et son chat. Il rend visite à son frère, atteint de schizophrénie depuis son adolescence, et veille sur lui. Leur relation est marquée par la mort de leurs parents, les crises de larmes et de paranoïa, et les moments plus calmes et doux, réconfortants.

Création littéraire

Jean-François Beauchemin, en entrevue depuis sa résidence des Laurentides, explique qu’il n’a pas de frère atteint de schizophrénie, mais qu’il souhaitait se pencher sur la maladie mentale, à travers la littérature.

«Le roman est à cheval entre les deux mondes, dans le sens où le narrateur qui raconte l’histoire est un écrivain. Je pense qu’on peut dire qu’il est assez proche de moi : je lui ai donné mes pensées et ma sensibilité. Il se pose à peu près les mêmes questions que moi et voit le monde à peu près de la même façon que je le vois. L’aspect autobiographique s’arrête à peu près là.»

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Tout le reste relève de la création, ajoute-t-il. «Je ne suis pas du tout un spécialiste de la maladie mentale, et tout l’univers, le décor que j’ai planté dans cette histoire est de l’invention. J’ai fait un travail de romancier.»

La vie de l’esprit

Il a eu envie de parler de la schizophrénie parce qu’il a toujours été attiré par la vie de l’esprit. «J’aurais aimé être psychologue ou psychiatre, mais ça n’a pas été le cas, et je suis devenu un artiste à la place. Mais j’ai gardé cet intérêt pour tout ce qui est vie intérieure, conscience, imagination, mémoire. J’écris des livres qui vont dans ce sens-là.»

Le Roitelet est en ligne directe avec ce qu’il a toujours fait, dit-il. «Voici deux personnages qui, au fond, voient le monde à travers leur esprit, en discutent, se débattent avec ça, d’autres fois s’appuient là-dessus.»

Les oiseaux

Par la magie des mots, de la poésie et du récit, Jean-François Beauchemin trouve des similitudes entre le monde des deux frères et celui des oiseaux. La nature humaine est ainsi liée à la nature, en général.

L’écrivain est d’ailleurs un passionné d’ornithologie. «Quand je me suis mis à réfléchir à la vie d’un oiseau, je me suis dit qu’au fond, c’est un être qui vit dans deux mondes à la fois. Il vit à la fois dans le ciel et sur la terre. Un oiseau, ça vole et parfois, ça se pose au sol et s’envole à nouveau. Il vit dans deux mondes à la fois... et c’est l’exacte réalité de quelqu’un qui est schizophrène et qui est déchiré entre deux mondes : la réalité et la réalité de son esprit.»

Ce personnage schizophrène devient ainsi un roitelet. «C’est un petit oiseau presque insignifiant... très banal. La seule chose qu’il a de particulier, c’est une petite couronne jaune sur la tête. Comme s’il y avait un faisceau de lumière qui lui sortait de l’esprit.» 

  • Jean-François Beauchemin est écrivain depuis plus de 20 ans. 
  • Il a écrit de nombreux livres, dont plusieurs ont été récompensés par des prix prestigieux. 
  • Le Roitelet est son 23e ouvrage.   

EXTRAIT 

«À ce moment, je me suis dit pour la première fois qu’il ressemblait, avec ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés, à ce petit oiseau délicat, le roitelet, dont le dessus de la tête est éclaboussé d’une tache jaune. Oui, c’est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l’or et la lumière de l’esprit s’échappaient par le haut de la tête. Je me souvenais aussi que le mot roitelet désignait un roi au pouvoir très faible, voire nul, régnant sur un pays sans prestige, un pays de songes et de chimères, pourrait-on dire.»

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